Archives de catégorie : Cinéma

American Hero – Nick Love

American Hero - Nick Love Je suis allé voir ce film sans avoir aucune information préalable, sur la simple proposition d’un ami. Je suis donc entré dans la salle sans à priori, ne connaissant ni le réalisateur, ni le sujet… rien de rien !

À la sortie, j’étais tout de même légèrement circonspect : j’avais certes passé un moment agréable, avec de bons acteurs, décrivant une Amérique des laissés pour compte du système, qui ne croient plus en rien si ce n’est à l’amitié… Se laisser vivre, faire la fête (alcool, drogue, filles), et se soutenir mutuellement en cas de besoin semble leur seul horizon. Avec en supplément pour Melvin, le  héros, l’obsession de revoir son fils qu’un divorce oblige à se tenir à distance.

Mais tout de même, ce « super-héros » qui ne se sert pas de son « super-pouvoir » (sauf pour gagner quelques dollars à l’occasion) alors que cela pourrait lui être très utile, c’est un peu étrange… Déjà, avoir un super-pouvoir est peu crédible, mais refuser volontairement de s’en servir l’est encore moins ! J’ai trouvé les scènes où il est fait démonstration de celui-ci un peu trop fréquentes dans le film, et d’un faible intérêt : comme si c’était la première fois que l’on voyait des effets spéciaux au cinéma.

À mon avis, le film n’aurait été que meilleur sans cet artifice : un type normal aurait très bien fait l’affaire (ou alors un « simple » surdoué !), et le film aurait gagné en crédibilité sur le portrait de cette Amérique : il y a tout de même une ambiance, dans cette Nouvelle Orléans et sa dure réalité sociale, où la solidarité et l’amitié sont sublimées, un côté touchant et très humain… À noter que les acteurs parlent parfois directement à la caméra, peut-être pour donner un aspect documentaire ? bon… Puis le film se termine, et on se demande bien à quoi rime tout ça.

Les habitants – Raymond Depardon

Un documentaire de Les habitants - Raymond DepardonRaymond Depardon, je me disais que ça allait être passionnant, et vu le sujet un instantané de la population française, avec ses préoccupations du moment.

Finalement, c’est l’ennui qui l’a emporté, et d’abord par la pauvreté des sujets abordés par les intervenants. Cela a peut-être un intérêt sociologique, mais pour le reste, que peut y trouver un spectateur ? je me le demande encore…

Le principe est simple : une caravane fait le tour de la France, est installée sur la place d’une ville moyenne, et des habitants rencontrés dans la rue sont invités à y continuer leur conversation, toujours par deux, assis à une table face à face, avec une caméra fixe qui les filme. Aucune question, ni demande particulière.

Alors de quoi parlent-ils ? de leurs problèmes personnels, sans recul ; et les lieux communs succèdent aux inepties, l’ensemble est consternant, à ras les pâquerettes la plupart du temps, quand ce n’est pas carrément vulgaire. Quand on sait que Depardon n’a retenu qu’un dixième de ses rushs, j’aimerais connaître ses critères, et je ne peux pas croire que ce soit un portrait représentatif de la population française.

Le summun est atteint avec ces plans où l’on suit la caravane à l’entrée de chaque ville, suivis de la même caravane stationnée quelque part, filmée en plan fixe : sans doute l’occasion de gagner quelques minutes, ou d’épargner au spectateur un énième dialogue sans intérêt.

Autant s’asseoir à la terrasse d’un bistro et tendre l’oreille, il y a de bonnes chances pour que ce soit plus intéressant à suivre… sans oublier que cette pratique reste néanmoins impolie ;-).

Le cœur régulier – Vanja D’Alcantara

Le cœur régulier - Vanja D'Alcantara Je suis allé voir ce film un peu au hasard, après avoir tout de même vu la bande annonce… Ça avait l’air assez zen, se passant au Japon, ça m’a donné envie. Et je n’ai pas été déçu, c’est une belle histoire, au rythme lent, sans beaucoup de dialogues, aux paysages superbes, qui nous interroge sur nos vies et ce que nous en faisons.

Alice (Isabelle Carré) semble avoir tout pour être heureuse : un mari avec une bonne situation, deux enfants ados… À voir leur appartement, tout va bien financièrement… Un soir, son frère débarque après une longue absence, et semble rayonner de joie de vivre, quoique fauché.

Alors qu’il lui parle d’un projet qu’il ne sait encore comment financer, elle sort naturellement son carnet de chèque, puisque l’argent n’est pas un problème pour elle. Mais cela a pour effet de vexer son frère, qui s’en va immédiatement. Alice apprendra sa mort accidentelle un peu plus tard.

