Bloody Miami – Tom Wolfe

Bloody Miami - Tom Wolfe J’avais bien aimé Acid Test du même auteur (roman déjanté sur la période hippie de San Francisco), aussi quand j’ai  vu celui-ci en poche sur la table du libraire, je l’ai pris.

Tom Wolfe, c’est l’inventeur du « nouveau journalisme » : un style littéraire, mais priorité aux faits de l’enquête. Ici, on doute qu’il s’agisse de faits, tant les personnages sont caricaturaux. Le style, c’est celui de Wolfe, rempli d’onomatopées comme « uhrghhh », « hock hock hock », « Moiaahhh » ou encore « Craaaaaschhhh » ; il faut aimer (ou supporter).

L’histoire : un jeune flic cubain, Nestor Camacho, à la musculature impressionnante sauve un exilé cubain en mauvaise situation, mais ce dernier est arrêté par la même occasion (et probablement refoulé), sous le regard des médias. Il passe à la télé : héros pour les uns, mais traître pour la communauté cubaine et donc sa famille, il se sent mal. Quand il arrête quelques jour plus tard un dealer noir, les choses se compliquent encore pour lui, désormais étiqueté comme raciste par les médias. Comble de malchance, il vient de perdre sa copine Magdalena, une superbe ‘latina’ qui préfère son patron le docteur Norman Lewis, un ‘porno-psychiatre’, blanc, WASP, riche et connaissant des gens encore plus riches. Parmi ces derniers, un mécène russe n’est pas insensible aux charmes de Magdalena, pendant que Nestor enquête avec un jeune journaliste sur les tableaux que ce mécène a offert à la ville… seraient-ils des faux, et le mécène un horrible mafieux ? Par ailleurs, le chef de police est afro-américain, et le maire d’origine cubaine.

Comme on le voit, un scénario taillé sur mesure pour parler des problèmes communautaires de Miami, avec tous les excès qui sont associés à cette ville : débauche, sexe, argent-roi, corruption, violence, etc… La plupart des personnages de ce roman sont soit complètement perdus dans ce monde, soit en profitent sans aucune retenue ni morale.

Mais huit cents pages pour tout ça ? c’est certainement trop, des pages et des pages de description assez inutiles (sans parler des onomatopées) à mon goût.

Tout de même, au final, une description assez cruelle de la fin du rêve américain (one more !), version Miami 2012.

Tom Wolfe est né en 1933 aux États-Unis. Il est l’un des créateurs (avec Norman Mailer, Truman Capote, J. Didion, Hunter S. Thompson) du Nouveau journalisme. Ses premiers écrits sont souvent une critique du mode de vie américain. Il est surtout  connu pour son roman « Le bûcher des vanités » (1987) porté à l’écran par Brian de Palma.

Mao, l’histoire inconnue – Jung Chang & Jon Halliday

Mao, l'histoire inconnue - Tome 1 - Jung Chang & Jon Halliday Après avoir lu Les habits neufs du président Mao de Simon Leys (qui nous a malheureusement quitté en  août dernier), et discutant avec le libraire de ce cher Mao, il m’a proposé cette biographie non-officielle parue en deux gros tomes (+1200 pages) chez Folio Histoire.

Le livre de Simon Leys se concentrait sur une période très précise (1967-1969), au plus fort de la Révolution culturelle, et dénonçait le premier à un Occident incrédule que ce n’était qu’une gigantesque (et tragique) manipulation de Mao Zedong destinée à lui rendre les pleins pouvoirs.

Ces deux tomes reprennent quant à eux toute la vie de Mao, et ce n’est pas triste ! Alors attention : c’est totalement « à charge », et le portrait dressé par les deux auteurs est sans concession, c’est le moins que l’on puisse dire. Mao y apparaît comme un véritable monstre prêt à tout pour conquérir le pouvoir suprême et s’y maintenir, notamment en sacrifiant son peuple sans compter. Ainsi le quatrième de couverture déclare :

Mao Tsé-toung, qui pendant vingt-sept ans détint un pouvoir absolu sur un quart de la population du globe, fut responsable de la mort d’au moins soixante-dix millions de personnes en tant de paix, plus que tout autre dirigeant au XXe siècle.

