Pearl Buck toujours, je m’étais fait une petite liste de romans à lire, voici l’avant-dernier. L’idée c’était de passer à d’autres romans, quitter la vie de paysans chinois d’avant Mao pour aller vers des romans parlant de la révolution communiste.
Et celui-ci est assez intéressant, qui aborde plutôt le conflit chino-japonais d’ailleurs, avec Tchang Kaï-chek et son armée nationale d’un côté, et les révolutionnaires communistes de l’autre.
I-wan est le fils d’un riche banquier à Shanghai, et se lie à En-lan, un jeune étudiant, leader charismatique d’un mouvement clandestin, révolutionnaire et communiste. Ils militent activement ensemble et préparent l’arrivée de Tchang Kaï-chek, le grand chef de l’armée révolutionnaire. Mais ce dernier va tourner sa veste, préférant une alliance politique avec les occidentaux et les banquiers chinois, allant même jusqu’à exterminer les communistes (massacre de Shanghai). I-wan ne doit son salut qu’à son père, et doit s’exiler du jour au lendemain au Japon.
Il va y rester plusieurs années, s’y marier et avoir deux fils. Il découvre la culture japonaise et ses différences avec la sienne : leurs coutumes omniprésentes, les traditions ancestrales auprès desquelles l’individu n’existe pas, leur soumission totale à l’empereur, leur éducation très stricte, mais aussi la sophistication de leur jardins et leur amour de la beauté, leur acceptation du destin lors d’un tsunami… I-wan mettra longtemps à comprendre Tama, sa femme, et son étrange mélange d’acceptation des coutumes tout en se revendiquant « mobo », c’est-à-dire moderne.
Pendant tout ce temps, I-wan est tenu à l’écart de ce qui se passe entre les deux pays, même s’il sait que la situation est tendue depuis longtemps, le Japon occupant la Mandchourie. Il a du fuir son pays et abandonner son idéal révolutionnaire, et a choisi de se consacrer à son bonheur personnel, à se construire un nid familial où il pourra vivre heureux. Mais la guerre entre les deux nations va remettre en cause ce fragile équilibre, et il va devoir retourner en Chine pour défendre son pays, ce que Tama comprend parfaitement : cela fait partie de son devoir, comme le sien est de servir son mari.
I-wan va rencontrer Tchang Kaï-chek, et lui servir de messager grâce à son passé communiste. Il est envoyé dans les provinces du Nord-Ouest, là où les armées communistes se sont réfugiées, pour leur proposer une alliance contre l’envahisseur. Et y retrouver avec surprise En-lan, devenu l’un de leurs chefs.
Très bon roman, même si comme à son habitude Pearl Buck reste à la hauteur de ses personnages. I-wan est parfois très indécis et contradictoire entre son amour pour Tama et son sentiment d’être chinois, et il y a quelques longueurs sur le sujet. Mais on devine bien le Japon aux ambitions hégémoniques, plus développée que son voisin, la Chine, qui n’est pas encore vraiment unifiée (entre ses seigneurs de guerre, les communistes et l’armée nationale révolutionnaire), mais qui va justement le devenir en luttant contre l’envahisseur nippon.
Pearl Buck (1892-1973) est une femme de lettres américaine et a obtenu le prix Nobel de littérature en 1938. Elle n’a que 3 mois quand ses parents missionnaires partent pour la Chine. Ce n’est qu’à 17 ans qu’elle revient aux États-Unis suivre ses études universitaires, avant de vite retourner Chine où elle épousera un missionnaire agronome, dont elle divorcera peu après être revenue aux États-Unis en 1933. Première femme lauréate du prix Pulitzer qu’elle obtient en 1932. Elle adoptera sept enfants et aura combattu toute sa vie les injustices, défendu les minorités ainsi que les droits des femmes.