Faire son arbre généalogique avec GRAMPS

Accéder à l'arbre généalogique Voilà quelque temps, j’avais commencé un arbre généalogique avec le logiciel GRAMPS (Genealogical Research et Analysis Management Programming System), un logiciel open-source développé initialement sous Linux, mais qui est également disponible sous Windows ou Mac. Rien ne vous empêche donc de commencer le vôtre, si cela vous passe par la tête.

GRAMPS

La prise en main de Gramps demande un peu de patience mais tout est finalement très logique. Il est essentiel de conserver l’intégrité des relations familiales, ce dont se charge parfaitement l’interface de GRAMPS. Il faut juste s’y habituer, et comprendre par où ajouter tel type d’information.Cela vient assez vite.

Par exemple, passer par la vue Famille si l’on veut ajouter un ascendant ou descendant, et par Individus pour ajouter un évènement, une photo ou toute autre information. Éviter de créer les individus séparément, puis d’établir les relations par la suite : c’est le meilleur moyen de se tromper ou de se retrouver avec des liens familiaux manquants. Enfin, il y a souvent des homonymes dans une génération, et l’on s’y perd parfois… Dans ce cas, repasser par la vue Individus, et noter l’Id unique que lui a attribué Gramps.

Il existe un Wiki en français pour vous aider dans les premiers pas, et trouver une réponse à vos questionnements..

Les données

Une fois les informations en votre connaissance saisies, vous vous rendrez probablement compte que vous en savez fort peu ! Il faudra alors en parler à vos parents, tantes et oncles, frères et sœurs etc… pour récolter des informations. Ce n’est pas la partie la plus facile (ni la plus rapide !), et là, vous serez peut-être surpris des réactions.

Pas d’intérêt et donc pas d’informations, un certaine réticence à fouiller de la mémoire et le passé (une tante a même découvert des choses qu’elle ignorait en cherchant un peu), sans oublier l’ultime réponse : à quoi bon tout ça après tout ? laissons les morts reposer en paix !

Et puis le nom-prénom ne suffit pas ; il faut d’autres informations si l’on veut que l’arbre soit un tant soit peu complet : dates de naissance, de mariage, lieux de vie, profession, etc… passé deux générations, cela devient vite un problème. Sans parler des photos !

J’ai été particulièrement surpris que ma mère par exemple ne se rappelle plus du nom de ses grands-parents (il faut peut-être commencer à poser ces questions avant que la mémoire ne s’efface… non je plaisante maman !).
Mon père par contre avait un papier sur lequel était noté l’ascendance de sa mère, jusqu’à son arrière grand-mère, ainsi que les descendants de cette dernière. Il faut dire qu’il avait des raisons de se pencher sur son ascendance (mère « fille-mère » puis mariée à un autre), ceci explique peut-être cela.

Le site internet

Une fois toutes vos données saisies, GRAMPS permet de faire deux choses très pratiques :

  • générer un site internet (tout en html) permettant de naviguer au sein de l’arbre par noms de famille, d’individus ou encore par lieux.
  • générer un arbre relationnel, une forme très visuelle de représentation des ascendances et descendances.

nouveau menu J’ai donc fait tout ça, en l’état des informations récoltées, et mis en ligne sur le site. On y accède par le menu en haut de page du blog, il y a une nouvelle entrée.

Personnalisation du site

Le site généré automatiquement par GRAMPS est pas mal, mais nécessitait un minimum de personnalisation pour satisfaire à mes besoins. Il s’agissait de remplacer un mot par un autre, supprimer ou ajouter une ligne dans tous les fichiers html, sachant que plus votre arbre est important, plus il y a de fichiers. Impossible donc de  faire cela manuellement.

Je m’étais à l’époque penché sur SED (ou Stream EDitor), un puissant outil pour manipuler les chaînes de caractères. Voir cet article pour en savoir plus.

Je devais remplacer le nom du premier onglet du site appelé Souche, voulant le changer en Arbre. J’étais finalement arrivé à ce script :

#! /bin/sh
# nom du fichier : replaceall.sh
# pas de SAUVEGARDE des fichiers faite par ce script.
find . -type f -name '*.html' -print | while read i
do
sed "s|$1|$2|g" $i > $i.tmp && mv $i.tmp $i
done

Enregistrer ce fichier, l’appeler par exemple replaceall, et enfin lui donner les droits d’exécution. Il suffit ensuite de le lancer à partir de la racine du site généré par Gramps :

$ ./replaceall Souche Arbre

Et voilà, en une ou deux secondes, c’est fait : le mot « Souche » a été remplacé par « Arbre » dans tous les fichiers. La puissance de SED est d’ailleurs assez impressionnante.

