Ce texte d’Étienne de La Boétie est souvent cité comme une référence, je l’avais donc mis sur ma liste. S’il ne fait en lui-même qu’à peine quarante pages, l’introduction de Simone Goyard-Fabre en fait plus de cent vingt, donnant un peu d’épaisseur au livre.
Cette introduction est très intéressante, décrivant très bien ce qu’est Le Discours et ce qu’il n’est pas, sa date de composition incertaine, donnant le contexte historique, etc… C’est toujours un peu frustrant de lire 120 pages à propos d’un texte que l’on s’apprête à lire, mais c’est assez réussi cette fois.
Le Discours a également été appelé le Contr’un : selon La Boétie, la tyrannie est fondamentalement et essentiellement monocratie : l’autorité d’un seul. Dès lors, l’important n’est pas de poser l’origine du pouvoir ; c’est d’en examiner l’exercice. Et cet exercice, puisqu’il ne peut être « public », est nécessairement mauvais, ne répondant pas à l’essence du politique.
La « république » — entendons la res publica (la chose publique) — doit avoir un caractère « public », qui est, comme tel, irréductible à des rapports privés comme le sont les rapports domestiques ou les rapports de patronage.
Mais le tyran n’est pas le seul responsable, les peuples se laissant volontiers asservir :
Paresse native qui est comme sa seconde nature : si la nature de l’homme est bien d’être franc [libre] et de le vouloir être, mais aussi sa nature est telle que naturellement il tient le pli que la nourriture [l’habitude] lui donne.
Aspiration à la liberté et tendance à la paresse s’affrontent donc en l’homme… si l’on regarde notre société de consommation et de divertissement, cette remarque n’a pas pris une ride. À croire que nos gouvernants sont au courant !
Pour La Boétie, il y a une « dé-naturation » à la fois de l’homme qui aspire naturellement à la liberté et du tyran qui devrait gouverner pour le bien de tous. Il ne l’explique malheureusement pas.
« Le XVIème siècle ouvre l’âge moderne » (P. Villey) : cette formule s’applique parfaitement au texte de La Boétie. Il annonce probablement l’âge des Lumières, une première pensée en dehors du dogme théologique et de la royauté de droit divin, ainsi qu’un vibrant appel à la liberté des peuples.
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