L’occasion pour Alice de se remettre en question, et de partir sur les traces de son frère, au Japon, où il lui avait avoué avoir retrouvé le goût de vivre auprès d’un vieil homme, Daïsuke (Jun Kunimura). Ce dernier habite au pied d’une célèbre (et magnifique) falaise où les Japonais en mal de vivre viennent parfois faire le grand saut. C’est ainsi que Daïsuke avait recueilli le frère d’Alice, et lui avait redonné goût à la vie.

Daïsuke est en fait un ancien policier, qui comme il le confie à Alice a « passé sa vie à arriver trop tard », et a décidé d’essayer de sauver les personnes qui viennent traîner près du bord de la falaise…

Belle histoire, pleine de silences dus en partie à la barrière du langage, mais aussi parce que les rapports humains peuvent finalement s’en passer. Les paysages sont magnifiques, et le mode de vie simple des japonnais est le cadre parfait pour un retour aux choses essentielles, et réapprendre à écouter son cœur.

Vanja D’Alcantara est une réalisatrice Belge née en 1977. « Le cœur régulier » est son deuxième long métrage, « Beyond the steppes » son premier réalisé en 2010.

Jodorowsky’s Dune – Frank Pavich

Jodorowsky's Dune - Frank Pavich J’avais entendu parler de ce projet de film (hélas non concrétisé) lors d’un reportage sur Arte à la mort de Jean Giraud alias Gir alias Moebius (voir cet article).

Ce documentaire va donc nous raconter la genèse de ce projet incroyable, à grand renfort d’interview de Alejandro Jodorowsky, à qui Michel Seydoux l’avait proposé. Ce dernier avait une grande admiration pour Jodorowsky qui avait déjà réalisé deux films cultes, et lui proposa de choisir un sujet : Jodorowsky répondit du tac au tac Dune, le roman de science-fiction devenu culte de Franck Herbert. Un projet ambitieux…

Jodorowsky est un personnage complexe, un créatif, ayant participé à des mouvements surréalistes : les quelques extraits de ses deux films (El Topo » et « La Montagne sacrée ») que l’on peut voir dans ce documentaire le prouvent !! Il veut pour ce film « les meilleurs » :  il va alors recruter du beau monde, et c’est cette histoire qu’il nous raconte, avec des anecdotes proprement incroyables.

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Suite armoricaine – Pascale Breton

Suite armoricaine - Pascale BretonUn film qui se passe en Bretagne, réalisée par une bretonne qui s’appelle Breton, difficile de ne pas y aller !

J’y ai passé un bon moment (le film dure 2h30, mais je ne les pas trop vue passées), même si en sortant je me demandais ce qu’avait voulu raconter la réalisatrice : une  réflexion sur le temps qui passe empreinte de la nostalgie d’un passé perdu ou oublié ? C’est plutôt réussi sur ce point.

C’est l’histoire de Françoise, enseignante en histoire de l’art qui revient à Rennes enseigner à l’université où elle a elle-même suivi les cours dans sa jeunesse.  C’était aussi l’époque des premiers concerts rocks à la salle de la Cité… Elle retrouve certains de ses amis d’enfance, et le temps a fait son œuvre… certains ont changé, d’autres pas…  et d’autres encore ont perdu pied.

En parallèle, on suit l’histoire de Ion, un jeune étudiant dans la même université qui a un vécu difficile avec sa mère qu’il rejette car devenue SDF. On apprend plus tard que sa mère faisait partie des amies d’enfance de Françoise, apportant enfin un lien (bien tardif à mon goût) entre ces deux histoires.

Il y  a d’ailleurs quelques scènes revues deux fois, chacune sous l’angle de ces deux histoires parallèles, sans doute censées montrer le lien entre elles, mais qui ne m’ont pas convaincu de leur utilité.

Françoise, toute à son retour aux origines, fait un rêve empli de symboles qui va intéresser deux profs qui collectent toute information liée au Breton et à l’histoire de la Bretagne. Des souvenirs d’enfance, oubliés au fond de sa mémoire, vont alors ressurgir… L’occasion à la fin du film de partir pour le Finistère, près Trégarvan sur la presqu’île de Crozon (et d’y découvrir au passage une magnifique boucle de l’Aulne !), et pour Françoise de retrouver la maison de son grand-père, qui avait le don de guérir de la peur…

Pascale Breton, née en 1960 à Morlaix, est une scénariste et réalisatrice de cinéma et de télévision.

Merci Patron – François Ruffin

Merci Patron - François Ruffin Je ne peux que vous encourager à aller voir ce documentaire, j’y ai passé un très bon moment, et je n’étais manifestement pas le seul dans la salle : applaudissements à la fin de la projection, et de nombreux rires pendant. Jubilatoire !

