
Dès le début de ce tome 2, Simone de Beauvoir reprend goût à la vie après son petit coup de blues à la fin du tome 1, quand elle voit sa jeunesse lui échapper. La vie étant ce qu’elle est, elle rencontre Claude Lanzmann avec qui elle va retrouver ce qu’elle croyait avoir perdu pour toujours.
Elle obtient en 1954 le prix Goncourt pour Les Mandarins, ce qui la rassure d’une part (son écriture lui a pris 4 ans), et lui apporte un certain confort matériel, elle qui vivait plutôt sur les deniers de Sartre jusqu’à présent (mais sans remord, puisqu’ils partagent tout).
Dans ce deuxième tome, la guerre d’Algérie, qu’elle qualifie de « drame personnel », est omniprésente. C’est donc aussi un excellent rappel des événements qui se sont passés durant cette période (1952-1962), et dont la France ne sort pas grandie. Elle y exprime d’ailleurs la honte qu’elle a ressenti pour son pays et ses concitoyens.
Ce n’est pas de mon plein gré, ce n’est pas de gaieté de cœur que j’ai laissé la guerre d’Algérie envahir ma pensée, mon sommeil, mes humeurs. Le conseil de Camus – défendre, malgré tout, son propre bonheur – personne n’était plus enclin que moi à le suivre. Il y avait eu l’Indochine, Madagascar, le Cap Bon, Casablanca : je m’étais toujours rétablie dans la sérénité. Après la capture de Ben Bella et le coup de Suez, elle s’effondra : le gouvernement allait s’entêter dans cette guerre. L’Algérie obtiendrait son indépendance : mais dans longtemps. À ce moment où je n’entrevoyais plus la fin, la vérité de la pacification acheva de se dévoiler. Des appelés parlèrent ; des renseignements affluèrent : conversations, lettres adressées à moi, à des amis, reportages étrangers, rapports plus ou moins secrets que de petits groupes diffusaient. On ne savait pas tout, mais beaucoup, mais trop. Ma propre situation dans mon pays, dans mon monde, dans mes rapports à moi-même s’en trouva bouleversée.
Cela va l’amener à s’impliquer beaucoup plus politiquement, on la découvre d’ailleurs très à gauche, et clairement contre les bourgeois et leur bien-pensance. Mais « après l’après-guerre », ce sont pourtant bien eux qui ont gagné, avec l’atlantisme.
Coïncidence, je lisais ce récit alors qu’à la TV débutaient les hommages au général de Gaulle (pour le 50ème anniversaire de sa mort) : le contraste était grand avec les amères critiques de Simone de Beauvoir à son égard. Car si de Gaulle revient au pouvoir en 1958 et accorde l’indépendance à l’Algérie en 1962, entre ces deux dates, il laissera faire bien des choses et il y aura beaucoup de morts, que ce soit en Algérie ou en France, par l’armée, l’O.A.S. ou la police.
Le livre ne se limite pas pour autant à la guerre d’Algérie, il y a aussi ses récits de voyages qui sont toujours aussi intéressants, à Cuba d’abord où Castro vient de prendre le pouvoir, mais aussi au Brésil, dont elle nous fait un long récit passionnant.
Elle termine ce livre par un dernier voyage en U.R.S.S. (alors sous Khrouchtchev), dont elle dresse un portrait sans doute un peu trop optimiste sur l’avenir du communisme, à l’époque en pleine déstanilisation. Comme quoi on peut être philosophe sans être visionnaire pour autant !
Revoyons un peu tout cela, avec quelques extraits :
Continuer la lecture… La force des choses T2 – Simone de Beauvoir