Alors que je voulais le mettre en ligne, je me rend compte que je dois également supprimer l’onglet Sources inutile (la page correspondante est vide) :

onglet Sources à supprimer

Grâce à SED, rien de plus simple : dans le script ci-dessus, remplacer le ligne de commande SED par celle-ci :

sed "/Sources/d" $i > $i.tmp && mv $i.tmp $i

SED va lire toutes les lignes des fichiers .html, et dès qu’il trouvera le mot «Sources» il effacera la ligne en question. Et hop, l’onglet a disparu… Maintenant, il faut que j’ajoute un onglet pour permettre de revenir sur le blog :

onglet Retour au Blog

Cette fois, il faut ajouter une ligne dans tous les fichiers… Heureusement, ceux-ci étant tous générés sur le même modèle, le numéro de ligne est toujours le même, la tâche est d’autant plus simple, il suffira d’indiquer ce numéro de ligne.

Je dois donc ajouter la ligne suivante (un simple lien vers l’adresse du blog) dans tous les fichiers :

<ul>
	<li><a href="https://pled.fr">Retour au Blog</a></li>
</ul>

Pour éviter des problèmes de syntaxe, j’ai préféré utiliser une autre possibilité de SED, permettant d’ajouter le contenu d’un fichier dans un autre (où s’arrêtent les possibilités de SED ?). J’ai donc sauvegardé cette ligne dans un fichier insert-retourblog.txt, et modifié le script avec la commande SED suivante (le numéro de ligne est donc le 26) :

sed "26r insert-retourblog.txt" $i > $i.tmp && mv $i.tmp $i

Il ne me restait plus qu’à copier tous ces fichiers sur le site de Free, et voilà…

La femme indépendante – Simone de Beauvoir

La femme indépendante - Simone de Beauvoir Après l’excellent L’Amérique au jour le jour 1947, j’ai enchaîné sur ce livre qui est en quelque sorte un résumé du « Deuxième Sexe ». Si comme moi les deux tomes de l’ouvrage référence de Simone de Beauvoir vous font peur, alors vous pouvez lire ce petit livre.

Les choses ont tout de même fort heureusement changé depuis 1949, date de parution du « Deuxième Sexe ». Pour autant, l’analyse de la situation de la femme ne perd d’intérêt en rien. A l’époque, le livre provoqua de très vives réactions, faisant de Simone de Beauvoir la figure de proue du mouvement féministe. A tel point que le livre fût mis à l’index par le Vatican ! C’est peu dire…

L’index en question (à l’origine de l’expression), également appelé « l’index des livres interdits », dressait une liste de livres jugés impurs par le Vatican, et utilisé jusqu’en 1961 ! On y retrouve des auteurs comme Diderot, Pascal, Rousseau, Descartes, Malebranche, Balzac, Voltaire et bien d’autres…

On retrouvera des idées déjà développées lors de son voyage en Amérique, puisqu’il y a de profondes analogies entre la condition des femmes et celle des Noirs.

On connaît la boutade de Bernard Shaw : « l’Américain blanc, dit-il, en substance, relègue le Noir au rang de cireur de souliers : et il en conclut qu’il n’est bon qu’à cirer des souliers. » On retrouve ce cercle vicieux en toutes circonstances analogues : quand un individu ou un groupe d’individus est maintenu en situation d’infériorité, le fait est qu’il est inférieur ; mais c’est sur la portée du mot être qu’il faudrait s’entendre ; la mauvaise foi consiste à lui donner une valeur substantielle alors qu’il a le sens dynamique hégélien : être c’est être devenu, c’est avoir été fait tel qu’on se manifeste ; oui, les femmes dans l’ensemble sont aujourd’hui inférieures aux hommes, c’est-à-dire que leur situation leur ouvre de moindres possibilités : le problème c’est de savoir si cet état de choses doit se perpétuer.

