Archives de catégorie : Cinéma

Ma’Rosa – Brillante Mendoza

Ma'Rosa - Brillante Mendoza Un film que je suis allé voir un peu au hasard ; j’ai du en entendre parler sur France Culture, le film ayant reçu le Prix d’interprétation féminine du Festival de Cannes.

C’est l’histoire de Ma’Rosa, qui tient une petite épicerie (ou une misérable échoppe) dans un quartier pauvre (ou un bidon-ville) de Manille. Pour joindre les deux bouts (objectif sans espoir), elle et son mari vendent aussi de la drogue (du « crystal »), et se font sans surprise arrêter par la police.

Ces derniers vont en fait les emmener dans une sorte de « pré-commissariat » : ils ont alors 24 heures pour réunir une certaine somme d’argent. S’ils y parviennent, ils seront relâchés. Et s’ils échouent, ils seront alors inculpés comme il se doit. Il faut reconnaître que la police est très bien organisée sur ce point (la corruption) ! Les enfants vont donc se démener pour réunir la somme demandée, chacun à sa façon.

Si l’univers sans espoir de cette famille est bien décrit, tout comme la vie dans ce quartier pauvre de Manille, c’est la manière de filmer du réalisateur qui m’a gêné : la caméra à toujours à l’épaule, usant beaucoup de gros plans, à la mise au point pas toujours maîtrisée… Le rendu final est assez laid, comme l’univers qu’il décrit, mais était-ce nécessaire ?

Sinon, le nouveau président des Philippines, Rodrigo Duterte, a lancé une guerre meurtrière contre la drogue… Le problème dans ce genre de truc, c’est que l’on ne sait pas vraiment qui est assassiné, et pour quelles raisons.

Sing Street – John Carney

Sing Street - John Carney Un film sur une bande de jeunes de Dublin, qui montent un groupe de rock dans les années 80, c’est tentant ! et si en plus il a été nominé au festival du film britannique de Dinard, alors allons-y…

Pas question de parler de chef-d’œuvre pour autant, c’est une comédie, tournée avec de jeunes acteurs. Côté musique, on replonge dans les années 80 avec Duran Duran, The Cure… C’est aussi l’époque des premiers clips vidéos.

C’est donc l’histoire de Conor, qui pour draguer la plus belle fille du lycée, va monter un groupe de rock. C’est son grand frère qui lui donne ses références musicales… et le guide dans son éveil adolescent et son envie de vivre sa vie, comme pour mieux exorciser le fait que lui-même n’est pas réussi à échapper au contexte ambiant.

Quand Conor découvre que la belle a déjà un petit copain, il le dit à son frère, en précisant que le type en question a déjà une voiture, qu’il n’a aucune chance à vouloir rivaliser avec lui, etc… Il précise aussi que le type écoutait Phil Collins dans la voiture. Vient alors la réplique qui fait éclater de rire la salle : « Aucune femme ne peut aimer un homme qui est fan de Phil Collins ».

Voilà, cela vous donne une idée d’un film sans prétention, au message positif, très drôle, et retrouvant l’ambiance musicale de cet époque. Un vrai bon moment de détente.

Tour de France – Rachid Djaïdani

Tour de France - Rachid Djaïdani Je suis allé voir ce film sans en attendre grand chose. Ce doit être de voir Gérard Depardieu dans un rôle de beauf’ raciste qui m’a motivé. Un rôle de composition ?

Pas de surprise donc avec ce tour de France improbable entre Depardieu et un jeune rappeur appelé Far’Hook que tout oppose. Tout va se terminer par joli happy-end : ils vont devenir amis, et Far’Hook va même rencontrer l’amour. Ouf ! Si l’intention de ce genre de film est louable, je doute de son efficacité.

Seul Sadek, qui est un vrai rappeur et pour la première fois acteur, est assez touchant avec un jeu tout en sensibilité, qui contraste avec son physique. Depardieu, de son côté… fait du Depardieu, sans trop en rajouter, fort heureusement.

C’est le deuxième long métrage de Rachid Djaïdani ; son premier, Rengaine, semble être plus intéressant à voir que celui-ci, d’après ce que j’ai pu lire.

Moi Daniel Blake – Ken Loach

Moi Daniel Blake - Ken LoachUn film de Ken Loach, ça ne se refuse pas ! Il avait dit qu’il ne ferait plus de films, il a changé d’avis, et c’est tant mieux. Ses films traitent toujours des laissés pour compte de notre société, du monde ouvrier malmené dans un système où seul le profit compte.

