Le Loup des mers – Jack London

Je continue mon exploration de Jack London, avec son deuxième succès, publié en 1904, un an après l’Appel de la forêt.

Quand Humphrey Van Weyden, jeune homme distingué, prend le ferry pour traverser la baie de San Francisco, il est loin d’imaginer qu’à la suite d’un naufrage, il va se retrouver sur une goélette partant chasser le phoque au large du Japon et refusant de le ramener à terre !

Pire que cela, le capitaine du navire, Loup Larsen, se révèle être un personnage dangereux, colosse doué d’une force et d’une agilité peu commune, régnant par la terreur ; il n’est pas aussi rustre qu’il n’y paraît car ayant beaucoup lu mais considère la vie comme un simple processus de survie, où c’est le plus fort qui gagne (la sélection naturelle de Darwin et le thème nietzschéen du surhomme, tous deux présents dans Martin Eden, écrit plus tard). L’intellectuel de bonne famille croie lui au caractère sacré de toute vie humaine ; il va être obligé de se forger un caractère, des muscles, et de se plier aux fortes contraintes de la vie de matelot (métier très dur à l’époque).

On croit que l’on va s’ennuyer dans ce huit-clos en pleine mer, mais le récit reste captivant, tant Loup Larsen se révèle clivant et hors du commun, et malgré tout attiré par les discussions intellectuelles qu’il peut avoir avec Humphrey. Il y a du Joseph Conrad dans ce roman, tant l’aspect psychologique des différents personnages est habilement décrit, au gré des événements souvent contraires qui surviennent.

J’ai moins aimé la deuxième partie du roman, quand Maud Brewster est à son tour récupérée en pleine mer, et dont Humphrey va vite tomber amoureux… L’histoire perd de sa force et de sa crédibilité pour arriver à un happy-end un peu mièvre.

Jack London (1876-1916) est un écrivain américain dont les thèmes de prédilection sont l’aventure et la nature sauvage. Il a connu le succès après des années de pauvreté, de vagabondage et d’aventures. Ce roman est inspiré d’une campagne de chasse aux phoque à laquelle Jack London participa en 1893.

Retour de service – John Le Carré

Conseillé par mon ami Patrice, qui lit beaucoup, mais souvent des trucs que je ne lirais pas ! Bon, on se retrouve tout de même de temps en temps sur certains titres ou auteurs…

Alors forcément, John Le Carré, grand maître du roman d’espionnage et de la guerre froide, je me suis dit qu’il était temps de découvrir cet auteur, décédé en 2020 à l’âge de 89 ans. Ce roman est d’ailleurs le dernier publié de son vivant, d’autres posthumes sont à venir… 🙄

J’ai bien aimé celui-ci, d’abord parce que mes intuitions se sont révélées exactes (c’est toujours plaisant dans un polar), mais surtout pour l’atmosphère « post Brexit », et l’impact de dirigeants comme Boris Johnson, Poutine ou encore Trump. Bref le côté époque actuelle est bien plaisant, et fait prendre conscience que les auteurs de romans d’espionnage d’aujourd’hui peuvent se frotter les mains : si la guerre froide est finie depuis longtemps, cette nouvelle ère de tensions qui s’annonce offre des perspectives infinies ; alliées aux nouvelles technologies (assez absentes de ce roman), il y a de quoi faire !

Car pour le reste, le récit reste très « british » et le style un peu désuet, sans pour autant jamais devenir ennuyeux. Nat, espion britannique pratiquement à la retraite, et passionné de badminton (d’où le titre), va se retrouver impliqué dans une sale affaire d’agent double. L’occasion pour l’auteur de nous fournir une belle leçon de géopolitique de ce nouveau monde : l’Angleterre ayant quitté l’Europe, coincée entre le grand frère américain dirigé par Trump, et la Russie de Poutine et ses oligarques bien implantés dans la City… Tout se passe de manière très soft, et on parle plus de hiérarchie, de carrière, et des différentes organisations censées travailler ensemble mais aux intérêts parfois divergents…

John Le Carré (1931-2020) est un auteur de romans d’espionnage britannique, ayant auparavant travaillé pour le MI5 et le MI6. Son troisième roman, L’espion qui venait du froid (1963), est devenu un best-seller mondial.

L’Appel de la forêt – Jack London

Ce petit roman est le véritable premier succès de Jack London, publié en 1903.

Il raconte l’histoire de Buck, un gros chien qui coule des jours heureux en Californie quand il est enlevé à son maître et vendu comme chien de traîneau en Alaska. Il va lui falloir apprendre à se défendre dans un monde hostile, que ce soit avec les hommes ou les autres chiens.

Petit à petit, Buck va s’imposer face aux autres chiens, se détacher des hommes après la mort d’un maître qui le respectait, et ressentir un appel plus puissant encore, plus atavique, celui des loups, dont il deviendra chef de meute.