Elle parle aussi de la difficulté pour la femme pour ne pas entrer dans le jeu de la société, laquelle lui offre sa place, mais au prix de son indépendance.

J’ai déjà dit que l’existence d’une caste privilégiée à laquelle il lui est permis de s’agréger rien qu’en livrant son corps est pour une jeune femme une tentation presque irrésistible ; elle est vouée à la galanterie du fait que ses salaires sont minimes tandis que le standard de vie que la société exige d’elle esst très haut ; si elle se contente de ce qu’elle gagne, elle ne sera qu’une paria : mal logée, mal vêtue, toutes les distractions et l’amour même lui seront refusées. Les gens vertueux lui prêchent l’ascétisme ; en vérité, son régime alimentaire est souvent aussi austère que celui d’une carmélite ; seulement, tout le monde ne peut pas prendre Dieu pour amant : il faut qu’elle plaise aux hommes pour réussir sa vie de femme. Elle se fera donc aider : c’est ce qu’escompte cyniquement l’employeur qui lui alloue un salaire de famine.

Les motivations de chaque sexe varient, et donnent lieu à une comparaison assez drôle :

En de nombreux cas, ce qui intéresse le plus clairement l’homme dans une liaison, c’est le gain sexuel qu’il en tire : à la limite, il peut se contenter de passer tout juste avec sa maîtresse le temps nécessaire à perpétrer l’acte amoureux, mais — sauf exception — ce qu’elle souhaite quant à elle,c’est d’«écouler» tout cet excès de temps dont elle ne sait que faire : et — comme le marchand qui ne vend des pommes de terre que si on lui « prend » des navets — elle ne cède son corps que si l’amant « prend » par-dessus le marché des heures de conversation et de sortie.

Mais le passage vers l’indépendance ne sera pas facile, tant les rapports homme/femme sont imbriqués :

La dispute durera tant que les hommes et les femmes ne se reconnaîtront pas comme des senblables, c’est-à-dire tant que se perpétuera la féminité en tant que telle ; des uns et des autres qui est le plus acharné à la maintenir ? la femme qui s’en affranchit veut néanmoins en conserver les prérogatives ; et l’homme réclame qu’alors elle en assume les limitations. « Il est plus facile d’accuser un sexe que d’en excuser l’autre » dit Montaigne. Distribuer des blâmes et des satisfecit est vain. En vérité, si le cercle vicieux est ici si difficile à briser, c’est que les deux sexes sont chacun victimes à la fois de l’autre et de soi ; entre deux adversaires s’affrontant dans leur pure liberté, un accord pourrait aisément s’établir : d’autant que cette guerre ne profite à personne ; mais la complexité de toute cette affaire provient de ce que chaque camp est complice de son ennemi ; la femme poursuit son rêve de démission, l’homme son rêve d’aliénation ; l’inauthenticité ne paie pas : chacun s’en prend à l’autre du malheur qu’ils s’est attiré en cédant aux tentations de la facilité ; ce que l’homme et le femme haïssent l’un chez l’autre, c’est l’échec éclatant de sa propre mauvaise foi et de sa propre lâcheté.

Petite surprise à la dernière page, c’est Marx qu’elle cite :

« Le rapport immédiat, naturel, nécessaire, de l’homme à l’homme est le rapport de l’homme à la femme » a dit Marx. « Du caractère de ce rapport il suit jusqu’à quel point l’homme s’est compris lui-même comme être générique, comme homme ; le rapport de l’homme à la femme est le rapport le plus naturel de l’être humain à l’être humain. Il s’y montre donc jusqu’à quel point le comportement de l’homme est devenu humain ou jusqu’à quel point l’être humain est devenu son être naturel, jusqu’à quel point sa nature humaine est devenue sa nature. »
On ne saurait mieux dire. C’est au sein du monde donné qu’il appartient à l’homme de faire triompher le règne de la liberté ; pour remporter cette suprême victoire il est entre autres nécessaire que par-delà leurs différenciations naturelles hommes et femmes affirment sans équivoque leur fraternité.

Karl Marx était aussi un philosophe…

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Simone de Beauvoir, de son vrai nom Simone-Lucie-Ernestine-Marie Bertrand de Beauvoir (!) est née en 1908 et morte en 1986 à Paris. Philosophe, romancière et essayiste, compagne de Jean-Paul Sartre avec qui (et d’autres) elle fondera la revue « Les temps modernes », adepte de l’existentialisme et attachée au combat pour la condition de la femme.

