La fête au bouc – Mario Varga Llosa

C’est François Busnel, à la « P’tite Librairie », qui présentait ce bouquin l’autre jour. Et comme j’avais déjà pu apprécier Mario Vargas Llosa avec Le rêve du Celte, je n’ai pas hésité.

Là encore, l’auteur nous raconte une histoire vraie, celle de la République dominicaine, et de la fin du dictateur Rafael Trujillo, qui régna près de 30 ans sur l’île.

Trujillo, dont j’avais déjà entendu parlé dans le livre Effondrement de Jared Diamond : de manière surprenante, il reconnaissait que la déforestation avait pu être stoppée dans deux cas, au Japon et à Saint-Domingue, et que dans les deux cas il s’agissait de dictatures… Concernant Trujillo, il parlait d’une gestion « en père de famille » : en lisant ce livre, on comprend mieux de quoi il retourne.

Le récit commence avec Urania, jeune avocate new-yorkaise revenue pour la première fois à Saint-Domingue depuis qu’elle avait du quitter le pays à l’adolescence. Pour quelle raison revient-elle devant son père mourant, qui avait été l’un des proches du dictateur avant d’être mis à l’index, et quelle était la raison de cet expatriation ? Il faudra attendre la fin du livre pour le savoir

« Il va venir… » : Cette phrase sera répétée de nombreuses fois par les quatre hommes qui attendent au bord de la route que passe le véhicule de Trujillo, le Chef, le Généralissime, le Bienfaiteur, le Père de la Nouvelle Patrie, mais aussi le Bouc, comme il est surnommé, car il aime se prouver sa virilité avec de jeunes filles vierges qu’on lui fournit. C’est le second fil conducteur de l’histoire… jusqu’à l’attentat, qui survient à la moitié du livre.

Avec ces deux axes, l’auteur va d’abord dérouler petit à petit l’histoire de cette dictature, à travers les personnages qui l’ont traversé, qu’ils soient victimes innocentes ou acteurs dévoués, prêts à tout pour lui plaire, et surtout ne pas lui déplaire. Car Trujillo a développé un véritable culte à sa personne, et dirige le pays d’une main de fer, maintenant tout son entourage dans une peur perpétuelle de la disgrâce ; le profit personnel ne l’intéresse pas (mais sa famille possède les principales entreprises, la fameuse « gestion en père de famille !). C’est au départ un militaire formé par les Marines des États-Unis, anticommuniste et conservateur, ce qui lui donnera les clefs du pouvoir. Il chassera les immigrés haïtiens du pays (et en massacrera des milliers au passage), relancera l’économie, avec l’appui des américains, de l’Église, de l’armée et des classes aisées. Tout cela est parfaitement raconté, l’emprise qu’il exerce est alors totale.

Les difficultés commenceront lorsqu’il tentera d’assassiner le président du Venezuela, Rómulo Betancourt. Les États-Unis le lâchent alors, la situation économique se détériore, et même l’Église commence à prendre ses distances…

Après l’attentat, tout ne passera pas comme prévu, c’est la seconde partie du livre. La prise de contrôle de l’armée échoue, et la répression (terrible) s’engage. Ils seront peu des complotistes à survivre à celle-ci. Certains choisiront de mourir les armes à la main, la plupart seront capturés, torturés puis tués. Deux d’entre eux pourront se cacher pendant les 6 mois que dureront les derniers soubresauts du régime… D’assassins, ils deviendront justiciers (et les meilleurs amis du monde) ; ils recevront les honneurs du président Balaguer, placé à ce poste par Trujillo dans un rôle de fantoche, mais qui saura très habilement conserver le poste. Passionnant !

Mario Vargas Llossa, né en 1936, est un écrivain péruvien. Il a reçu le prix Nobel de littérature en 2010. Engagé politiquement, il a évolué du communisme (soutenant la révolution cubaine avant d’être déçu) au libéralisme. Il s’est présenté aux élections péruvienne en 1990, mais a été battu. Il a été très ami avec Gabriel Garcia Marquez, mais leur amitié s’est brisée un soir, à la sortie d’un cinéma, Llossa donnant un coup de poing en plein visage de Marquez !! Le sujet de la dispute restera secret.

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