Archives de catégorie : Littérature

Ubik – Philip K. Dick

Ubik - Philip K. Dick Retour à mon écrivain de S.F. préféré, pour relire Ubik, que j’avais lu il y a longtemps. Je voulais rafraîchir un peu mes souvenirs, ce roman faisant partie des œuvres principales de l’auteur.

C’est vraiment un bon roman de science-fiction, publié en 1969, et censé représenter un futur que l’auteur place en 1992 ! Nous avons échappé à ce monde, fort heureusement, encore que…

Voilà donc un monde technologique où tout a été automatisé, jusqu’à l’ouverture de la porte de votre appartement. Mais rien n’est gratuit, et si n’avez pas cinq cents dans votre poche, vous aurez du mal à sortir de votre conapt ! Heureusement, Joe Chip, notre héros, bien que fauché, trouvera toujours un moyen de s’en sortir : faire payer les autres, ou démonter la porte !

Une autre particularité de ce monde est la guerre sans merci que se livre deux sociétés : la société Harris qui emploie des psis/précogs/télépathes pour espionner les concurrents de leurs clients, et la société Runciter qui emploie des « anti-psis » pour contrer les pouvoirs des premiers. Une concurrence sauvage, donc… tout cela en fait un beau monde capitaliste poussé à son paroxysme !

Quand les psis de Harris commencent à disparaître mystérieusement, Glen Runciter s’en va consulter sa femme, qui se trouve dans un état de semi-vie… La science permet en effet de retarder la mort en conservant les individus dans cet état intermédiaire, mais à chaque « réveil », la mort véritable se rapproche jusqu’à être inéluctable, comme il se doit.

Et puis, à chaque début de chapitre, un slogan vente les mérites d’un produit aussi mystérieux qu’universel : Ubik !

Ubik instantané possède tout l’arôme du café-filtre fraîchement moulu. Votre mari vous dira : « Chérie, je trouvais ton café comme-ci comme-ça ; mais maintenant… miam, quel régal ! ». Sans danger si l’on se conforme au mode d’emploi.

Le rasage que nous vous offrons est sans précédent. N’est-il pas temps que le visage d’un homme ait lui aussi cette incomparable douceur ? Avec la lame Ubik en acier chromé de fabrication suisse, finis les jours des joues qui grattent. Essayez Ubik, messieurs, et faites-vous désirer. Attention : à utiliser exclusivement selon le mode d’emploi. Et avec précaution.

Vos problèmes financiers vous préoccupent ? Visitez la Société d’Épargne et de Crédit Ubik. Vos dettes cesseront d’être un point noir. Supposons, par exemple, que vous empruntiez quatre-vingt-quinze poscreds à un taux d’intérêt minimum. Le total de vos versements se montera à…

La suite, je vous laisse la découvrir, j’aurai d’ailleurs bien du mal à vous la raconter. Mais la force de ce roman, c’est que tout se tient finalement, même ce produit Ubik qui s’invite dans l’histoire sur la fin…

Philip K. Dick est pourtant au début de sa carrière, mais il fait déjà preuve d’une belle maîtrise ! Autres articles sur Philip K. Dick sur le blog :

Philip K. Dick (1928-1982) est un écrivain américain de science-fiction. Il a passé la majorité de sa vie dans une quasi-pauvreté, malgré quelques prix littéraires. Pourtant, son apport à la science-fiction est phénoménal, et plusieurs de ses œuvres ont été reprises au cinéma, comme Paycheck, Total Recall, Blade Runner, Minority Report, etc…

Meursault, contre-enquête – Kamel Daoud

Meursault, contre-enquête - Kamel Daoud Après avoir vu un interview à la TV de Kamel Daoud à propos de ce livre, j’ai eu envie de lire cette « réponse » à « l’Étranger » d’Albert Camus. Le roman a été finaliste pour le prix Goncourt, sans le remporter pour autant, mais avait obtenu d’autres prix, comme le montre le bandeau de couverture.

Mais avant de commencer, je me suis dit : relis d’abord l’Étranger, tu l’as lu à l’école il y a bien longtemps, ce sera bien de lire les deux à la suite. Aussitôt dit, aussitôt fait, d’autant que les deux romans, sensiblement de la même taille, se lisent assez vite. Mais je serai tenté de dire que c’est le seul point commun entre les deux.

