L’étreinte du serpent – Ciro Guerra

L'étreinte du serpent - Ciro Guerra« Un rêve amazonien » est-il indiqué en haut de l’affiche… Il y est bien question de rêve, mais d’une sorte bien particulière, le rêve initiatique qui t’apprend qui tu es… Dès les premières images de ce film en noir et blanc, on est transporté dans un autre monde, au fin fond de l’Amazonie colombienne, et plus l’histoire va se dérouler, plus ce monde va nous paraître étrange…

Je crois qu’à la fin du film, le réalisateur indique que ce film est dédié à tous les peuples méconnus dont les modes de vies sont menacés. Et ce sont bien les indiens, leur culture qui sont au centre du film, sans oublier la forêt amazonienne et le fleuve qui sont omniprésents.

L’histoire est celle de Karamakate, un chaman amazonien qui vit seul dans la jungle, dernier survivant de son peuple. Des dizaines d’années de solitude ont fait de lui un chullachaqui, un humain dépourvu de souvenirs et d’émotions. Survient un explorateur américain à la recherche d’une plante sacrée, la Yakruna, qui a la propriété d’apprendre à rêver. Or quarante ans plus tôt,  un autre explorateur, allemand cette fois-ci, avait sollicité l’aide du jeune Karamakate pour la même demande.

Présent et passé vont alors s’entrecroiser pendant qu’ils s’enfoncent dans la forêt amazonienne, nous racontant les deux expéditions. Peu  à peu, Karamakate va retrouver ses souvenirs… La scène où Karamakate et l’explorateur américain reviennent dans la mission chrétienne est proprement hallucinante : le prêtre est mort, et les indiens sont devenus une sorte de secte proche de la folie. Mais il n’y a pas que les missionnaires qui ont semé la pagaille et la mort : le caoutchouc a aussi attiré beaucoup d’aventuriers prêts à tout pour s’enrichir, et détruisant par la même occasion la culture indienne.

Mais revenons à la trame du film, voilà ce qu’explique Ciro Guerra :

On retrouve l’idée, dans de nombreux textes sur le monde indien, d’une notion différente du temps. Le temps n’est pas une continuité linéaire, tel que nous l’entendons en Occident, mais une série d’événements qui ont lieu simultanément dans plusieurs univers parallèles. C’est ce qu’un écrivain a décrit comme « le temps sans temps » ou « l’espace sans espace ». J’ai fait le lien avec cette idée des aventuriers qui mentionnaient le fait que, bien souvent, lorsque l’un d’eux revenait 50 ans après le passage d’un autre, l’histoire du premier avait déjà pris la forme d’un mythe. Pour beaucoup de communautés, c’était toujours la même personne qui revenait parce que l’idée d’un seul homme, d’une seule vie, d’une unique expérience vécue à travers de nombreuses personnes était profondément ancrée. Cette idée m’a semblé être un point de départ très intéressant pour le scénario parce que, bien que ce soit un film raconté du point de vue des Indiens et dont le personnage principal est un Indien, il offrait au spectateur des points d’accroche par le biais de ces personnages qui viennent de notre monde et dont on comprend les motivations. Puis, lentement, à travers eux, on cède le pas à la vision du monde indien que nous offre Karamakate.

Un très bon film, avec une histoire aussi étrange que passionnante. Les acteurs indiens (en particulier Karamakate jeune et vieux) sont remarquables.

Ciro Guerra, né en 1981,  est un réalisateur colombien. Ce film est son troisième long métrage.

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