OLPC : One Laptop Per Child

un olpc au Pérou Cette semaine, j’ai vu un très bon reportage sur Arte à propos de l’OLPC : One Laptop Per Child. Cette organisation, à but non lucratif, a été fondée en 2005 par Nicholas Negroponte, ancien directeur du MIT, la célèbre université américaine. Je pensais que c’était un projet comme un autre, qui au final se termine par une affaire de business. Il n’en est rien.

Le but est de promouvoir un ordinateur portable à moins de cent dollars, et destiné aux enfants de pays en voie de développement. Une critique commune du projet est de dire « Les gens pauvres ont besoin de nourriture et de logements, pas d’ordinateurs portables. », or c’est faux, il y a des gens pauvres certes, mais qui mangent à leur faim, à la campagne par exemple. Ce qui leur manque alors, c’est le moyen d’accéder à l’éducation. Et ce projet révolutionne les choses.

Un instituteur péruvien, à qui on expliquait les possibilités du Wi-Fi, dit :

Je vais essayer de m’entrainer un peu plus, afin d’explorer toutes les possibilités qu’offre ce portable pour pouvoir apprendre aux enfants à l’utiliser. Mais à vrai dire certains d’entre eux savent déjà s’en servir, et ils vont m’aider en classe.

Et quand on voit l’enthousiasme de ces enfants péruviens faisant leur premiers pas avec cette machine, c’est impressionnant. On apprend aussi que les enfants ayant accès à l’informatique ont de meilleurs résultats en classe.

olpcLes contrats sont passés directement avec les États, avec une clause de non-revente. Le portable est conçu pour les enfants, il est robuste, et ses éléments aisément remplaçables. Sans surprise, il utilise un noyau GNU/Linux (Fedora), et contient des programmes éducatifs. Sa consommation électrique est faible, et on peut même l’alimenter par une manivelle… Très étonnant, on entend un ingénieur concepteur dire qu’ils ont pensé à l’énergie solaire, mais que l’usage risquerait alors d’être détourné pour d’autres besoins : il faut penser à tout !
Au Rwanda, un autre s’étonnait de ce qu’avait réussi à programmer une jeune fille d’une douzaine d’années : il n’en revenait tout simplement pas, et lui promettait un bel avenir !

Les pays comme l’Uruguay, le Pérou ont déjà largement souscrit au programme. Et d’autres suivent, sans doute pas assez, quand on voit les possibilités qu’offre un tel outil pour des gamins coupés de tout. L’organisation a vraiment l’air efficace, et concentrée sur le coeur de son projet. Bravo !

Première évaluation HADOPI

le site Marsouin Les Bretons ont encore frappé ! M@rsouin est un groupe scientifique signifiant Môle Armoricain de Recherche sur la Société de l’infOrmation et les Usages d’INternet, composé des labos scientifiques des quatre grandes universités et de deux grandes écoles bretonnes.

L’Université de Rennes 1 a récemment publié un rapport sur les premiers effets de la loi HADOPI. La lecture vaut le détour… et l’échec annoncé se confirme. Vous pouvez trouver le document complet ici, au format pdf.  Sinon, voilà le résumé :

  • A peine 15% des internautes qui utilisaient les réseaux Peer-to-Peer avant l’adoption de la loi Hadopi ont définitivement cessé de le faire depuis.
  • Parmi ces ex-téléchargeurs, seulement un tiers a renoncé à toute forme de piratage numérique, alors que les deux tiers restant se sont tournés vers des pratiques alternatives de piratage échappant à la loi Hadopi comme le streaming illégal (allostreaming,…) ou le téléchargement sur des sites d’hébergements de fichiers (megaupload, rapidshare,…).
  • Bien que le nombre d’internautes fréquentant les réseaux Peer-to-Peer ait diminué, le nombre de « pirates numériques » a légèrement augmenté depuis le vote de la loi Hadopi.
  • Parmi les internautes qui continuent encore de télécharger sur les réseaux Peer-to-Peer, 25% d’entre eux déclarent avoir modifié leurs pratiques de piratage depuis l’adoption de la loi Hadopi.
  • Enfin, les « pirates numériques » se révèlent être, dans la moitié des cas, également des acheteurs numériques (achat de musique ou de vidéo sur Internet). Couper la connexion Internet des utilisateurs de réseau Peer-to-Peer pourrait potentiellement réduire la taille du marché des contenus culturels numériques de 27%. Une extension de la loi Hadopi à toutes les formes de piratage numérique exclurait du marché potentiellement la moitié des acheteurs de contenus culturels numériques.