L’Étranger de Camus

C’est vraiment un très bon roman, on est tout de suite intrigué par ce personnage qui nous parle, et dont on sent bien qu’il montre une sorte d’insensibilité, d’indifférence à tout ce qui lui arrive, vivant normalement au quotidien, mais dans un détachement total, étranger au monde qui l’entoure.

La vie a-t-elle un sens pour cet homme ? Sous le soleil omniprésent, il finit par tuer un Arabe sur la plage, sans vraiment savoir pourquoi. La deuxième partie du roman est le récit de son procès, où on lui reprochera plus son indifférence au monde (son attitude à la mort de sa mère, qui ouvre le roman) que le meurtre, ce qui le conduira à une condamnation fatale (et acceptée).

C’est magnifiquement écrit, Camus raconte d’une manière vraiment unique ; dire que c’était son premier roman ! Il parait qu’il existe une version audio de l’Étranger, lu par Albert Camus lui-même. J’aimerais bien l’écouter…

Meursault, contre-enquête

À peine « l’Étranger » refermé, j’entame donc « Meursault, contre-enquête ». Le narrateur, Haroun, est le frère de « l’Arabe » tué par Meursault ; plus de cinquante ans plus tard, vieil homme assis au coin d’un bar, il va donner enfin un nom à la victime de Meursault, et nous raconter l’histoire vue de l’autre côté, bien des années plus tard, après l’indépendance. L’homme est amer sur sa vie, son pays, la religion…

Je n’ai pas du tout accroché. Même si c’est très bien écrit, il ne m’en reste qu’une longue lamentation assez déplaisante, souvent répétitive, avec cet Haroun qui interpelle constamment le lecteur sur ses malheurs. Je m’attendais à un jeu de miroir avec le roman de Camus, mais ce n’est apparemment pas ce que cherchait l’auteur : plutôt un prétexte pour parler de son pays à notre époque.

Kamel Daoud, né en 1970, est un  journaliste et écrivain algérien.

Little Brother – Cory Doctorow

Little Brother - Cory Doctorow J’avais été un peu déçu par Dans la dèche au royaume enchanté du même auteur, le trouvant trop imprégné de « culture américaine » (le monde de Disneyland). Pourtant Cory Doctorow est un type intéressant, très impliqué dans les nouvelles technologies de l’internet, la guerre des brevets, la gratuité du net…

Avec Little Brother, c’est aux restrictions de la liberté des citoyens qu’il s’attaque cette fois, après un attentat terroriste à San Francisco. Un problème qui touche tout le monde, à proprement parler.

Un jeune ado, fan de jeux vidéo, tendance geek, est arrêté par les forces anti-terroristes, ayant simplement eu le tord de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment. Finalement relâché après une série d’interrogatoires musclés, en état de choc, il prend conscience que les libertés individuelles de son pays sont totalement bafouées au prétexte du terrorisme, et décide de lutter contre cet état de fait. Et surtout, son  meilleur ami, arrêté en même temps que lui, n’est pas réapparu…

La lecture du roman est très agréable, le narrateur est ce jeune ado qui nous raconte son histoire à la première personne, en faisant un véritable polar avec un vrai suspense. La technologie est forcément présente, puisque ce sera avec cette arme que le jeune w1n5t0n (prononcer Winston) va pouvoir se battre contre ces forces spéciales qui agissent sans respecter les lois civiques.

C’est très bien raconté, j’y ai même trouvé une excellente explication (vulgarisation) du cryptage des mails (clé publique/clé privée), très didactique et très claire (chapître 10). Si le roman est sans doute destiné aux ados (il y a une histoire d’amour au milieu de tout ça), tout le monde peut le lire pour mieux comprendre les enjeux.

Évidemment, il y a un happy-end, finalement peu crédible quand on regarde le monde réel, et ce qui s’est passé depuis le 09/11 aux USA… (voir le Patriot Act et ses conséquences sur les libertés). Mais cela en fait un roman très actuel, ou comment un adolescent sans autre problème que d’utiliser ses talents informatiques pour sécher les cours (car au lycée également, la sécurité devient très intrusive), va se transformer en révolutionnaire luttant contre le système, et finalement en une sorte de lanceur d’alerte, rendant toute l’histoire publique.