François Ruffin, qui a collaboré longtemps à l’émission « Là-bas si j’y suis » de Daniel Mermet sur France Inter, habillé d’un magnifique tee-shirt « I ♥ Bernard », nous explique tout d’abord comment Bernard Arnault, PDG de LVMH, a mis au chômage beaucoup d’ouvriers du Nord de la France, en restructurant, démantelant, externalisant, etc… (on connaît la musique).

J’ai bien aimé le ton « second degré » de ce début, comme par exemple quand il tente de faire dire du bien de Bernard Arnault à une syndicaliste qui a retrouvé un boulot (mieux payé) d’ambulancier depuis son licenciement : « C’est quand même un peu grâce à lui que vous avez trouvé ce poste, non !?! »…

Puis commence la véritable histoire, celle du couple Klur, tous deux licenciés de l’usine qui fabriquait des costumes Kenzo (groupe LVMH), délocalisée en Pologne (mais on apprend au passage que la Pologne devient chère, et que la Grèce semble offrir un nouveau potentiel de marges…). Ils sont au bout du rouleau, leur maison est sur le point d’être saisie…

C’est là que Ruffin intervient, et va les aider à écrire une lettre à Bernard Arnault pour lui demander de les aider, sinon ils envoient des lettre aux médias pour leur raconter l’histoire… La somme demandée est d’environ 35 000 €.  Et ça marche ! On apprend d’ailleurs que le responsable sécurité/intelligence économique de LVMH, c’est un certain Bernard Squarcini !! Bref, un type est envoyé pour négocier, qui non seulement accepte le paiement mais promet en plus un CDI chez Carrefour à Monsieur Klur… Champagne !

Mais cet arrangement est assorti d’une clause de confidentialité très sctricte. Alors comment retrouve-t-on aujourd’hui cette histoire sur les écrans ? c’est là qu’on atteint les sommets de la rigolade, et la mystification totale de l’équipe LVMH… Allez voir ce documentaire pour le savoir ! 😉

Enfin… si vous trouvez une salle près de chez vous ! À Rennes, il passe au TNB. Et comme l’expliquait un article du Canard la semaine dernière, n’attendez pas trop de promotion pour ce documentaire dans les grands médias : LVMH est propriétaire des « Échos » et du « Parisien », et le magazine « Elle » (propriété du  groupe Lagardère) est trop « publicité dépendant » de LVMH. Frédéric Taddeï, sur Europe 1, avait bien invité Ruffin, le 23 févier, la veille de la sortie du film. Invitation rapidement annulée par la direction, à la stupeur de l’équipe (voir aussi le communiqué de la SNJ ici). Et comme cela commençait à jaser sur les réseaux sociaux, c’est finalement Jean-Michel Aphatie qui invita Ruffin le lendemain, pour que « l’auditeur ne soit pas dupe, et que la contradiction soit vigoureusement portée à l’encontre de Ruffin ». Autre manière de faire, « Le journal du dimanche » (groupe Lagardère) réussit l’exploit de dire du bien du film sans citer LVMH…

Les saisons – Jacques Perrin

Les saisons - Jacques PerrinTrès déçu par ce documentaire, qui ne tient pas toutes ses promesses. Certes, on a droit à de très belles images d’animaux dans la nature (rien de très nouveau sur ce point), mais le reste ne suit pas : le cycle des saisons devrait être le fil rouge (sinon pourquoi le titre ?), mais il n’est pas perceptible, pas plus dans les images que dans les commentaires de la voix-off.

La présence de l’homme apparaît peu à peu, d’abord simple silhouette derrière les arbres, puis chasseur-cueilleur vivant au cœur de la forêt… pour finalement envahir et transformer complètement le paysage, remplaçant la forêt par des terres cultivées. Heureusement, la voix-off nous rassure : ainsi s’ouvre de nouveaux espaces pour les animaux… Un  peu optimiste, comme vision, non ? L’impact de l’homme sur la nature est tout de même dénoncé sur la fin, mais très très mollement. Et puis, on le savait déjà…

De la même manière, les rares scènes où un animal en chasse un autre pour le déchiqueter à pleines dents, le réalisateur a pris soin de mettre un tronc d’arbre entre la scène et la caméra, car il ne faudrait tout de même pas choquer les spectateurs… On voit que le public visé doit être le plus large possible, et ne choquer personne : distribution mondiale oblige !

Bref on ressort de la salle avec un sentiment d’ennui et de déjà vu. Derrière moi, il y avait une petite fille qui posait plein de questions à son papa : c’est peut-être la seule raison d’aller voir ce film : avec et pour les enfants.

