
Livre offert par ma frangine, dont on avait déjà discuté et partagé des articles du Monde. Je connaissais donc déjà le sujet, mais ce livre (cette enquête) a le mérite de tout présenter de manière très claire et de façon complète.
Le système est assez simple finalement : dans les années 60, la Bretagne s’est lancée dans l’agro-industrie : produire du volume à bas coût, en circuit long. Les paysans n’ont pas d’autre choix que de grossir, ou de sortir du jeu (en 50 ans, on est passé de 370 000 paysans à 55 200). C’est la course à la productivité, on ne garde que les meilleurs, et les restants se tuent au travail pour un salaire de misère (car ils sont devenus la variable d’ajustement de cette industrie)… pour finir par craquer à leur tour (suicide), et leurs terres seront alors rachetées, etc. D’autres se retrouvent ouvriers dans les usines de l’agro-alimentaire, corvéables à merci pour un autre salaire de misère.
Le pire est sans doute la loi d’omerta, à la limite d’un système mafieux, que subit un agriculteur quand il veut sortir du système ou en révéler les abus : en plus des acteurs de ce modèle, les banques (prêts refusés) mais aussi l’État (contrôles incessants) sont carrément complices pour lui mettre une pression terrible et lui rendre la vie impossible. Idem pour les journalistes et toute personne se mettant en travers de la route.
Il existe pourtant d’autres systèmes (prairies et trèfle blanc), plus vertueux, en circuit court, permettant de développer une agriculture durable, offrant une meilleure rémunération au paysan, lui rendant sa fierté par la même occasion. On éviterait ainsi la culture du maïs gourmande en eau, les importations de soja (destiné à combler la manque en protéine du maïs), l’usage excessif des intrants chimique, etc… Voir extrait plus bas.
La démonstration du bouquin est imparable, très bien documentée, et agrémentée de témoignages directs sur chacun des aspects abordés. La lecture en est donc agréable, et l’on en ressort avec un sentiment mitigé, tellement le tableau décrit est sombre et semble sans issue. C’est comme pour le changement climatique, on sait qu’il faut changer de modèle, mais les intérêts économiques et/ou les profits de quelques uns sont autant de freins extrêmement puissants au changement, avec l’aide ou le laisser-faire des autorités politiques et judiciaires prêtes à toutes les faiblesses pour éviter un conflit direct et violent avec des agriculteurs manipulés. Il semble pourtant bien qu’à force de tirer sur la corde (la nature, les hommes), le système arrive à son terme. Espérons que ce soit le cas, et qu’une transition en douceur soit possible.
Voilà quelques extraits :
Continuer la lecture… Silence dans les champs – Nicolas Legendre