Et le livre se termine par l’épilogue suivant :

Le portrait de Mao et sa dépouille continuent de dominer la place Tienanmen, au cœur de la capital chinoise. L’actuel régime communiste se déclare l’héritier de Mao et s’emploie toujours énergiquement à perpétuer son mythe.

Après avoir regardé un peu sur internet, ce livre est assez critiqué, en dépit de son succès de librairie… Surtout par les sinologues professionnels : que ce chiffre de soixante-dix millions de morts est difficilement vérifiable d’une part, que la méthode utilisée par les auteurs n’est pas celle d’un véritable travail universitaire d’autre part (malgré les dix ans de recherches qu’ils y ont consacré), et enfin que Mao était un dirigeant complexe, tiraillé de contradictions et aux multiples facettes.

Alors bon, ce n’est peut-être pas  un travail universitaire, mais personnellement je l’ai dévoré. D’autre part, les dictateurs « tiraillé de contradictions et aux multiples facettes », ça me laisse un peu froid. Hitler aimait la peinture, Mao la poésie, et alors ? Enfin, quelque soit le nombre de millions de morts, le chiffre exact importe peu…

Revenons au livre en lui-même : le style est très agréable à lire, et la narration parfaite : on est très vite accroché, et les multiples personnages chaque fois remis en contexte (j’avais peur d’une multitude de noms, d’une complexité à suivre tout cela, comme dans le livre de Simon Leys). L’histoire est passionnante, du début à la fin.

À vingt-quatre ans, Mao déclare ceci :

Je ne souscris pas à l’idée que pour être moral le motif de nos actions doit tendre au bien d’autrui. […] Bien entendu, il y a dans le monde des gens et des objets, mais tous ne s’y trouvent que pour moi. […] nous n’avons aucun devoir envers les autres. […] D’aucuns prétendent que l’on est responsable envers l’histoire. Je n’en crois rien. La seule chose qui m’intéresse, c’est mon développement personnel […]. J’ai mon désir et j’agis conformément à ce qu’il me dicte. Je ne suis responsable envers personne. »

Cela m’a fait immédiatement penser à L’Unique et sa propriété de Max Stirner : même apologie de l’égoïsme ! Là où c’est intéressant, c’est que Stirner n’en devient pas pour autant un monstre. Il reste sympathique, plus préoccupé par sa liberté de pensée en fait (hantise du conditionnement) que par l’idée de se servir des  autres. Mao n’aura pas cette élévation de l’esprit.

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Pura Vida – Patrick Deville

Pura Vida - Patrick Deville Après Peste & Choléra puis Kampuchéa que j’avais apprécié tous les deux, je continue l’exploration de cet écrivain Nantais qui mêle avec bonheur histoire et géographie dans ses romans.

Celui-ci traite de l’Amérique centrale, et de nombreux révolutionnaires qui passèrent par là. Le « fil rouge » est William Walker, aventurier américain au destin improbable qui tenta de conquérir plusieurs pays d’Amérique centrale, devint même (brièvement) président du Nicaragua, avant d’être fusillé par l’armée du Honduras.

Le style de Patrick Deville est toujours le même, mêlant les notes de son propre voyage au fil des différents pays visités pour préparer son roman. Mais bon, cette fois, j’ai eu un peu de mal à accrocher, peut-être parce que je ne connais bien ni la région, ni son histoire (plutôt mouvementée !).

Par de brefs chapitres, on passe trop souvent et trop vite d’un sujet à l’autre ; Simon Bolivar est mentionné par là, on évoque le Che par ici ; la vie de Augusto Sandino (Nicaragua Sandiniste) est racontée en  deux ou trois pages… Difficile aussi de se faire une chronologie de tout ça. Voilà d’ailleurs ce que dit Patrick Deville à un moment :

J’accumulais ainsi des notes pour une histoire du sandinisme ou même du Nicaragua. Ou de l’Amérique centrale dans son ensemble. Et éventuellement pour des récits qui rassembleraient un jour lointain certains couples historiques, sur le modèle des Vies parallèles de Plutarque, la vie et la mort de Simon Bolivar et de Francisco Morazàn, de Narciso López  et de Louis Schlessinger, d’Augusto César Sandino et de Tacho Somoza, d’Antonio de la Guardia et de Roque-Dalton, du vrai Che Guevara et du faux, le Che punto-50… Il ne m’échappait pas pourtant pas, à la présenter ainsi, qu’une entreprise d’aussi vaste envergure devait de loin excéder les modestes forces à ma disposition, et que les précipiter dans une telle aventure équivaudrait à lancer une poignée d’Indiens à l’assaut des tuniques bleues en terrain découvert, ou une poignée de mercenaires au-devant de  l’armée hondurienne.