Janis – Amy Berg

Janis - Amy Berg Je n’ai pas vraiment hésité quand j’ai vu ce film à l’affiche… Un documentaire qui s’attache à retracer la (trop courte) vie de Janis Joplin, ça ne se refuse pas !

La réalisatrice Amy Berg a passé sept années à retrouver des photos, des vidéos, des témoignages (dont certains inédits, comme l’interview de Dick Cavet, un animateur de talk show de l’époque, qui nous fait une petite confidence à propos de Janis de manière très élégante), pour dresser un portrait de Janis Joplin tout en finesse, qui nous fait découvrir la femme qu’était réellement la pop-star des années 60, qui personnifia le Flower Power !

Et ce portrait est terriblement humain, avec cette jeune fille née au Texas, de parents très conservateurs, pas très jolie mais avec une joie de vivre inépuisable. L’anecdote du concours au lycée qui élisait « le garçon le plus moche », et où un petit malin avait trouvé drôle de mettre le nom de Janis, bientôt imité par tous les autres, est révélateur de son malaise. Elle fera bien de vite partir vers San Francisco où le monde bouge…

Pourtant, elle rencontrera le grand amour alors qu’elle est au Brésil en train d’essayer de se désintoxiquer de l’héroïne… Mais comme elle rechute, ils vont se séparer tant qu’elle ne peut arrêter. Quelques mois plus tard, alors qu’elle est presque « propre », que son ami lui a écrit qu’il revenait (la lettre sera trouvée à la réception), elle prend une dernière dose alors qu’elle est seule dans sa chambre d’hôtel, et meurt à 27 ans, deux semaines après Jimi Hendrix.

C’est donc un très bon documentaire qui décrit bien la personne qu’elle était, sensible, humaine, généreuse. Ses lettres à ses parents sont très touchantes (lues par Cat Power), empruntes d’un grand amour, même s’ils étaient si différents de part leur mode de vie. Dernière anecdote, quand sa mère déclare, à la sortie du premier concert public de Janis Joplin : « Nous allons dorénavant avoir du mal à avoir de l’influence sur Janis ! »…

Bref, allez voir ce film, ou comme disait Janis : « Bougez-vous le cul et vivez les choses! »

Amy Berg, née en 1970, est une réalisatrice américaine. Elle a reçu un prix pour son documentaire « Délivrez-nous du mal » qui traite des abus sexuels dans l’église catholique. Pour elle, Janis Joplin est la femme la plus importante du rock’n’roll.

L’étreinte du serpent – Ciro Guerra

L'étreinte du serpent - Ciro Guerra« Un rêve amazonien » est-il indiqué en haut de l’affiche… Il y est bien question de rêve, mais d’une sorte bien particulière, le rêve initiatique qui t’apprend qui tu es… Dès les premières images de ce film en noir et blanc, on est transporté dans un autre monde, au fin fond de l’Amazonie colombienne, et plus l’histoire va se dérouler, plus ce monde va nous paraître étrange…

Je crois qu’à la fin du film, le réalisateur indique que ce film est dédié à tous les peuples méconnus dont les modes de vies sont menacés. Et ce sont bien les indiens, leur culture qui sont au centre du film, sans oublier la forêt amazonienne et le fleuve qui sont omniprésents.

L’histoire est celle de Karamakate, un chaman amazonien qui vit seul dans la jungle, dernier survivant de son peuple. Des dizaines d’années de solitude ont fait de lui un chullachaqui, un humain dépourvu de souvenirs et d’émotions. Survient un explorateur américain à la recherche d’une plante sacrée, la Yakruna, qui a la propriété d’apprendre à rêver. Or quarante ans plus tôt,  un autre explorateur, allemand cette fois-ci, avait sollicité l’aide du jeune Karamakate pour la même demande.

Présent et passé vont alors s’entrecroiser pendant qu’ils s’enfoncent dans la forêt amazonienne, nous racontant les deux expéditions. Peu  à peu, Karamakate va retrouver ses souvenirs… La scène où Karamakate et l’explorateur américain reviennent dans la mission chrétienne est proprement hallucinante : le prêtre est mort, et les indiens sont devenus une sorte de secte proche de la folie. Mais il n’y a pas que les missionnaires qui ont semé la pagaille et la mort : le caoutchouc a aussi attiré beaucoup d’aventuriers prêts à tout pour s’enrichir, et détruisant par la même occasion la culture indienne.