La loi HADOPI, en ne ciblant que la technologie P2P (alors que d’autres technos existent) loupe donc complètement son objectif. Ce ne sera pas faute de les avoir prévenus ! Mais il semble que l’incompétence rime souvent avec obstination… allez savoir pourquoi !

Photos de la Corse

Accéder aux albums J’ai refait les albums photos de mon voyage en Corse, en 2004. Ils étaient toujours accessibles de l’ancien site, mais avec des images de taille plus réduites (époque oblige).

Les voilà, intégrés à l’album photo, dans la section Tourisme. La photo ci-contre a été prise à Filitosa, l’endroit qui m’a le plus charmé… des menhirs en Corse, forcément ça interpelle un pauvre breton ! Mais le lieu est vraiment magique. Et puis bien sûr Bonifacio, magnifique au bord de sa falaise…

L’Amérique au jour le jour 1947 – Simone de Beauvoir

L'Amérique au jour le jour 1947 - Simone de Beauvoir Simone de Beauvoir, on en a beaucoup parlé il y a deux ans : elle aurait eu cent ans en 2008 (on commémore comme on peut…). J’avais vu à cette époque un téléfilm racontant son compagnonnage avec Jean-Paul Sartre, et qui donnait envie d’en savoir plus sur cette femme. Mais j’hésitais à lire son oeuvre majeure « Le Deuxième Sexe », imposant avec ses deux tomes et peut-être trop sérieux à mon goût… C’est sur les conseils de Claude (fervente lectrice) que j’ai commencé par ce livre. Et je n’ai pas été déçu !

A tel point que je ne vois rien de mieux à écrire que le quatrième de couverture pour décrire ce roman :

J’ai passé quatre mois en Amérique : c’est peu ; en outre, j’ai voyagé pour mon plaisir et au hasard des occasions ; il y a d’immenses zones du nouveau monde sur lesquelles je n’ai pas eu la moindre échappée ; en particulier, j’ai traversé ce grand pays industriel sans visiter les usines, sans voir ses réalisations techniques, sans entre en contact avec la classe ouvrière. Je n’ai pas pénétré non plus dans les hautes sphères où s’élaborent la politique et l’économie des U.S.A. Cependant, il ne me parait pas inutile, à côté des grands tableaux en pied que de plus compétents ont tracés, de raconter au jour le jour comment l’Amérique s’est dévoilée à une conscience : la mienne.
J’ai adopté la forme d’un journal, j’ai respecté l’ordre chronologique de mes étonnements, de mes admirations, de mes indignations, mes hésitations, mes erreurs. Voilà ce que j’ai vu et comment je l’ai vu ; je n’ai pas essayé d’en dire davantage.

Que dire de plus clair ? Et c’est exactement ce que l’on va découvrir. Elle dresse un portrait de l’Amérique qui n’a rien perdu de son acuité soixante ans plus tard. Il faut dire que son jugement porte au-delà des apparences, n’est pas agrégée de philosophie qui veut (deuxième du concours… derrière Sartre !)…Vous partez en voyage aux États-Unis ? emmenez ce livre, vous y apprendrez beaucoup sur le pays et ses habitants. C’est de plus admirablement écrit… un vrai bonheur.

J’ai particulièrement aimé sa manière de découvrir une ville, se promenant dans les rues centrales comme celles de la périphérie, dans les quartiers riches comme dans les ghettos. Le soir, ce seront les bars et les boites de jazz (noir, déjà dur à trouver), ou encore les tripots, selon l’endroit…

Un soir à New-York, ville qui saura la séduire, et contemplant les lumières de la ville, elle écrit :

Non, les promesses de ce ciel, de ces lumières, ne peuvent être tenues nulle part ; il n’existe aucune chose toute faite qui s’accorde avec la splendeur de ces nuits ; cette plénitude dont je rêve, qui me serait donnée hors de moi, ce ne sera jamais qu’un fantôme : il ne me sera jamais promis rien d’autre que moi-même, et moi-même ce n’est rien si je n’ai rien à faire de moi. La nuit n’est qu’un décor ; si j’essaie de la saisir, d’en faire la substance même des instants que je vis, elle fond dans mes mains. Il faudrait que quelque chose m’arrive, quelque chose de vrai, et tout le reste me serait donné par surcroît.

