La transmigration de Timothy Archer – Philip K. Dick

Troisième et dernier tome, et donc après SIVA et L’invasion divine, de cette trilogie divine que j’ai décidé de relire. Au final, je reste sur l’impression que j’avais eu lors de ma première lecture, il y a bien longtemps : ces trois romans n’ont rien à voir avec toute l’œuvre précédente de Philip K. Dick, et offrent à mon avis très peu d’intérêt, à moins d’être versé dans les délires mystico-religieux.

Ça commence pourtant bien avec une vraie histoire, racontée par Angel, mariée avec Jeff, le fils de Timothy Archer, ce dernier étant évêque, rien que ça. Ce qui ne l’empêche pas d’être l’amant de Kirsten, une copine d’Angel. Le roman commence le jour de la mort de John Lennon, événement qui marque que le monde va mal…

Angel nous raconte d’abord la rencontre entre Timothy et Kirsten, puis tout ce qui en suivit. Elle n’est pas croyante et garde une distance critique avec tout ce qui arrive, ce qui n’est pas sans me déplaire ! C’est une ex-étudiante de Berkeley, diplômée, intellectuelle, mais assez paumée dans sa vie, fumant de l’herbe. Si elle garde une distance avec le délire religieux de son entourage, elle a finalement son propre délire aussi, plus intellectuel…

Toujours est-il que des manuscrits de la mer morte ont été trouvés, écrits par les Zadokites, une très ancienne secte juive. Tim participe à leur étude, et il apparaît que tout ce qu’a dit Jésus existait déjà 200 ans auparavant, ce qui remet bien sûr largement en cause le statut de « fils de Dieu » qu’on lui a attribué. De là à penser que Jésus n’était qu’un charlatan…

Entre temps, Jeff, jaloux de son père et amoureux de Kirsten, se suicide par arme à feu.

Un mot hébreu ressort des documents : Anokhi… Il s’agirait d’un champignon vénéneux, que les zadokistes préparaient d’une façon connue d’eux seuls, afin de s’en servir pendant leurs cérémonies, comme le pain et le vin des chrétiens. Autrement dit, les zadokistes étaient une secte qui s’éclataient avec des champignons hallucinatoires ! Rien ne va plus au royaume des cieux !!

Jeff se manifeste alors à Tim et Kirsten par des phénomènes paranormaux. Tim, Kirsten et Angel vont voir une voyante, qui leur transmet le message de Jeff : Kirsten va bientôt mourir, et Tim la suivra probablement très rapidement car « ils » sont en train de préparer leur place « ici ». Kirsten meurt effectivement peu de temps après, en absorbant une forte dose de barbituriques…

Tim publie un livre sur la vie après la mort, puisque Jeff a communiqué avec lui, perdant ainsi son poste d’évêque. Il décide de partir en Israël à la recherche du fameux champignon, et y trouve la mort en partant dans le désert sans guide. Mais Tim revient dans l’esprit de Bill, le fils schizophrène de Kirsten !! Ce dernier retourne à l’hôpital (il alterne entrée et sortie depuis longtemps), et Angel se promet de l’aider à s’en sortir… Fin de l’histoire.

Ah tout de même que j’ai trouvé un truc intéressant, le test des proverbes qu’Angel fait passer à Bill :

— Et moi je vais vous poser une question en retour, dis-je. Je vais vous citer un proverbe, un proverbe usuel, et m’en expliquerez le sens.
— J’aurai combien de temps ?
— Ce n’est pas minuté. Racontez-moi simplement ce que signifie le proverbe : « Chat échaudé craint l’eau froide ». Qu’est-ce que ça veut dire ?
Après un silence, Bill répondit : « Ça veut dire que si votre chat monte sur la cuisinière et renverse votre bouilloire, il se brûlera ; et après, il aura peur de la bouilloire même si l’eau n’est pas chaude ».
— Encore un autre sur le chat : « Quand le chat n’est pas là, les souris dansent ».
À nouveau, il garda un moment le silence, le front plissé. « Eh bien, dit-il enfin, si vous avez des souris chez vous, votre chat les chasse ; mais s’il s’en va ailleurs, les souris sont contentes parce qu’elles ont la paix ».
— « Qui veut voyager loin ménage sa monture ». Mais je savais déjà à quoi m’en tenir. Le fonctionnement de la pensée de Bill Lundborg était détérioré ; il était incapable d’expliquer le proverbe : il se contentait de le paraphraser en termes concrets, correspondant aux termes mêmes de son énoncé.
— Quand on se déplace à cheval, dit-il de façon hésitante, et qu’on a un long trajet à faire, il ne faut pas fatiguer le cheval.
— « Vanité, ton nom est femme ».
— Les femmes sont vaines. Mais ce n’est pas un proverbe. C’est une citation de quelque chose.
— C’est très bien, dis-je. Vous vous en êtes bien tiré. Mais en vérité – en vérité, je vous le dis, comme l’aurait formulé Tim, comme le formulait Jésus, et peut-être avant lui les zadokistes – j’avais en face de moi quelqu’un de complètement psychotique, à en croire le test des proverbes de Benjamin. J’en éprouvai une douleur vague et obsédante, en voyant devant moi ce garçon si jeune et physiquement si sain, et si inapte à déchiffrer un symbole, à penser de manière abstraite. Il souffrait du trouble cérébral psychotique classique : son raisonnement se limitait au concret.
Tu peux oublier ton intention de devenir programmeur d’ordinateurs, me dis-je. Tu continueras à peindre des carrosseries de voitures jusqu’à ce que le Juge eschatologique arrive et nous libère, tous autant que nous sommes, de nos tourments. Et alors ton esprit endommagé sera vraisemblablement guéri. Projeté dans le corps d’un cochon de passage, pour être précipité dans le vide. Là où est sa place.
« Excusez-moi », dis-je. Je sortis de la cuisine et traversai la maison, allant le plus loin possible de Bill Lundborg, et je m’appuyai contre le mur en enfonçant le visage dans mon bras. Je sentis couler mes larmes – des larmes tièdes – mais je ne fis aucun bruit.

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Philip K. Dick (1928-1982) est un auteur américain de romans, de nouvelles, et d’essais de science-fiction. Il a reçu le prix Hugo pour « Le maître du Haut Château » et le prix John Wood Campbell Memorial pour « Coulez mes larmes, dit le policier ».

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