Mais revenons à la trame du film, voilà ce qu’explique Ciro Guerra :

On retrouve l’idée, dans de nombreux textes sur le monde indien, d’une notion différente du temps. Le temps n’est pas une continuité linéaire, tel que nous l’entendons en Occident, mais une série d’événements qui ont lieu simultanément dans plusieurs univers parallèles. C’est ce qu’un écrivain a décrit comme « le temps sans temps » ou « l’espace sans espace ». J’ai fait le lien avec cette idée des aventuriers qui mentionnaient le fait que, bien souvent, lorsque l’un d’eux revenait 50 ans après le passage d’un autre, l’histoire du premier avait déjà pris la forme d’un mythe. Pour beaucoup de communautés, c’était toujours la même personne qui revenait parce que l’idée d’un seul homme, d’une seule vie, d’une unique expérience vécue à travers de nombreuses personnes était profondément ancrée. Cette idée m’a semblé être un point de départ très intéressant pour le scénario parce que, bien que ce soit un film raconté du point de vue des Indiens et dont le personnage principal est un Indien, il offrait au spectateur des points d’accroche par le biais de ces personnages qui viennent de notre monde et dont on comprend les motivations. Puis, lentement, à travers eux, on cède le pas à la vision du monde indien que nous offre Karamakate.

Un très bon film, avec une histoire aussi étrange que passionnante. Les acteurs indiens (en particulier Karamakate jeune et vieux) sont remarquables.

Ciro Guerra, né en 1981,  est un réalisateur colombien. Ce film est son troisième long métrage.

Le dernier jour d’Yitzhak Rabin – Amos Gitaï

Le dernier jour d'Yitzhak Rabin - Amos Gitaï Ce film retrace l’enquête qui suivit l’assassinat de Yitzhak Rabin par Yigal Amir, un étudiant juif religieux d’extrême droite, en 1995, mettant ainsi fin à l’espoir d’une paix possible entre Israël et la Palestine (les accords d’Oslo).

Mêlant les images d’archives et une reconstitution des interrogatoires réalisés par la commission d’enquête, le film est proche du documentaire. Il ne tire pour autant pas de conclusions sur les potentiels instigateurs de l’attentat, la commission d’enquête se limitant (sur ordre) à savoir s’il y a eu des négligences du service de sécurité. Au spectateur de se faire sa propre idée pour le reste…

Il semble bien que des rabins extrémistes aient prononcé un « Din Rodef » (un équivalent de la Fatwa des musulmans) contre Yitzhak Rabin au nom du « Grand Israël » que les accords d’Oslo remettaient en cause en accordant aux Palestiniens le contrôle de certaines parties du territoire. Dans une scène, on voit que ces extrémistes religieux ne reconnaissent pas vraiment l’autorité du gouvernement de la démocratie israélienne. Ils se placent au-dessus, et seuls les textes sacrés comptent.

La scène avec la psychiatre qui livre aux religieux son analyse « professionnelle » en qualifiant Rabin de schizoïde, et comme tel incapable de percevoir la réalité et donc de prendre les bonnes décisions est assez révélatrice du mélange des genres permettant toutes les justifications.

Le rôle du Likoud (parti politique sioniste israélien de tendance nationaliste), et de son leader Benyamin Netanyahou (actuel premier ministre) n’est pas non plus à négliger, car il appelait à la division avec un discours de haine et de violence. On voit bien à l’heure actuelle la politique qu’il applique, et l’absence de progrès d’un quelconque processus de paix.

S’il y a bien eu des lacunes du service de sécurité, rien ne permet de dire qu’ils aient été volontaires. La zone où Yitzhak Rabin a été abattu n’avait pas été « stérilisée » comme cela aurait du être le cas, et le chauffeur n’avait pas été informé du parcours d’urgence à utiliser pour sortir, perdant ainsi un temps précieux pour emmener Yitzhak Rabin à l’hôpital (8 minutes pour faire 500 mètres à cause des rues bloquées par la police).

J’ai trouvé ce film passionnant, et s’il dure 2h30, je ne les ai pas vraiment vu passer. La clef de toute cette histoire, ce sont les extrémistes religieux, minoritaires mais voulant décider pour tout le peuple. Mais qui sera vraiment surpris ? La question sous-jacente, c’est de savoir si Israël est vraiment une démocratie (la seule de la région).

Amos Gitaï est un cinéaste israélien né en 1950 à Haïfa. Il entame en 1968 des études d’architecture qu’il doit interrompre en 1973 pour aller servir sous les drapeaux lors de la guerre du Kippour, où il sera blessé. Cinéaste prolifique, il devra s’exiler en France entre 1983 et 1993 suite à son film « Journal de campagne » retraçant l’invasion du Liban en 1982.