On a probablement tous ressenti cela ; «moi-même ce n’est rien si je n’ai rien à faire de moi» me parait une très fine observation. Elle aborde le même sujet un peu plus tard, devant le Grand Canyon :

Il est là, je suis là : on voudrait que quelque chose se passe. Je regarde, c’est tout, et il ne se passe rien. C’est la même histoire, chaque fois. L’an dernier, il y avait le moutonnement des dunes couleur d’abricot et les palmiers glacés par la lune : rien ne s’est passé. Sable, pierre, lune, soleil couchant ; les choses sont là et je suis là et nous nous affrontons. Pour finir, c’est toujours moi qui me lève et qui m’en vais.

Je pourrai citer plein de réflexions auxquelles elle se livre, toutes plus intéressantes les unes que les autres, abordant ainsi les sujets récurrents de l’Amérique : la société de consommation et l’illusion du choix qu’elle propose, le racisme et la condition des noirs (son analyse est fouillée et passionnante), la place des intellos et des écrivains voir des sympathisants communistes américains (on est quelques années avant le Maccarthisme, mais déjà…), la place des pauvres, le positivisme forcené, l’hypocrisie des règles de société, la fameuse égalité des chances (déjà bien altérée à cette époque), le fatalisme, l’immigration, et bien sûr la condition féminine.
La liste a l’air d’une longue critique… mais son jugement n’est pas toujours négatif, loin de là. Elle observe et analyse ce qu’elle voit, ce qu’elle entend, voilà tout. Ce n’en est que plus fort.

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Simone de Beauvoir, de son vrai nom Simone-Lucie-Ernestine-Marie Bertrand de Beauvoir (!) est née en 1908 et morte en 1986 à Paris. Philosophe, romancière et essayiste, compagne de Jean-Paul Sartre avec qui (et d’autres) elle fondera la revue « Les temps modernes », adepte de l’existentialisme et attachée au combat pour la condition de la femme. Elle a écrit plusieurs récits autobiographiques qui doivent valoir le détour : Mémoires d’une jeune fille rangée, Une mort très douce et Tout compte fait.

Fracture du coude – 6 mois après

cicatrice Troisième et dernier article sur ma fracture du coude, histoire de faire le bilan. Voilà maintenant plus de six mois d’écoulés depuis la chute de vélo… alors où en suis-je ?

A gauche la jolie cicatrice, qui devrait laisser peu de trace on dirait… du beau boulot de la part du chirurgien.

Arrêt de la kiné

Après deux mois de kiné assez intensifs, le kiné y a lui-même mis fin mi-décembre : au cours d’une séance, de beaux craquements (probablement de la tête radiale) se sont fait entendre… le kiné a alors radicalement changé de discours, me demandant de lever le pied lors des exercices : «il ne s’agirait pas de tout casser là-dedans… ». Et deux ou trois jours plus tard, il me proposait d’arrêter les séances, qu’il s’agissait maintenant de remuscler tout ça, et d’arrêter le travail en extension/flexion/rotation. Il ajoutait que le travail musculaire pouvait être fait à mon rythme : je pouvais aussi bien laisser tout cela revenir tout seul, ou faire des exercices avec une petite haltère pour faire travailler les biceps et triceps. A moi de voir…

Après la kiné

Ce fût vite vu : j’ai pratiquement arrêté tout exercice, et j’ai vraiment ressenti de bonnes sensations à laisser mon bras récupérer tranquillement à son rythme. Je pense qu’il avait vraiment besoin de repos après ces deux mois d’exercices. Et je n’étais pas vraiment pressé : c’était l’hiver, et donc peu d’envie de faire du vélo, de toutes façons… pour le reste, les gestes de la vie quotidienne étaient là et permettaient aux muscles de se refaire petit à petit.

J’ai refait du vélo l’autre jour : à part une petite douleur à l’extérieur du coude, tout s’est bien passé. En fait rien d’autre que le fait de faire travailler une zone encore un peu faible.