Cory Doctorow, né en 1971 à Toronto (Canada), est blogueur (blog Boing Boing), journaliste et auteur de science fiction. Il milite à l’Electronic Frontier Foundation, et travaille pour Creative Commons. Ses livres sont téléchargeables gratuitement sur son site, en anglais malheureusement.

Hérétiques – Leonardo Padura

Hérétiques - Leonado Padura Après lui avoir exprimé mon enthousiasme pour la lecture de « L’homme qui aimait les chiens», mon libraire préféré m’a mis dans les mains ce nouveau roman de Leonardo Padura ; quand je lui demandai si c’était aussi bien, il me fit une mimique semblant signifier que c’était encore mieux ! Malgré la faiblesse de l’argumentation, je le prenais.

Alors bon, sans égaler à mon avis le sublime « L’homme qui aimait les chiens», celui-ci va nous appendre des morceaux d’Histoire peu connus, et passionnants. Un petit mot toutefois pour l’éditeur : le bouquin est lourd et le format imposant (24×15 cm) rendant sa lecture un peu moins agréable. Ou est-ce l’auteur qui aurait peut-être pu en réduire le contenu, car il y a tout de même certaines longueurs (disons une multitude de détails).

L’intrigue tourne autour d’un mystérieux tableau de Rembrandt, disparu à La Havane, et qui réapparaît tout aussi mystérieusement lors d’enchères à Londres. Mario Conde, l’ex-policier maintenant recyclé dans le commerce de livres anciens, est mandaté par un descendant d’une famille juive polonaise pour enquêter : ce tableau leur appartenait il y a bien longtemps…

L’histoire se découpe en trois parties, à trois époques différentes. Le second fil conducteur de ce roman, c’est la liberté qu’a chaque individu de choisir sa propre route, faire ses propres choix, dans des contextes souvent difficiles et toujours contraignants.

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Cycle Les quatre saisons – Leonardo Padura

Passé parfait Après l’excellent L’homme qui aimait les chiens, j’ai eu envie de lire d’autres romans de cet auteur cubain. Et je suis tombé sur cette série de quatre romans policiers, qui font partie du cycle « Les quatre saisons », chaque histoire se déroulant à une saison de l’année 1989.

Leonardo Padura était journaliste, critique littéraire, scénariste pour le cinéma… puis il décida de se lancer dans l’écriture, et ce seront ses quatre premiers romans. Des romans policiers, où le lieutenant Mario Conde, la quarantaine désabusée, tendance alcoolique, va enquêter dans La Havane.

Vents de carême Mais attention, la censure existe à Cuba, et l’auteur utilise le roman policier, au gré des affaires qui sont confiées à Mario Conde, pour décrire cette société cubaine, amenée à gérer au quotidien une pénurie chronique (les camarades soviétiques ne les aident plus depuis longtemps). Les idéaux de la Révolution ont largement eu le temps de se ternir face à une réalité économique désastreuse. Pour certains, le seul espoir est de pouvoir un jour quitter l’île vers la Floride… quand d’autres se sont laissés corrompre. Tout cela donne un intérêt supplémentaire à ces enquêtes policières (qui ne sont finalement qu’un prétexte).

Electre à la Havane Il faut dire que la vision désabusée de Mario Conde n’y est pas étrangère. Célibataire, sa famille se résume à quelques amis d’enfance, avec qui le mot amitié prend tout son sens. Eux aussi ont eu leurs galères, ont vu leurs espoirs se réduire à peu de choses, leur jeunesse enfuie. Alors on boit du rhum de contrebande le soir, jusqu’à tomber par terre… Auparavant, Joséphine, la mère du Flaco (le meilleur ami de Mario), est un véritable cordon-bleu, capable de tirer le meilleur de bien peu de choses, et ils peuvent se remplir l’estomac avant d’attaquer les choses sérieuses.

L'automne à Cuba Un autre thème récurrent des histoires est la corruption des élites. Au moment de la révolution, beaucoup de riches cubains ont fuit le pays en y laissant leur richesse. L’État s’en est emparé, mais certains se sont enrichis facilement à ce moment-là, profitant de leur situation. Rien de nouveau sous le soleil, pourrait-on dire. Et s’il y a une chose qui énerve Mario Conde, c’est l’injustice et la malhonnêteté ; il ne leur fera pas de cadeau.

