Beaux seins, belles fesses – Mo Yan

Beaux seins, belles fesses - Mo Yan Ce livre est le «Cent ans de solitude chinois», dit-on, sans doute avec raison : une fresque incroyable mélangeant Histoire et légendes, au coeur de la Chine profonde.

Jintong est le dernier enfant de Shangguan Lushi, et le seul garçon : il a par contre huit soeurs ! Sorte d’anti-héros, il passera les 900 pages de l’histoire à se protéger de la vie plutôt qu’à se mettre en avant (quand il n’utilise pas les autres, car il est loin d’être idiot). Comme un symbole, il se nourrira au sein maternel pratiquement toute sa vie (une chèvre fera l’affaire quelque temps)…

L’histoire est contée sur un ton alerte et drôle, on ne s’ennuie pas une seconde. Car il va s’en passer des choses, dans cette Chine en bouleversement perpétuel : l’histoire commence fin XIXe siècle avec l’invasion Japonnaise, vient ensuite le Guomintang (premier parti politique de la République de Chine); puis bien sûr Mao Tse Toung et son communisme, et enfin le néo-capitalisme actuel.

Au milieu de ce fracas, le quotidien des habitants du village n’est pas simple. On perçoit la culture et le mode de vie ancestral, et le chamboulement provoqué par une histoire qui cafouille et se cherche. Car les perdants d’une époque peuvent devenir les vainqueurs de la suivante… L’absurdité de tout cela, frappé au coin du bon sens paysan, devient vite très drôle, et les péripéties ne manquent pas, tant les personnages sont hauts en couleurs et l’imagination de l’auteur fertile.

Mo Yan est un écrivain chinois, né en 1956. Voilà ce qu’il déclare en 2004 dans un interview à l’Humanité :

Je suis né à la campagne dans le Shandong. J’y ai vécu 20 ans, enfermé dans mon village jusqu’en 1976, année de la mort de Mao. Comme l’ensemble des Chinois à cette époque, nous vivions dans la misère. De 1959 à 1961, nous avons traversé une période de notre histoire avec les effets du  » Grand Bond en avant « . J’étais affamé, j’ai mangé du charbon et j’ai trouvé ça bon. Un voisin qui était étudiant m’avait dit que la vie des écrivains était bonne en Chine et qu’on pouvait manger des raviolis à tous les repas. Dès lors j’ai rêvé d’écrire. Plus les difficultés s’amoncelaient et plus j’en rêvais. Lorsqu’éclate la révolution culturelle en 1966, je suis renvoyé de l’école, classé dans « les mauvais éléments ». Un oncle avait été propriétaire foncier. Paria, interdit d’éducation, j’ai vécu plus de temps avec les animaux qu’avec les hommes. Après avoir cassé l’agriculture en Chine, on brisait la culture. Muré dans le silence et la solitude, je ne voyais que l’écriture pour m’épancher. L’armée était une voie pour y parvenir. Mais je n’y avais même pas droit. Elle était réservée aux familles de paysans pauvres, ou à celles de cadres. J’ai biaisé. Je suis allé travailler dans une usine de coton du district puis j’ai posé ma candidature sans que les cadres de mon village soient au courant. Des amis m’ont aidé. Je me suis engagé en 1976. Dès lors j’étais libéré de la faim, je pouvais penser à autre chose. Lorsque je montais la garde, j’écrivais en pensée. Mes supérieurs disaient que j’étais un bon soldat parce que je restais immobile. C’est dans une chambrée que j’ai écrit mes premières nouvelles. Ma plume s’est emballée, j’ai poursuivi mon éducation dans une école de l’armée puis à l’université de Beida. Mais rien ne pourra faire oublier les douleurs de l’enfance.

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