Les avis avisés

Car c’est vraiment très long pour tout récupérer (vitesse, force), et il vaut mieux tabler sur un an ! Comme le dit mon médecin généraliste : «à moins que vous ne soyez en croissance, c’est pour tout le monde pareil… or votre croissance est terminée je crois ?». Je n’ai pu que confirmer.

Je suis retourné voir une dernière fois le chirurgien début janvier : toujours aussi laconique, à la question « puis-je refaire du vtt ? il me répondît « oui, vous ne vous abîmerez pas plus les articulations qu’avant »…

Inattendu, l’ostéopathe m’a dit que j’aurai pu venir la voir plus tôt, qu’ils peuvent apporter un petit plus lors de la rééducation, en pratiquant une sorte de micro-massage (si j’ai bien compris) sur le coude. De toutes façons, après tout le travail fait sur le coude lors de la rééducation, une visite chez l’ostéopathe ne fait pas de mal, car l’épaule a pas mal compensé, et remettre tout cela en place n’est pas superflu.

Les photos

Voilà des photos pour comparer : à gauche c’était en novembre (celles de l’article Rééducation du coude), à peu près à mi-chemin des exercices de kiné. Et à droite voilà où j’en suis maintenant. L’écart est impressionnant finalement… et montre qu’il ne faut pas se décourager et rester patient.

flexion maximum en novembre flexion maximum en mars

extension maximum en novembre extension maximum en mars

Et à la demande de Trucchi 😉 pronation et supination : si je compare avec l’autre bras, j’ai perdu  un peu plus en supination, mais ça m’a l’air pas mal dans l’ensemble. Pas de problème pour tenir le guidon du vtt !

pronation supination

Et maintenant

Je ressens encore quelques douleurs, sur certains gestes. J’ai l’impression que la tête radiale met du temps à se remettre en place. Mais je passe ma main gauche derrière le cou sans problème, et c’est pas mal du tout !

Hier, j’ai pris le tournevis pour visser des dominos : à chaque quart de tour, j’entendais plusieurs petits craquements, toujours de la tête radiale. C’est probablement à cause de cette fracture sans déplacement qui a fini par se déplacer… dixit le chirurgien, c’est comme si un roulement avait quelques grains de sable !

Et dans six mois, il faudra retourner à l’hosto pour me faire enlever ma jolie vis… Apparemment, c’est conseillé : le chirurgien m’avait dit que je pouvais aussi bien la garder. Mon médecin généraliste et l’ostéopathe me conseillent tous les deux de la faire retirer : il s’agit d’un corps étranger, il y aura de la calcification autour, etc… Je la ferai donc enlever.

Pour finir

Après le premier article Chute de vélo (à l’arrêt), le second article qui s’intitulait Rééducation du coude a eu un grand nombre de commentaires (23 à ce jour, record du blog !), en grande partie parce qu’un kiné s’est mis à répondre, et les questions d’autres personnes n’ont pas tardé.

Merci donc à Pierre Trucchi pour tous ses conseils avisés et encouragements : cela confirme ce que je pense, à savoir que le kiné est celui qui est le plus proche du patient, qui s’investit avec lui lors du travail de rééducation, l’encourage ou lui recommande la patience … quand le chirurgien semble lui tout trouver évident… et donc toute question stupide.

Ce dernier me disait d’ailleurs que la rééducation, je pouvais aussi bien la faire tout seul… franchement, je ne crois pas que je serais arrivé à ce résultat sans kiné.

Corps et âme – Franck Conroy

Corps et âme - Franck Conroy Un roman proposé par la libraire : « l’enfance et les débuts d’un pianiste surdoué »… la vie d’un génie, c’est toujours intéressant, même s’il s’agit ici d’un roman, me suis-je dit.

J’ai donc abordé avec plaisir ce roman de 700 pages dont l’histoire se passe à New-York dans les années quarante. Claude Rawlings est un enfant solitaire élevé seul par sa mère ; celle-ci travaillant, le gamin reste souvent seul dans l’appartement, scrutant le monde extérieur et inconnu par le soupirail… Et lorsque sa mère rentre le soir, elle ne parle pas ou si peu que l’enfant développe surtout une vie intérieure. Au fond de sa chambre, il y a un petit piano de bar oublié, sur lequel il exprime ses émotions sans même savoir ce qu’est la musique. Un peu plus tard, il fera la rencontre du marchand d’instruments de musique à quelques pas de chez lui… ce dernier va vite se rendre compte que le gamin, s’il est autodidacte, possède un réel talent et apprend très vite.