Daniel Blake est un menuisier de 59 ans qui, à la suite d’un problème cardiaque, est mis en arrêt de travail par son médecin. Mais l’administration anglaise ne va pas l’entendre de cette oreille, et le pauvre Daniel va devoir se confronter aux aberrations d’un système qui va l’obliger à chercher un emploi sous peine de sanctions. Dans le même temps, il va venir en aide à une jeune femme et ses deux enfants.

Ce film raconte le traitement réservé aux chômeurs par l’administration, et ses conséquences dramatiques. Le système kafkaïen ne laisse aucune place à l’humain, et semble plus destiné à décourager l’individu grâce à des procédures qui n’ont aucun sens, comme l’expertise médicale du début du film, déléguée à une boite privée, dont la seule motivation est de valider son aptitude au travail sans tenir compte des réalités médicales (« Pouvez-vous lever le bras au-dessus de la tête ? »). Ce qui oblige Daniel Blake à rechercher du travail tout en sachant qu’il ne pourra pas l’accepter…

On est très vite accroché par ce film, et l’émotion nous saisit parfois à la gorge quand on voit le traitement proprement inhumain que l’administration réserve à ces personnes pourtant déjà en difficulté, qui se battent pour s’en sortir et se font inexorablement broyer par le système.

Nous n’en sommes pas encore là en France, mais cela pourrait bien arriver, puisque seul compte l’équilibre budgétaire, quitte à sacrifier une partie de la population, ces laissés pour compte de notre société mondialisée dont les politiques finalement n’ont pas grand chose à faire.

Captain Fantastic – Matt Ross

Captain Fantastic - Matt RossC’est sur les conseils de Paul Jorion que je suis allé voir ce film (il en parlait sur son blog) ! J’en avais vaguement entendu parler, l’histoire d’un père qui élève ses enfants loin du monde développé, en pleine forêt. Ça m’avait fait penser à « Mosquito Coast », dont j’avais d’abord lu le roman de Paul Theroux (il y a bien longtemps !), puis vu le film de Peter Weir, avec Harrison Ford (1987).

Mais « Captain Fantastic » n’a rien à voir avec « Mosquito Coast » : ici, c’est plutôt le retour à notre société qui est traité, et de quelle manière ! Il y a des moments de franche rigolade, d’autres chargés d’émotion, et surtout beaucoup de questionnements qui nous viennent à l’esprit : on est parfois pris à nos propres contradictions, et amenés à changer d’avis au fur et à mesure des événements. C’est la grande force de ce film !

Peut-on vraiment totalement vivre à l’écart de la société ? Si la réponse apportée est probablement non (à tout le moins dans une forêt, surtout pour une famille avec des enfants), il peut être utile d’élever ces derniers avec d’autres valeurs que celles de la société consumériste contemporaine.

Le film démarre donc dans une forêt reculée du nord-ouest des États-Unis, où un père a élevé ses enfants, leur apprenant à vivre dans cet environnement à priori hostile. Mais il s’est aussi occupé de leur éducation, leur apprenant à développer leurs propres personnalités, à défendre leur point de vue par l’argumentation, et sans les brimer par des règles trop strictes.

Amenés à revenir dans le monde que nous connaissons tous, le contraste sera saisissant. La scène où ils se retrouvent tous autour de la table chez la sœur du père permet de mettre en évidence les différences d’éducation entre les enfants de chacun. Les deux enfants de la sœur font pâle figure à côté, plus intéressés par le dernier modèle de Nike, ou par leur console de jeu, que de la signification des amendements de la Constitution américaine…

Mais tout ne sera pas aussi simple, et d’autres problématiques vont apparaître. Et c’est là que nous, spectateurs, allons commencer à nous poser aussi des questions… Il n’y a rien de manichéen ici, et de chaque côté, il y a de l’amour, du bon sens… C’est tout l’intérêt de ce film.

Un film drôle, émouvant, qui vous fait réfléchir : un grand film donc, et qui a déjà obtenu deux prix : le Prix de la Mise en Scène à Un Certain Regard à Cannes et le Prix du Public au Festival Américain de Deauville.

Mercenaire – Sacha Wolff

Mercenaire - Sacha WolffBonne surprise que ce film, tourné avec des acteurs amateurs. Le rôle principal, celui de Soame, est excellent, avec sa masse athlétique impressionnante, et dont pourtant une douceur énorme se dégage.

Soame, à 19 ans, quitte donc l’île de Wallis (Polynésie française) pour aller tenter sa chance dans la France du rugby, suite aux belles promesses d’un agent peu scrupuleux, et contre l’avis de son père. Ce dernier, après l’avoir battu jusqu’au sang pour le faire changer d’avis, finit par le renier.