Dans « Électre à La Havane » (le troisième), c’est le thème de l’homosexualité qui est abordé : hypocrisie des élites, préjugés moraux, répression politique, les homosexuels cubains eurent la vie difficile dans les années 60 et 70. Le meilleur des quatre romans à mon goût.

Et dans « L’automne à Cuba », après une dernière enquête, Mario Conde démissionne de la police, qui apparaît elle aussi largement corrompue. On a pu voir le personnage évoluer au cours de ces quatre romans : dégoûté, il décide finalement de devenir écrivain, ce qu’il voulait être plus jeune, et advienne que pourra :

Il lui fallut courir pour s’enfermer dans les toilettes. Il ouvrit le robinet du lavabo et regarda l’eau qui coulait transparente et pure, avant de mettre les mains sous le jet et de se mouiller le visage, encore et encore, tentant d’enlever la saleté oppressante du désenchantement : la certitude d’avoir assisté à l’écroulement de plusieurs vies avait mis sous ses yeux la plus éclatante évidence quant à savoir pourquoi il avait été incapable d’écrire cette histoire dépouillée et émouvante à laquelle il rêvait depuis des années : ses vraies expériences étaient d’habitude ailleurs, très loin de la beauté, et il comprit qu’il devait d’abord vomir ses frustrations et ses haines pour être ensuite capable – s’il l’était, si un jour il l’avait été – d’engendrer quelque chose de beau. Il venait juste de reconnaître la dimension de la peur qui l’avait empêché de laisser couler sur le papier, de rendre réel, vivant, indépendant, et peut-être impérissable, ce fleuve de lave obscure qui avait emporté sa vie et celle de ses amis, et les avaient transformés en ce qu’ils étaient : moins que rien, rien de rien, rien que le néant.

Leonardo Padura est un journaliste et écrivain cubain, né à La Havane en 1955. Ces quatre romans sont donc ses premières œuvres : cela se sent dans le premier (Passé parfait), quand on le lit après L’homme qui aimait les chiens… mais le style évolue très vite, et le personnage de Mario Conde également. On a hâte de le retrouver dans d’autres romans !

Endgame Tome 1 – L’appel – James Frey

Endgame Tome 1 - L'appel - James Frey Je n’aurais jamais du lire ce livre, c’est une erreur ! Et je vous conseille d’en faire autant, à moins d’être un ado (pas forcément attardé) ! 🙂

Comment ce livre m’est-il arrivé entre les mains ? Eh bien, je dois remercier les amis, qui cette fois se sont bien plantés : tous les ans au réveillon, nous sommes deux ou trois à avoir droit à un cadeau, parce notre anniversaire est très proche (le 02 janvier dans mon cas)… très belle attention de leur part, n’est-ce pas ?

Sauf que… dans  la réalité, l’organisation pêche un peu : « on » va faire les courses au supermarché, et « on » choisit vite fait un bouquin au hasard parce qu’«on » est pressé : c’est ça ou « on » n’aura pas le temps d’aller boire un coup ! 😉 Et puis quoi on est au supermarché hein ? alors on en prend un gros, plus c’est gros plus c’est beau… Là, en l’occurrence, ça pourra servir à caler un meuble éventuellement… 😉

Et donc voilà : un scénario à deux balles, des clichés à la pelle, et surtout une écriture affligeante de pauvreté, tout ça sur 500 pages. Un calvaire à lire, attendant désespérément quelque chose d’intéressant, en vain.

Et comme le livre est couplé à une opération sur le web, où les passionnés (pas de littérature en tout cas !) pourront aller essayer de résoudre les énigmes (500 000 $ à gagner tout de même !), l’auteur nous inflige page après page des chiffres jusqu’à l’écœurement, car tout est important pour résoudre les énigmes.

Il en résulte donc des phrases du genre : « ce matin, untel s’est réveillé à 10h 24mn et 8,412 secondes». Le livre en est truffé ! Une horreur…

Comment conclure ? se rappeler qu’il existe des librairies pour acheter des livres, et accessoirement des libraires pour vous conseiller !