Alors, certes, c’est plaisant, on apprend plein de choses comme toujours, personnages fameux ou oubliés de l’Histoire, mais j’ai trouvé qu’on manquait de contexte parfois, ou que l’on survolait un morceau d’Histoire de manière un peu frustrante. Le lien entre les anecdotes n’est pas toujours évident, si ce n’est la zone géographique, ce qui donne finalement un beau patchwork sur l’Amérique centrale.

D’un autre côté, ce livre est paru en 2004, soit bien avant les deux autres livres cités, plus récents. Peut-être que l’auteur a affiné son style ? il faut dire aussi que je connais mieux l’histoire du Cambodge, c’est peut-être aussi pour cela que j’avais plus apprécié Kampuchéa.

Autres articles sur Patrick Deville sur le blog :

Patrick Deville est un écrivain français né en décembre 1957. Il suit des études de littérature comparée et de philosophie à Nantes, puis voyage pas mal apparemment. En 2011, le magazine Lire élit Kampuchéa meilleur roman de l’année. En 2012, il reçoit pour Peste & Choléra le prix Femina, le prix du roman fnac, et le prix des Prix littéraires.

Journaux de voyage – Albert Camus

Journaux de voyage - Albert Camus Deuxième livre d’Albert Camus après Le premier homme, dernier roman (inachevé) de l’auteur.

Celui-ci n’est pas un roman, mais un recueil de deux cahiers concernant deux voyages, l’un aux États-Unis (1946), le second en Amérique du Sud (1949).

Ce petit livre se lit très vite. Il s’agit d’un véritable journal de voyage, et la forme littéraire n’est pas toujours là, ce sont parfois de simples notes jetées sur le papier, avec des phrases très courtes, mais d’autres fois, le texte et la réflexion sont plus élaborés.

Camus se servait par la suite de ces « cahiers » pour écrire ses romans. Ainsi certains passages ébauchés ici se retrouvent dans des romans, retravaillés. Une façon de voir comment l’auteur construit son œuvre.

C’est très agréable dans l’ensemble, on perçoit un peu de la personnalité de Camus, à lire ce qu’il pense de telle soirée, ou de telle rencontre… c’est parfois sans pitié !

Voilà quelques exemples. L’arrivée à New-York d’abord :

Fatigué. Ma grippe revient. Et c’est les jambes flageolantes que je reçois le premier coup de New-York. Au premier regard, hideuse ville inhumaine. Mais je sais qu’on change d’avis. Ce sont les détails qui me frappent : que les ramasseurs d’ordures portent des gants, que la circulation est disciplinée, sans intervention d’agents aux carrefours, etc., que personne n’a jamais de monnaie dans ce pays et que tout le monde a l’air de sortir d’un film de série.

Avant d’arriver à Rio :

Nous arrivons dans deux jours. Tout d’un coup, l’idée de quitter ce bateau, cette cabine étroite où j’ai pu abriter pendant de longs jours un cœur détourné de tout, cette mer qui m’a tant aidé, m’effraie un peu. Recommencer à vivre, à parler. Des êtres, des visages, un rôle à jouer, il y faudrait plus de courage que je n’en sens. Par bonheur, je suis en pleine forme physique. Il y a pourtant des moments où je voudrais éviter la race humaine.

Après une réception avec un hôte particulièrement pédant :

Mais Chamfort a raison : quand on veut plaire dans le monde il faut se résoudre à se laisser apprendre beaucoup de choses qu’on sait par des gens qui les ignorent.

Enfin, après avoir exprimé sa satisfaction d’avoir passé une soirée avec des compatriotes :

Le soir, dîner chez Robert Claverie. Rien que des Français, ce qui me repose. Quand on parle une langue étrangère, il y a, dit Huxley, quelqu’un en soi qui dit non de la main.

Albert Camus (1913-1960) est un écrivain, philosophe, dramaturge français, né en Algérie. Il est aussi journaliste engagé dans  la Résistance française durant la seconde guerre mondiale, et proche des courants libertaires dans les combats moraux de l’après-guerre.

