La sortie du capitalisme

andre-gorz.jpg Selon André Gorz, elle a déjà commencé. Et ce qu’il explique sur le capitalisme apporte sur les récents évènements financiers un éclairage intéressant.

Ces trente dernières années, l’ordinateur et le robot ont profondément changé la donne. La quantité de travail pour fabriquer un produit ne cesse de baisser, et le prix des produits aussi. Or le capitalisme voudrait que la masse des profits ne diminue pas. Equation difficile à résoudre en apparence… il y a pourtant une solution simple : augmenter la productivité.

On a donc cet étonnant paradoxe que plus la productivité augmente, plus il faut qu’elle augmente encore pour éviter que le volume de profit ne diminue.

Voilà qui explique la pression exercée sur les salariés, les salaires bloqués, les décentralisations. Mais ça ne suffit plus :

Le système évolue vers une limite interne où la production et l’investissement dans la production cessent d’être assez rentables.

La preuve, les bénéfices des grandes entreprises du CAC40 ne cessent de grossir, et pourtant ces entreprises n’investissent pas dans la production pour autant.

Une industrie financière se constitue qui ne cesse d’affiner l’art de faire de l’argent en n’achetant et ne vendant rien d’autre que diverses formes d’argent. L’argent lui-même est la seule marchandise que l’industrie financière produit par des opérations de plus en plus hasardeuses et de moins en moins maîtrisables sur les marchés financiers.

La crise des subprimes en est l’exemple parfait. On prête massivement à des gens qui n’ont pas les moyens de rembourser, en anticipant sur les profits à réaliser quand ils rembourseront avec intérêt. Une bulle se crée, l’argent fait de l’argent, c’est magnifique. Ainsi, le total des actifs financiers en circulation vaut aujourd’hui trois à quatre fois le PIB mondial.

Jusqu’au moment, inévitable, où les bulles éclatent, entraînant les banques dans des faillites en chaîne, menaçant le système mondial de crédit d’effondrement, l’économie réelle d’une dépression sévère et prolongée….

Bien vu, non ? Le capitalisme « ne se perpétue et ne fonctionne que sur des bases fictives de plus en plus précaires », dit Gorz. Il faut donc en sortir, et cela « d’une façon ou d’une autre, civilisée ou barbare ».

source « Le Canard enchaîné » – mercredi 30 janvier 2008

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André Gorz s’est donné la mort le 22 septembre 2007 à l’âge de 88 ans. Homme très discret, il avait fondé le Nouvel Obs avec Jean Daniel en 1964. Philosophe et journaliste, il rejettait le libéralisme comme le marxisme qu’il jugeait tous deux découlant d’une pensée économique.
Il deviendra l’un des principaux théoriciens de l’écologie politique.
Affirmant que la crise écologique et la crise capitaliste de suraccumulation sont directement liées, il appellait à une « révolution écologique, sociale et culturelle qui abolisse les contraintes du capitalisme ». Il aspirait aussi à réconcilier ce projet écologiste avec l’utopie socialiste d’une abolition du salariat. L’autonomie et la liberté de l’individu était au coeur de sa réflexion.

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