James Frey, né en 1969, est un écrivain américain, principalement connu pour ses mémoires (A Million Little Pieces), qui se révélèrent en partie bidon quelques années plus tard (voir ici). On voit qu’avec ce livre il a définitivement choisi la voie du bidonnage, littéraire cette fois !

Éloge des voyages insensés – Vassili Golovanov

Éloge des voyages insensés - Vassili Golovanov C’est à la radio que j’ai entendu parler de ce livre : Elisabeth Barillé était l’invitée de l’émission « Les racines du ciel » sur France Culture, pour y parler de Lou Andréas Salomé, et de son livre « Lou Andreas Salomé : L’école de la vie ».

À la fin de l’émission, on lui demande si elle a un livre à recommander, et c’est ce livre qu’elle mentionne : « pour moi un des plus beaux livres jamais écrit depuis ces vingt dernières années… récit de voyage sur la quête du nord… en  l’occurrence, quand on est russe, c’est le fin fond de la Sibérie… récit qui croise les mythes, ses mythes intérieurs, les mythes de l’humanité».

Il n’en fallait pas plus pour me convaincre. Hélas, le livre n’existe pas en poche, et coûte tout de même 29 €…

Le titre pourrait se limiter à « Éloge des voyages », même si celui-ci est effectivement assez insensé, puisque l’auteur se rend sur une île appelée Kolgouev, située dans la Mer de Barents (océan Arctique), et pratiquement déserte. Toujours est-il qu’à lire ce récit, on a une furieuse envie de prendre son sac à dos, même si une destination moins rude ferait aussi bien l’affaire…

La prose de Vassili Golovanov, superbe, nous emporte avec lui dans cette expédition un peu folle ; il nous fait partager ses doutes, ses réflexions, l’histoire de l’île, interroge les anciens, raconte des légendes, montre comment le peu de notre civilisation qui a réussi à venir jusqu’ici a réussi à détruire le mode de vie des locaux ; mais aussi l’expédition pour découvrir l’intérieur de l’île, les longues marches dans la toundra, les difficultés à trouver son chemin dans ce territoire vierge, le froid et l’humidité, la fatigue… tout en décrivant magnifiquement cette nature pourtant si rude.

Un très beau livre sans aucun doute, je l’ai lu tranquillement, et c’était un plaisir de s’y replonger à chaque fois. La presse surnomme l’auteur « le Nicolas Bouvier russe », et avec raison : même capacité à nous emmener dans un récit de voyage. Lui se classe dans les « géographes métaphysiques »…

Voilà quelques extraits pour vous faire une idée :

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Hunter S. Thompson, journaliste & hors-la-loi – William McKeen

Hunter S. Thompson, journaliste & hors-la-loi - William McKeen Ce n’est pas le premier bouquin de Thompson que je lis, et pourtant c’est par celui-là qu’il vaut mieux commencer (en tout cas pour lire les « Gonzo papers ») : quoi de mieux qu’une biographie pour découvrir une personnalité ? surtout aussi complexe que celle-ci.

Car ce n’est pas facile de faire la part de vérité entre la légende, le personnage réel, et ses provocations. Lui-même s’y fera prendre d’ailleurs… à son corps défendant.

Il voulait devenir un grand écrivain américain (il tapait à la machine à écrire des œuvres comme ‘Gatsby le magnifique’ pour « apprendre »), mais il échoua, et le savait. Sa consommation de cocaïne n’y est pas étrangère, et marque nettement la baisse de ses capacités littéraires.

C’est l’éditeur Tristram qui nous propose cette traduction, préfacée par Philippe Manœuvre : couverture souple, papier recyclé, très agréable à lire. Tristram a également entamé la publication de l’intégrale des « Gonzo papers » (3 volumes déjà parus).

Voilà donc quelqu’un qui a passé sa vie sous le régime coke/alcool, alcool/coke, et bien décidé à mener l’affaire jusqu’au bout, et qui a le dialogue suivant avec une étudiante lors d’une de ses conférences :

Une étudiante : Monsieur Thompson…
Hunter Thompson : Appelez-moi Hunter !
Une étudiante : Hunter… êtes-vous pour ou contre la légalisation ?
Hunter Thompson : Pour ! Absolument pour ! Là, maintenant, tout de suite (applaudissements nourris) ! On va y laisser la moitié d’une génération, mais au regard de l’histoire, c’est quoi une demi-génération (tohu-bohu dans la salle) ?!