Les fils de l’homme – P.D. James

Les fils de l'homme - P.D. James Retour à la science-fiction avec ce roman dont je ne sais plus comment j’en ai entendu parler. Toujours est-il que j’avais noté :

Et si l’espèce humaine venait à être frappée de stérilité ? – sur la société totalitaire – SF.

On rentre très vite dans l’histoire, et ce qui m’a immédiatement plu, c’est le ton de la narration : c’est bien écrit, mais au-delà, il y a une certaine mélancolie qui se dégage, une sorte de fatalité sur le destin de l’espèce humaine, particulièrement au début du roman.

D’autant que l’histoire commence (livre premier : l’omega) par la présentation de la situation, forcément peu optimiste : une humanité qui ne peut plus se reproduire est de fait vouée à la disparition ; le cadre de la société se délite forcément, et les libertés individuelles sont réduites par un pouvoir devenu totalitaire. Heureusement, dans la seconde partie intitulée «livre II : l’alpha», vous l’aurez compris, une bonne nouvelle survient.

La suite est assez classique, avec tout le suspense requis, car il s’agit de protéger cette première naissance. Mais on se laisse entraîner sans problème jusqu’au dénouement final, où le dictateur Xan fait preuve d’une certaine naïveté…

P. D. James née en 1920 à Oxford, est une femme écrivain de romans policiers. « Les fils de l’homme » est sans doute le seul roman d’anticipation qu’elle ait écrit. Un film en a été tiré en 2006, réalisé par Alfonso  Cuarón.

L’homme qui aimait les chiens – Leonardo Padura

L'homme qui aimait les chiens - Leonardo Padura Sous ce titre un peu mystérieux se cache un superbe roman historique. J’ai vraiment beaucoup aimé, que ce soit le sujet ou le style, et les 700 pages sont passées comme une lettre à la poste. Excellent bouquin, passionnant de bout en bout, et avec une très belle couverture en plus ! 😉

Ce roman est l’histoire de l’assassinat de Léon Trotsky par le dénommé Ramón Mercader, de nationalité espagnole, un jour d’août 1940, à Mexico (partie historique)… racontée par un cubain qui a longtemps préféré garder le silence tellement il avait peur des conséquences (partie romancée).

En 1977, ce cubain avait en effet rencontré sur une plage de Cuba un vieil homme se promenant avec deux magnifiques Barzoï ; « L’homme qui aimait les chiens » (puisque c’est de lui dont il s’agit) finit par lui raconter une longue histoire… qui le fascine et l’effraie à la fois : on est à Cuba, et certaines choses ne sont pas permises, comme le révisionnisme historique (enfin remettre en cause l’histoire déjà révisée… comme de dire du bien de Trotski, officiellement traître au stalinisme).

Tout commence pendant la guerre d’Espagne où le jeune Ramón est recruté par les services secret soviétiques, tandis qu’au même moment, Trotski part en exil, sachant pertinemment que Staline le tuera lorsqu’il n’en aura plus besoin, quelles que soient les précautions qu’il prendra. Puis commence l’époque des procès staliniens qui font froid dans le dos : Staline, en bon dictateur, commence ses purges, et Trotski peut encore servir à en justifier certaines. Alors seulement l’inévitable adviendra.

Là où le roman est très fort, c’est justement pare que c’est un cubain qui la raconte. Le personnage a lui aussi connu (et subit) le communisme dans sa jeunesse : quand il se décide à raconter cette histoire, en 2004, beaucoup d’eau a coulé sur les ponts, et il sait de quoi il parle.

Le roman est parfaitement écrit (et traduit), et ce fut un véritable plaisir de le lire. Concernant la vérité historique du roman, le mieux est de laisser Leonardo Padura l’expliquer lui-même dans ses remerciements à la fin du livre :