Arrivé en France, à peine sorti de l’aéroport, le club qui devait l’accueillir le rejette car l’agent a nettement menti sur ses mensurations (il ne pèse que 110 kgs !). Commence alors un parcours difficile pour le jeune homme, qui va retrouver une place dans un petit club, mais se trouver confronté à pas mal de problèmes…

Restant fidèle à ses valeurs, il va à travers eux devenir un homme. Il retournera même à Wallis pour tenter de se réconcilier avec son père…

Mais ce qui m’a le plus surpris dans ce film, c’est la description du monde du rugby, hélas très réaliste. Le portrait dressé est assez désespérant : il y a une énorme violence sociale dans la façon dont un petit club (niveau Fédérale 3) recrute ainsi un jeune polynésien, le paie une misère, lui demande de se doper, et où sa pseudo intégration ne tient finalement qu’à ses résultats sportifs. Voilà ce que dit Sacha Wolff à propos du dopage :

Quand on voit les coups et traumatismes qu’encaisse un joueur de rugby par match, comment peut-on imaginer qu’il puisse tenir sur une saison sans être un peu aidé médicalement ? Le moralisme autour du dopage est absurde et j’avais envie d’en faire quelque chose de presque comique. Le dopage n’est pas pour autant mon sujet, je n’ai pas voulu enquêter ou révéler quoi que ce soit sur cette question, mon rôle n’est pas de faire du journalisme d’investigation. Le dopage fait juste partie de l’univers dans lequel Soane vit.

Soy Nero – Rafi Pitts

Soy Nero - Rafi Pitts Film que je suis allé voir un peu au hasard, sachant que cela parlait d’immigration mexicaine aux États-Unis, et du problème de la fameuse « Green card », celle qui donne le droit de travailler, et donc de sortir de la clandestinité et obtenir à terme la nationalité américaine.

Nero a dix-neuf ans, est né aux États-Unis mais s’est fait déporté par les services d’immigration au Mexique. Il décide de retourner clandestinement dans le pays de ses rêves pour y retrouver son frère à Los Angeles. Mais ce dernier ne peut guère l’aider, ayant lui-même de faux papiers, même s’il a un travail. Nero va alors s’engager dans l’armée américaine, ultime moyen pour pouvoir espérer la nationalité américaine (les « green card soldiers »).

Il se retrouve très vite quelque part dans le désert (Afghanistan ? Irak ?), à contrôler un checkpoint avec quelques autres soldats. Suite à une attaque à la voiture piégée, Nero va se retrouver seul à errer dans le désert, et finir par retrouver une patrouille américaine… qui va lui demander de prouver son identité, bouclant ainsi la fable absurde de sa quête.

Malgré quelques longueurs, le film nous fait partager l’impossible quête d’une identité pour Nero, en décrivant au passage une Amérique qui ne se comprend plus elle-même. C’est très bien réalisé, le récit est superbement construit, et l’acteur Johnny Ortiz excellent.

À propos des « green card soldiers » : Ils existent depuis la guerre du Vietnam. Il s’agit pour ces derniers d’un moyen d’obtenir la citoyenneté américaine après deux ans de service. Depuis le 11 septembre et le « Patriot Act » de George Bush, beaucoup de migrants illégaux ont ainsi rejoint l’armée américaine pour devenir « green card soldier » et éviter l’expulsion. Rafi Pitts développe :

Ils ne devenaient américains qu’à leur retour du front ou à leur mort. Ils se sentaient comme des soldats apatrides et en voulaient beaucoup à Bush qui ne les reconnaissait pas comme pleinement américains, tandis que les Mexicains ne les considéraient déjà plus comme étant des leurs. Lorsqu’ils obtiennent enfin leur naturalisation, ces citoyens ne sont pas tout à fait à l’abri pour autant. Il suffit d’un minuscule prétexte pour bannir les soldats qui ont été naturalisés de cette manière. Ils ont servi l’armée pendant trois ans et pour une altercation ou une histoire de cannabis, ils sont expulsés.

Comancheria – David Mackenzie

Comancheria - David Mackenzie Je suis allé voir ce film avec un copain, sans vraiment savoir ce qui m’attendait. Ce fût une très bonne surprise, et pour plein de raisons :

D’abord, une bonne histoire avec deux frères qui braquent des banques poursuivis par deux vieux Rangers, de bons dialogues à l’humour décapant (notamment entre les deux Rangers, l’un est blanc, l’autre indien, et ça vanne pas mal !), et tout cela sur le fond d’une Amérique en pleine crise économique : il est loin le rêve américain (même celui du gaz de shiste est déjà passé !).

De très bons acteurs, y compris dans les seconds rôles, tous participant à décrire une Amérique en plein marasme, avec de petits salaires pour eux qui ont la chance de travailler… Et les banques qui continuent de se gaver pendant ce temps.