Roman très plaisant à lire, et que l’on peut prendre comme une allégorie où l’homme doit s’adapter à un monde violent s’il veut survivre. Et certainement ressentir l’appel des grands espaces comme Jack London.

J’ai par contre regardé le film de Chris Sanders (2020) qui en a été tiré, et c’était une horreur : mélange de vues réelles et de numérisation (Buck par exemple), tout y est caricaturé, pluie de bons sentiments façon Disney, histoire modifiée pour rajouter des ficelles plus grosses les unes que les autres… Il y a même Omar Sy, c’est pour dire le sérieux de l’adaptation !

Jack London (1876-1916) est un écrivain américain dont les thèmes de prédilection sont l’aventure et la nature sauvage. Il a connu le succès après des années de pauvreté, de vagabondage et d’aventures. Il ne faut le réduire à un écrivain pour adolescents avec ses succès « L’Appel de la forêt » ou « Croc-Blanc », son œuvre est beaucoup plus vaste et aussi politiquement engagée.

Martin Eden – Jack London

C’est le récit le plus autobiographique de Jack London, l’histoire d’un jeune homme pauvre mais qui a déjà roulé sa bosse, et qui tombe amoureux de Ruth, une jeune fille de bonne famille. Doué d’une force de caractère et de travail peu commune, Martin Eden va devoir tout apprendre : parler correctement, se cultiver, lire et encore lire ; il est plein d’une énergie folle et vite persuadé de réussir comme écrivain, pour à terme mériter l’amour de Ruth.

Le récit jusqu’alors assez romanesque bascule dans autre chose et devient passionnant : Martin se révèle un intellectuel de haut niveau, et se rend compte que derrière cette bourgeoisie idéalisée, qui a pu recevoir une bonne éducation, se cache un conventionnalisme béat sans aucune idée réelle de ce qu’est la culture. Seules les conventions comptent, et d’ailleurs entre-temps, Ruth l’a rejeté puisqu’il refuse de chercher une situation stable. Lui est plutôt attiré par les théories évolutionnistes, et par les théories de Nietzsche qui prêche l’individualisme.

Obligé un temps de travailler comme blanchisseur pour gagner sa vie, la description en est ahurissante : un travail harassant du matin jusqu’à tard le soir, qui l’abrutit au sens premier du mot : il est alors incapable de lire quoique ce soit, il devient une véritable bête de somme… Et finit par commencer à boire le week-end, seule façon de s’offrir l’illusion d’échapper quelques heures à ce cauchemar. Moment fort de l’histoire, et qui montre bien le sort des travailleurs de l’époque, et l’incapacité de se sortir de ce cercle infernal.

Le succès va finir par arriver, au moment où Martin a décidé de ne plus écrire. Sa vision du monde change alors à nouveau, il devient célèbre (en envoyant aux éditeurs tous ses écrits précédemment rejetés), mais il est revenu de tout et ne croit plus en rien. La fin du récit est d’une grande force, et il n’y aura pas de « happy end ».

Un très bon roman, qui démarre doucement et termine très fort !

Jack London (1876-1916) est un écrivain américain dont les thèmes de prédilection sont l’aventure et la nature sauvage. Il a connu le succès après des années de pauvreté, de vagabondage et d’aventures. Il ne faut le réduire à un écrivain pour adolescents avec ses succès « L’Appel de la forêt » ou « Croc-Blanc », son œuvre est beaucoup plus vaste et aussi politiquement engagée. D’ailleurs Jack London prétend que Martin Eden est plus une attaque contre Nietzsche et son individualisme qu’un roman autobiographique !

La route – Jack London

C’est ma sœur Dominique qui m’a parlé à maintes reprises de cet auteur à la vie incroyable, dont j’avoue être passé un peu à côté (j’ai du lire Croc-Blanc à l’adolescence, je n’en ai aucun souvenir).

J’ai donc fait ma petite sélection parmi ses œuvres, et décidé de commencer par celui-ci, où Jack London nous raconte ses aventures de hobo (sorte de vagabond, ou travailleur sans domicile) pour nous en expliquer les bases, ce qu’il faut faire, ou éviter… Un témoignage intéressant de l’époque.

Connu en France sous le titre « Les vagabonds du rail », son titre original « The road » a inspiré Jack Kerouac pour son célèbre « On the road ».