À l’heure de sa conception, […] alors que nous étions au XXIe siècle et que l’URSS était morte et enterrée, j’ai voulu me servir de l’histoire de l’assassinat de Trotski pour réfléchir à la perversion de la grande utopie du XXe siècle, ce processus où nombreux furent ceux qui engagèrent leur espérance et où nous fûmes tant et tant à perdre nos rêves et notre temps, quand ce ne fut pas notre sang et notre vie.  Et c’est pour cette raison que je m’en suis tenu, le plus fidèlement possible (souvenez-vous qu’il s’agit d’un roman, malgré l’étouffante présence de l’Histoire dans chacune des pages), aux épisodes et à la chronologie de la vie de Léon Trotski, durant les années où il fut exilé, harcelé et finalement assassiné, et que j’ai essayé de conserver tout ce que nous savons avec certitude (en vérité bien peu de choses) de la vie ou des vies de Ramón Mercader, reconstruit(s) en bonne partie au fil de la spéculation à partir de ce qui est vérifiable et de ce qui est historiquement possible ou plausible d’après le contexte. Cet équilibre entre réalité tangible et fiction concerne aussi bien Mercader que de nombreux autres personnages réels qui apparaissent dans le récit romancé — j’insiste, romancé — et construit par conséquent selon les libertés et les besoins de la fiction.

Le livre va sortir en poche dès le mois prochain (collection Points, voir ici) : ça peut valoir le coup d’attendre si vous comptez l’acheter bientôt.

Leonardo Padura est un journaliste et écrivain cubain, né à La Havane en 1955. Il est l’auteur du Cycle Les Quatre saisons, quatre polars avec dans le rôle principal Mario Conde, un flic « hétérosexuel macho-stalinien », alcoolo et désabusé, vengeur des petits et des faibles, que je vais me faire un plaisir de lire.

Le général dans son labyrinthe – Gabriel Garcia Marquez

Le général dans son labyrinthe - Gabriel Garcia Marquez On a beaucoup parlé de Gabriel Garcia Marquez lors de sa mort en avril dernier, et les ventes de « Cent ans de solitude » ont dû augmenter de manière significative. Pour ma part, je l’avais lu il y a longtemps, et j’avais beaucoup aimé, malgré la difficulté à s’y retrouver au fil des générations. 😉

Interrogé à propos de GGM sur France Culture, Alain Finkielkraut avait dit quelque chose de ce genre : quand je range un livre dans ma bibliothèque, il y a deux endroits : celui pour les livres que je ne vais pas relire, et l’autre pour ceux dont je sais que j’y reviendrai un jour. Parmi ces derniers, et concernant GGM, c’est « Le général dans son labyrinthe », qui raconte les derniers jours de Simon Bolivar.

Lorsque je suis passé chez le libraire le commander, il était disponible en poche. Je le commande donc, on attend quelque jours, puis la livraison est annulée ! et bizarrement le livre n’est alors plus disponible qu’en format broché… après discussion avec le libraire, il est bien possible que le format poche ait été « retiré » afin de privilégier un stock d’édition  brochée invendu…

Revenons au livre : je n’ai pas particulièrement aimé, les souvenirs de Simon Bolivar étant un peu trop foisonnants, la légende se mêlant à l’histoire (c’est un roman) avec la concours de la plume de GGM qui ne demande que ça…  Mais aussi et surtout parce que je ne connais pas l’Histoire… ce livre m’a d’ailleurs donné l’envie d’en savoir plus sur le personnage : une biographie de Simon Bolivar doit être passionnante.

Car Simon Bolivar , « El Libertador », a eu une vie incroyable, libérant plusieurs pays d’Amérique du Sud des colons espagnols : Bolivie, Colombie, Équateur, Pérou et Venezuela, rien que ça. Son but ultime était de créer la Grande Colombie, qui regroupait Équateur-Colombie-Panama-Venezuela en un seul pays, afin de mieux résister aux espagnols ou royalistes. Mais le projet ne lui survivra pas.

Ce livre raconte donc ses derniers jours, emplis de mélancolie : le général est malade, à l’article de la mort, voyant son rêve d’unification se déliter doucement, au gré des conflits naissants alors qu’il vient à peine d’annoncer qu’il quitte définitivement le pouvoir. Une longue descente le long du río Magdalena, dont l’issue ne fait guère de doute.

Gabriel Garcia Marquez (1927-2014) est un écrivain colombien. Il reçoit le prix Nobel de littérature en 1982. « Cent ans de solitude » est son chef-d’œuvre, qui lui apporta la célébrité.

Le premier homme – Albert Camus

Le premier homme - Albert Camus Voilà un bout de temps que je m’étais promis de lire des œuvres d’Albert Camus : j’ai bien un vague souvenir du lycée avec « L’étranger », mais c’est bien loin tout ça…

Et pourquoi cette envie ? Albert Camus fait partie des personnes qui ne sont pas souvent trompées avec l’histoire : que ce soit par ses positions sur la guerre d’Espagne ou celle d’Algérie, sa démission du parti communiste quand les camps de travail viennent ternir la belle image de l’idéologie communiste, sa rupture avec Sartre.

