Plateforme – Michel Houellebecq

Plateforme - Michel Houellebecq Je continue la lecture des romans de Michel Houellebecq, même si j’ai été déçu par son dernier livre, Soumission. Plateforme date de 2001, et paraît après Les particules élémentaires, le roman qui l’a fait connaître du grand public.

Et celui-ci démarre bien, j’ai aimé toute la première partie, lorsque Michel part en voyage organisé en Asie avec le club Nouvelles-Frontières. Le personnage principal va même y rencontrer de la femme de sa vie, et même s’il faut attendre le retour à Paris pour qu’ils se trouvent enfin, l’impossible arrive : Michel rencontre le bonheur avec une femme !

Une fois la surprise passée, et quelques pages tournées, la suite de l’histoire dérape assez rapidement (sinon, ce ne serait plus du Houellebecq !) : la deuxième partie, axée sur le montage d’un système de tourisme sexuel, est carrément décevante. Beaucoup de poncifs sont énoncés comme des lois universelles (les hommes aiment coucher avec des asiatiques, et les femmes préfèrent les noirs…) sur lesquels l’auteur bâtit son raisonnement qui se veut de type sociologique, avec du recul et une hauteur de vue. Or on reste quand même au ras des pâquerettes, et proche des réflexions du beauf’ moyen.

Autant dans Les particules élémentaires, j’avais trouvé le côté sociologique très intéressant, et même fulgurant parfois, autant ici, c’est assez décevant, voir nul ! Les musulmans se font (déjà) taper dessus, et (à posteriori) le choix de la Thaïlande comme lieu d’attentat est plutôt mal choisi. À noter également des scènes de sexe, aux descriptions assez détaillées, ce que je n’avais pas observé dans ses deux premiers romans.

J’ai donc été plutôt déçu dans l’ensemble par ce roman : comme toujours, Houellebecq porte une vision très nihiliste du monde (pourquoi pas ?), mais qui me paraît un peu complaisante à la longue. Voilà l’un des derniers paragraphes, quand Michel a tout plaqué pour aller finir sa vie à Pattaya :

Jusqu’au bout je resterai un enfant de l’Europe, du souci et de la honte ; je n’ai aucun message d’espérance à délivrer. Pour l’Occident je n’éprouve pas de haine, tout au plus un immense mépris. Je sais seulement que, tous autant que nous sommes, nous puons l’égoïsme, le masochisme et la mort. Nous avons créé un système dans lequel il est devenu simplement impossible de vivre ; et, de plus, nous continuons à l’exporter.
Le soir tombe, les guirlandes multicolores s’allument aux devantures des beer bars. Les seniors allemands s’installent, posent une main épaisse sur la cuisse de leur jeune compagne. Plus que tout autre peuple ils connaissent le souci et la honte, ils éprouvent le besoin de chairs tendres, d’une peau douce et indéfiniment rafraîchissante. Plus que tout autre peuple, ils connaissent le désir de leur propre anéantissement. Il est rare qu’on rencontre chez eux cette vulgarité pragmatique et satisfaite des touristes anglo-saxons, cette manière de comparer sans cesse les prestations et les prix. Il est rare également qu’ils fassent de la gymnastique, qu’ils entretiennent leur propre corps. En général ils mangent trop, boivent trop de bière, font de la mauvaise graisse ; la plupart mourront sous peu. Ils sont souvent amicaux, aiment à plaisanter, à offrir des tournées, à raconter des histoires ; leur compagnie pourtant est apaisante et triste.
La mort, maintenant, je l’ai comprise ; je ne crois pas qu’elle me fera beaucoup de mal. J’ai connu la haine, le mépris, la décrépitude et différentes choses ; j’ai même connu de brefs moments d’amour. Rien ne survivra de moi, et je ne mérite pas que rien me survive ; j’aurai été un individu médiocre, sous tous ses aspects.

Autres romans du même auteur sur ce blog :

Michel Houellebecq (né Michel Thomas à La Réunion en 1956), est l’un des auteurs contemporains de la langue française les plus connus et traduits dans le monde. Révélé par « Extension du domaine de la lutte » (1994) et surtout « Les particules élémentaires » (1998). Élevé d’abord par ses grands-parents maternels en Algérie, il est confié à six ans à sa grand-mère paternelle Henriette, communiste, dont il adoptera le nom de jeune fille comme patronyme.

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