Car si les deux frangins braquent des banques, ce sont toujours les agences d’une banque bien précise, celle qui a profité de la détresse de leur mère pour lui saisir la propriété familiale à sa mort. L’idée est donc de rembourser la banque avec son propre argent avant que l’échéance n’arrive ! 😉

Le cinéaste britannique David Mackenzie l’explique ainsi :

Ce qui m’a intéressé dans ce projet, c’est qu’il met en scène ce que j’appelle la ‘criminalité rédemptrice’, autrement dit, il s’attache à des personnages honnêtes qui transgressent la loi pour des raisons légitimes. C’est aussi un croisement très rare entre le western, la comédie, le film de braquage et le road-movie

La signification du titre original est « Hell or high water » m’a intrigué, voilà l’explication fournie sur la page wikipedia :

Le titre original fait référence à une clause inscrite sur certains contrats de prêts décrivant la nécessité pour l’emprunteur de procéder au remboursement, quelles que soient les difficultés qu’il pourrait rencontrer. Le terme vient d’une expression familière aux États-Unis qui indique que quelque chose doit être accompli « come Hell or high water », soit en français « quand bien même l’enfer ou le déluge s’abattrait sur nous ».

Si on ajoute une excellente bande-son préparée par Nick Cave & Warren Ellis, on est sûr de passer un très bon moment ! Une très bonne surprise donc, un film qui fait penser à ceux des frères Coen…

Rester vertical – Alain Guiraudie

Rester vertical - Alain GuiraudieJe suis allé voir ce film après en avoir entendu de bonnes critiques sur France Culture, puis lu celle du Canard, également positive.

L’article du Canard disait que « la sexualité surgit crûment et l’homosexualité inattendue produit des coups de théâtre » et parlait « d’audace et d’absence totale de tabous »… Au moins j’étais prévenu !

Au-delà de la sexualité montrée effectivement de manière très crue (ou devrais-je dire l’homosexualité, car beaucoup plus présente que l’hétérosexualité : tous les rôles masculins sont au moins bi-sexuels !), l’histoire manque je trouve globalement d’intérêt, autant que de réalisme d’ailleurs : le rôle du jeune éphèbe par exemple, que l’on retrouve chez le petit vieux, puis chez le père de la bergère, puis chez la bergère comme son petit-ami… Ce monde semble trop étriqué.

Les grand sujets évoqués comme la réintégration du loup, la misère, l’euthanasie, élever seul son enfant, semblent eux par contre trop grands pour être traités réellement. Finalement, hormis quelques très beaux paysages, seule la dernière scène vaut le détour : encerclés par une meute de loups, l’un des deux personnages dit à l’autre que dans ce cas, il ne faut pas montrer sa peur, ni tourner le dos ou s’enfuir… Ne pas se baisser non plus : Il faut rester vertical ! Au moins on aura compris le titre, sans doute une parabole sur un monde en déliquescence ?

Alain Guiraudie, né en 1964, est un réalisateur, scénariste et écrivain français. Son film précédent, « L’inconnu du lac », lui a apporté une certaine reconnaissance du grand public.

Insiang – Lino Brocka

Insiang - Lino Brocka Insiang est le premier film philippin à avoir été sélectionné au Festival de Cannes en 1978. Le film avait été tourné en huit jours dans le bidonville de Manille ! Ici il s’agit d’une version restaurée (numérisée 4K) et présentée à Cannes Classics en 2015.

C’est l’histoire d’Insiang, une belle jeune fille exploitée par sa mère, une véritable mégère. Cette dernière, après avoir chassé sa belle-famille de chez elle, ramène alors à domicile son dernier amant, Dado, un caïd du quartier qui pourrait être son fils ; Dado ne va pas tarder à vouloir séduire la jeune fille par tous les moyens.

Pour Insiang, il ne reste qu’une seule solution : s’enfuir avec son petit ami Bebot ! mais celui-ci en profite lâchement pour coucher avec elle… Puis c’est Dado qui va lui faire subir les derniers outrages. La vengeance d’Insiang sera terrible : puisque dans ce monde, il faut se montrer plus cruel que les autres, la belle va utiliser ses charmes pour l’assouvir, et ne fera pas de quartier !

Dès le début du film, on est saisi par l’ambiance du bidonville. La famille vit dans une pauvreté, une promiscuité, un niveau sonore qui nous happe totalement ; on se croirait presque dans un documentaire. Le quotidien du quartier est bien retranscrit, avec la petite épicerie où tout le monde passe, et devant laquelle les jeunes désœuvrés passent la journée en buvant de l’alcool… Puis le drame commence, et on se laisse séduire par les yeux de biche d’Insiang.

Un très bon film, avec une histoire forte, de bons acteurs, et dans un milieu social difficile et parfaitement rendu.