D’origine modeste (et revendiquée), Camus reste avant tout attaché à la liberté, et ses actes seront en phase avec ses idées. Enfin, il est d’abord écrivain avant d’être philosophe. Un auteur contemporain à ne pas manquer donc…

Et je commence paradoxalement par son dernier roman, inachevé même puisqu’il y travaillait encore lors de sa mort accidentelle en 1960. La forme finale en aurait sans doute été différente, mais sur le fond, Camus voulait nous faire partager son histoire, celle de sa famille, et son enfance passée en Algérie, même s’il a changé les noms des personnages.

L’histoire démarre par un retour de Jacques Cornery (A. Camus) sur les traces de son père, mort à la première guerre mondiale, né en Algérie, fils de ces premiers colons envoyés là-bas dans les années 1840. La description des conditions dans lesquelles ces colons arrivèrent est d’ailleurs terrible, entre le choléra, les conditions de vie, les bandes arabes, les soulèvements, etc… :

Il avait fallu se secouer devant les soldats qui riaient et s’installer dans les tentes. Les maisons seraient pour plus tard, on allait les construire et puis distribuer les terres, le travail, le travail sacré sauverait tout. [..] « Ah ! les braves gens », disait Veillard qui riait. « Ils ont terminé leurs petites cagnas au printemps, et puis ils ont eu droit au choléra. […] Les deux tiers des émigrants étaient morts, là comme dans toute l’Algérie, sans avoir touché la pioche et la charrue.

Puis Camus nous contera son enfance, à Alger. La famille est très pauvre, le père étant mort ; l’éducation de la grand-mère est très sévère, la mère un peu distante, mais que Camus adore littéralement, et à  propos de laquelle il écrit de très belle pages :

Toute sa vie il l’avait vue retranchée — douce, polie, conciliante, passive même, et cependant jamais conquise par rien ni personne, isolée dans sa demi-surdité, ses difficultés de langage, belle certainement mais à peu près inaccessible et d’autant plus qu’elle était plus souriante et que son cœur à lui s’élançait plus vers elle –, oui, toute sa vie, elle avait gardé le même air craintif et soumis, et cependant distant, le même regard dont elle voyait, trente ans auparavant, sans intervenir, sa mère battre à la cravache Jacques, elle qui n’avait jamais touché ni même vraiment grondé ses enfants, elle dont on ne pouvait douter que ces coups ne la meurtrissaient aussi mais qui, empêchée d’intervenir par la fatigue, l’infirmité de l’expression et le respect dû à sa mère, laissait faire, endurait à longueur de jours et d’années, endurait les coups pour ses enfants, comme elle endurait pour elle-même la dure journée de travail au service des autres, les parquets lavés à genoux, la vie sans homme et sans consolation au milieu des reliefs graisseux et du linge sale des autres, les longs jours de peine ajoutés les uns aux autres pour faire une vie qui, à force d’être privée d’espoir, devenait aussi une vie sans ressentiment d’aucune sorte, ignorante, obstinée, résignée enfin à toutes les souffrances, les siennes comme celles des autres.

On voit ici la puissance d’évocation d’Albert Camus et le talent de l’écrivain…

Il y aussi des pages magnifiques sur l’insouciance des enfants, sous le soleil d’Alger, courant jusqu’à la mer, heureux de vivre jusqu’à l’ivresse. Puis Jacques sera remarqué par son instituteur, obtiendra une bourse qui lui permettra d’aller au lycée et de poursuivre ses études, alors que la grand-mère aurait préféré qu’il gagne sa vie au plus tôt. Quand en 1957, Albert Camus reçoit le prix Nobel de littérature, c’est à son vieil instituteur (après sa mère) qu’il le dédiera.

Un très beau livre donc, dommage que l’auteur n’ait pas eu le temps de terminer complètement, il aurait certainement été encore plus abouti.

Albert Camus (1913-1960) est un écrivain, philosophe, dramaturge français, né en Algérie. Il est aussi journaliste engagé dans  la Résistance française durant la seconde guerre mondiale, et proche des courants libertaires dans les  combats moraux de l’après-guerre.