Ceci pour vous donner une idée du personnage… Il ne lâche rien, et ne lâchera jamais rien… journaliste/écrivain, inventeur du journalisme gonzo (lire « Las Vegas Parano », ou encore mieux « Hell’s Angels »), mais pas que ça. Obsédé par « la mort du Rêve Américain », la perte des idéaux des années 60 (moment qu’il associe à l’assassinat de JFK), il s’implique aussi en politique, soutenant les démocrates, et faisant de Nixon sa bête noire.

La répression policière à Chicago lors de la convention démocrate de 1968 (660 arrestations, 1 000 blessés, un mort) le marqua également profondément :

Je suis allé à la Convention démocrate en journaliste, j’en suis revenu en bête féroce.

Il revint à Wood Creek presque muet et, pendant des semaines, ne put parler de Chicago sans fondre en larmes. Son cynisme envers la politique prit des proportions monstrueuses.

Tout ça pour dire que le personnage, certes tout en excès et provocation, est remarquablement lucide sur le monde, en particulier sur l’Amérique. Ses jugements sont souvent fulgurants, et ses écrits valent le détour.

Voilà quelques extraits choisis.

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Karoo- Steve Tesich

Karoo- Steve Tesich Conseillé par la libraire (« un bon délire »), prix du meilleur roman des lecteurs de Points 2014, je me suis dit que ce roman serait agréable à lire, sans prise de tête.

D’autant que le pitch a l’air marrant, puisque le héros a cette incroyable faculté de boire de la vodka comme un trou sans jamais être saoul… Une sorte de super-héros quoi ! 😉

Malgré un début prometteur où Saul Karoo, c’est son nom, présente une vision très cynique de sa vie et du monde qui l’entoure, mon optimisme fut vite douché : il se révèle très vite un personnage détestable, totalement imbu de sa personne, qui radote son mépris et ses interrogations existentielles au fil des pages, évoluant dans le milieu hollywoodien, empli d’autres personnages tout aussi détestables, obsédés par la puissance et l’argent.

Le récit se déplace alors vers une sorte de romance insipide, où l’on s’ennuie ferme d’une part, et où d’autre part le seul qui semble être dupe des évidences du scénario est cet être si intelligent qu’est Saul. La fin ne mérite ni d’être contée, ni d’être lue.

Tout cela dans un style littéraire assez insipide, qui ne font qu’ajouter à l’ennui (avec un scénario solide, sur ce genre de romans, ce ne serait pas un problème).

Steve Tesich (1942-1996) est un scénariste, écrivain américain d’origine Serbe (il émigre à 15 ans). Il a reçu plusieurs récompenses pour le scénario du film « Breaking away » (la bande des quatres) paru en 1979. Karoo a été publié de manière posthume (1998), et cela explique peut-être l’enthousiasme excessif des critiques littéraires à son égard.

Souvenir – Philip K. Dick

Souvenir - Philip K. Dick Retour à Philip K. Dick avec ce petit recueil de nouvelles acheté principalement pour une en particulier : Rajustement (titre original : Adjustment Team), parue en 1954, soit au tout début de la carrière de Philip K. Dick.

Cette nouvelle a également fait l’objet d’un film : L’Agence (titre original : The Adjustment Bureau), sorti en 2011, plus de cinquante ans après.

L’idée maîtresse est bien sûr la même entre la nouvelle et le film : la réalité de nos existences quotidiennes est contrôlée par disons « une organisation », et comme telle susceptible d’être corrigée en cas de problème. Cette « organisation » n’est pas définie, on pense bien sûr à Dieu, ou un truc du genre (qui s’implique plus…) ; dans la nouvelle, il est appelé le Vieillard, et décrit comme suit :

Un vieil homme tranquillement assis dans un immense siège de conception moderne contemplait calmement Fletcher en fixant sur lui des yeux pleins d’une indulgence mêlée de lassitude. Fletcher se sentit parcouru d’un étrange frisson. Ce n’était pas de la peur. Plutôt une vibration qui l’ébranla de la tête aux pieds — un sentiment profond de crainte et de respect nuancés de fascination.

C’est assez amusant de comparer les deux œuvres, elles n’ont pas grand chose à voir.

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