Le roman se lit facilement. L’histoire est très bien racontée par Franck Conroy, qui semble s’être attaché à décrire ce que peut être la vie d’un individu doté d’un talent naturel tel que celui-ci. N’allez pas croire que c’est une vie facile ! Il s’agit de talent certes, mais aussi de passion, et surtout de travail. Et comme la musique est pour Claude un univers entier où il se sent parfaitement à l’aise, contrairement au monde réel qu’il a du mal parfois à aborder…il se jettera dans le travail d’autant plus facilement.

L’auteur arrive très bien à faire partager au lecteur ce que peut être l’amour de la musique… on s’étonne presque de ne rien entendre ! Et l’on apprend des choses sur la musique classique, sa composition… Comme la musique sérielle, apparue au début du XXe siècle, en opposition à l’harmonie tonale. Il s’agit de répéter une série de notes définies, mais en les inversant, retournant, ou les deux. Claude n’aime pas trop cette musique, ne s’y retrouve pas (littéralement), et jouera un tour pendable au professeur de musique qui ne jure que par elle, composant un morceau respectant les règles strictes de la musique sérielle, mais duquel se dégage toute de même une harmonie (prise d’un morceau de Charlie Parker), pour qui sait l’entendre… Le professeur en question ne l’entendra pas !

Pour le reste, si le roman se lit avec grand plaisir, l’énigme du père inconnu (et son dénouement typiquement américain), les amours de jeunesse, ses retrouvailles avec son premier amour offrent un intérêt limité. L’évocation du New-York de cette époque est par contre très réussie, comme l’engagement de sa mère contre le Maccarthisme.

Franck Conroy est né à New-York en 1936. «Corps et âmes» est son seul roman ; il existe un recueil de nouvelles,  «Entre ciel et terre», dont la description semble très prometteuse. Il est décédé d’un cancer du colon en 2005.

Goldman Sachs et la Grèce

Goldman Sachs fait scandale

Ce dessin est en dernière page du Canard de la semaine dernière. En première page, on peut lire un petit article fort instructif intitulé « La banque qui ne dit jamais non« .

En résumé, la banque d’affaire Goldman Sachs (la plus puissante du monde) est fortement soupçonnée d’avoir aidé la Grèce à maquiller ses comptes lors de son entrée dans l’Europe. Les contribuables Grecs lui ont donc payé 300  millions d’euros pour services rendus : confronté à une dette abyssale, les Goldman boys lui ont permis d’en camoufler une partie grâce des «swaps de devises». Au passage, un des techniques utilisées par d’autres pays européens, la France étant plutôt vertueuse en la matière, dixit le Canard.

Or, de nombreux indices tendent à prouver que GS est l’un des principaux responsables de l’attaque spéculative qui vient de pousser la Grèce au bord du gouffre, mettant du même coup la zone Euro en danger. Mais GS en a profité pour encaisser des milliards de dollars.

Joli monde, non ? le plus étonnant, c’est qu’en en parlant à un collègue, un type plutôt sympa, cultivé, sa réponse fût laconique : « ben oui, ils font leur boulot, et le client, c’est pas Madame Michu… le gouvernement Grec savait ce qu’il faisait ».

Moi je ne sais pas : on parle là de mettre un pays entier (déjà fauché) sur la paille, ce qui veut dire que des millions d’hommes et de femmes vont galérer pour travailler, bouffer… simplement vivre quoi ! et même vivre très simplement, dans un dénuement probable.

Goldman Sachs est sans doute plus puissant que pas mal d’États : mais comment alors être aussi irresponsable, arrogant et méprisant envers la vie de millions d’individus ? Il paraît encore plus évident qu’il faut mettre un terme à ce genre de pratique, mais c’est plutôt mal parti.

Entre gouvernants et banquiers irresponsables, ce sera dur de se faire entendre. Quant à mon collègue, il est simplement cynique. Il s’en fout, il n’est pas Grec…

(Le Canard enchaîné – mercredi 24 février 2010)

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