Solaris – Stanislas LEM

Solaris - Stanislas LEM J’ai toujours aimé la science-fiction, et c’est toujours un plaisir d’y revenir… et avec ce genre de petit bijou encore plus ! Le roman ne date pourtant pas d’hier, paru en 1961 (1966 en France) ; mais c’est un classique, doté de deux adaptations cinématographiques (1972 puis 2002), j’y reviendrai.

On peut traiter de sujets très profonds avec ce genre de littérature : ici, ce serait l’incapacité que nous aurions à simplement communiquer avec une forme d’intelligence radicalement différente quelque part dans l’univers. Et rien n’empêche de porter la réflexion à notre mode de communication, entre individus de la même espèce, ici sur cette terre !

Solaris, c’est donc une planète, tournant autour de deux soleils, et recouverte d’un gigantesque océan protoplasmique qui crée de gigantesques structures à sa surface, tout autant éphémères que fascinantes. Découverte il y a plus de cent ans, elle reste un mystère complet ayant donné naissance à une science : la Solaristique, dont les experts s’évertuent sans succès depuis des années à percer le mystère : c’est l’océan, unique habitant de la planète, qui semble être doté d’une forme d’intelligence… mais comment communiquer avec lui ?

Le roman démarre quand le Dr Kelvin (psychologue) arrive sur la station Solaris, rejoignant trois autres scientifiques déjà sur place ; quelque chose ne va pas, le comportement des scientifiques présents est étrange ; puis une femme apparaît, Harey, dont Kelvin a été amoureux dans le passé, et qui s’est suicidée plusieurs années auparavant… Impossible que ce soit vraiment elle donc… À moins que ce ne soit l’océan qui essaie d’entrer en contact ?

Les scientifiques veulent faire une expérience sur Harey (puisqu’elle n’est pas humaine malgré les apparences). Le Dr Kelvin ne sait ce qu’il  doit faire :

Debout devant la fenêtre, le regard fixe, je n’avais pas vu venir la nuit. Un mince plafond de nuages élevés, coupole argentée reflétant faiblement le soleil disparu, voilait les étoiles.
Si elle disparaît après l’expérience, cela signifiera que je souhaitais sa disparition. Que je l’ai tuée. Non, je ne monterai pas chez Sartorius. Je ne suis pas obligé de leur obéir. Qu’est-ce que je leur dirai ? La vérité ? Non. Je ne peux pas leur dire la vérité. Il faudra jouer la comédie, mentir, encore et toujours… Parce qu’il y a peut-être en moi des pensées, des intentions, des espoirs cruels dont je ne sais rien, parce que je suis un assassin qui s’ignore. L’homme est parti à la découverte d’autres mondes, d’autres civilisations, sans avoir entièrement exploré ses propres abîmes, son labyrinthe de couloirs obscurs et de chambres secrètes, sans avoir percé le mystère des portes qu’il a lui-même condamnées. Leur abandonner Harey… par pudeur ? L’abandonner uniquement parce que je manque de courage ?

Côté cinéma, l’adaptation d’Andrei Tarkovsky (1972) est fidèle au roman et traite le même sujet (avec peu de moyens techniques) ; la version de Steven Soderberg (2002), se concentre quant à elle sur l’histoire d’amour entre Kelvin (interprété par George Clooney) et Harey : ce qui valut la remarque suivante de Stanislas Lem :

…à ma connaissance, le livre ne se focalise pas sur les problèmes sexuels de personnes dans l’espace… En tant qu’auteur de Solaris, je me permets de rappeler que je souhaitais seulement recréer une rencontre avec quelque chose qui existe certainement, sans doute de manière flamboyante, mais qui ne peut être réduit à des concepts, des idées ou des images humains. C’est pourquoi ce livre s’intitule « Solaris » et non pas « L’Amour dans l’espace ».

C’est clair, et c’est drôle ! 🙂

Stanislas Lem (1921-2006) est un écrivain de science-fiction polonais. Ses études de médecine étant interrompues par la seconde guerre mondiale, il devient mécanicien-soudeur, et participe à la Résistance. Son oeuvre est construite autour d’une vision critique du comportement humain, sur l’incommunicabilité entre les humains et les civilisations extraterrestres, et sur le futur technologique de l’humanité.

Lectures, Ubuntu, Smartphone, Cinéma, entre autres…