Après Mémoires d’une jeune fille rangée, je poursuis le récit de sa propre vie que s’est engagée à écrire Simone de Beauvoir. Le premier récit s’arrêtait à l’âge de vingt-et-un ans, celui-ci démarre donc en 1929 et se termine à la fin de la seconde guerre mondiale.
C’est toujours aussi bien écrit, et d’une grande franchise. À tel point que les défauts apparaissent assez facilement, et le personnage que j’avais peut-être idéalisé montre ici d’autres facettes, avec le temps qui passe et l’entrée dans la vraie vie. Son image en prend un sérieux coup !
Il faut dire à sa décharge que l’époque est assez confuse, avec la montée des nationalismes, la guerre d’Espagne, puis la seconde guerre mondiale. Quand on arrive à l’âge adulte dans ce contexte, pas facile de savoir comment l’on aurait soi-même agi…
Dès le prologue, elle annonce toutefois certaines limites à son récit autobiographique (facilement compréhensibles, mais disons « joliment » présentées) :
Cependant, je dois les prévenir que je n’entends pas leur dire tout. J’ai raconté sans rien omettre mon enfance, ma jeunesse ; mais si j’ai pu sans gêne, et sans trop d’indiscrétion, mettre à nu mon lointain passé, je n’éprouve pas à l’égard de mon âge adulte le même détachement et je ne dispose pas de la même liberté. Il ne s’agit pas ici de clabauder sur moi-même et sur mes amis ; je n’ai pas le goût des potinages. Je laisserai résolument dans l’ombre beaucoup de choses.
Avant que la guerre n’arrive (soit pendant dix ans), on observe une grande aptitude (avec Sartre) à se donner des excuses, des justifications, refusant le système mais vivant en petits-bourgeois. Ils ont tous les deux de purs intellectuels se refusant à intervenir dans la vie politique, très égoïstes dans leurs actes, et cherchant surtout à profiter de la vie au maximum (c’est leur droit), mais avec aussi un côté manipulateur (voir plus bas l’histoire avec Olga).
Par exemple, lorsqu’il s’agit de partir en voyage en Allemagne pour rejoindre Sartre, Simone de Beauvoir n’hésite pas à poser un arrêt maladie bidon (Ah l’absentéisme dans l’Éducation nationale ! 😉 )… Et plus tard quand un voyage en Italie est possible, dussent-ils visiter une exposition fasciste organisée par Mussolini, ce n’est pas une raison pour y renoncer :
Cette année-là, Mussolini avait organisé à Rome une « Exposition fasciste » et, pour y attirer les touristes étrangers, les chemins de fer italiens leur consentaient une réduction de 70%. Nous en profitâmes sans scrupule.
Pour faire valider nos billets à prix réduits, il nous fallut nous présenter à l’exposition fasciste. Nous jetâmes un coup d’œil sur les vitrines où étaient exposés les revolvers et les matraques des « martyrs fascistes ».
Pour des intellectuels, c’est assez moyen… Michel Onfray leur reproche beaucoup ce voyage, et jusqu’ici, je ne comprenais pas trop son animosité à l’égard de Simone de Beauvoir. Je la comprends mieux maintenant, puisqu’il met toujours en perspective la vie et l’œuvre du philosophe…
Voici d’autres petites choses que j’ai noté qui la rende moins sympathique, suivis d’extraits relatant l’arrivée de la guerre, moment qui semble l’avoir tout de même amenée à revoir beaucoup de choses :
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