Dès le premier chapitre, il nous démontre qu’il est un beau parleur, car pour mendier, il faut savoir inventer une histoire dès la première seconde, et pas une histoire que l’on raconte tout le temps et à tout le monde, mais une histoire adaptée à votre interlocuteur, qui va le faire flancher… En une fraction de seconde, au premier regard, il faut être capable d’inventer une histoire propre à arriver à ses fins ! Du coup, en lisant son récit, je me demandais quelle était la part de vérité ! 😉

La mendicité, il en a honte au début, puis finit par la voir comme un exercice intellectuel :

De ma vie je n’avais encore tendu la main ; ce fut la plus dure épreuve dont j’eus à souffrir en partant sur le trimard. Sur ce chapitre j’avais des notions absurdes. D’après ma philosophie, il était plus digne de voler que de demander l’aumône : le vol était plus noble, parce que le risque et le châtiment étaient proportionnellement plus grands. En tant que pilleur d’huîtres, j’avais déjà récolté des condamnations qui m’eussent valu, si j’avais dû les purger, un séjour d’un millier d’années dans les prisons d’État. Voler était un acte viril ; mendier était sordide et méprisable. Mais je devais modifier plus tard cette façon de voir ; je finis par considérer la mendicité comme une joyeuse farce, une aimable plaisanterie, une gymnastique de l’audace.

L’époque est difficile, sans travail, avec cette incroyable histoire que celle de l’armée du « général Kelly », 2000 hommes traversant le pays, que Jack London a suivi quelque temps. Voilà ce que nous apprend sur cet épisode Jean-François Duval dans son excellente postface :

Durant les années 1893-1894, les États-Unis traversaient une crise économique telle qu’ils n’en connaîtront plus avant 1929. Rarement dans l’histoire de ce pays, on aura vu autant de vagabonds: ils sont des millions. Bon nombre d’entre eux, pleins d’espoir, s’étaient dans les années de prospérité rués vers l’Ouest : la fortune était au bout du chemin, et en effet du travail les y attendaient. Mais tout à coup, les voilà chômeurs, c’est le temps du reflux, du retour vers l’Est, d’une immense désillusion. Le 25 mars 1894, à l’initiative d’un petit industriel idéaliste de l’Ohio, Jacob S. Coxey, un mouvement se crée qui veut contraindre le gouvernement fédéral à réagir. Coxey projette une marche sur Washington qui doit réunir cent mille chômeurs. Le nombre sera loin d’être atteint, mais cette pétition « portant bottes aux pieds » va tout de même prendre une ampleur spectaculaire dont la presse fera ses gros titres : elle réclame le lancement d’un programme de travaux publics et l’affectation de fonds à la construction de routes. Répondant à cet appel, des milliers de sans-emploi et d’exclus rejoignent des « armées industrielles » qui surgissent spontanément dans les États de Californie, d’Oregon, de Washington, d’Idaho, du Montana, dirigés par des leaders s’autoproclamant « généraux ». […] Ces troupes qui se déplaçaient […], procédaient dans l’ensemble avec discipline, ordre, respect des lieux traversés. Dans certaines villes, elles sont accueillies et saluées par curieux, sympathisants, comité de soutien et détachements de police ; dans d’autres – c’est fonction de la sensibilité politique du coin -, l’inquiétude des autochtones est manifeste et l’on se réjouit de voir ces milliers d’importuns déguerpir – d’autant qu’il s’agit d’assurer leur ravitaillement gratis. Alors que les responsables des compagnies de chemins de fer en appelent à la police ou à l’armée pour expulser les hobos des trains de marchandises qu’ils ont réquisitionnés, la population locale, elle, voudrait au contraire les y maintenir ou les y remettre pour les voir repartir aussi vite qu’ils sont arrivés !

On voit même dans le récit de London que des trains sont affrêtés spécialement pour se débarrasser des hobos, aux frais de la ville !… Bref, un petit récit sans prétention et bien sympathique.

Jack London (1876-1916) est un écrivain américain dont les thèmes de prédilection sont l’aventure et la nature sauvage. Il a connu le succès après des années de pauvreté, de vagabondage et d’aventures. Il ne faut le réduire à un écrivain pour adolescents avec ses succès « L’Appel de la forêt » ou « Croc-Blanc », son œuvre est beaucoup plus vaste et aussi politiquement engagée.

Trois romans de Marc Behm

Pour la plage, rien ne remplace un bon polar format poche ! En tout cas, l’édition Quarto que je lisais normalement (voir article précédent) n’était certainement pas appropriée ! Du coup, j’ai commencé par un Marc Behm choisi dans ma bibliothèque, puis un autre et enfin le dernier de ma collection… J’avais gardé un bon souvenir de ces polars à l’époque (il y a bien longtemps), de quelque chose d’original.

Les 3 romans de Marc Behm de ma bibliothèque

Bon, ce ne fut pas si génial que ça, et l’on est effectivement loin des polars classiques ! Les trois romans ont des points communs, comme celui du personnage solitaire emporté dans une sorte fuite en avant, ou encore la mort, omniprésente et obsessionnelle, et pas forcément définitive. L’auteur imprime sa marque, son amour de Shakespeare, des grands classiques de l’Opéra par des citations… L’ensemble est assez atypique, pas déplaisant, pas génial non plus.

La Reine de la nuit, c’est l’histoire d’Edmonde, jeune allemande dont le père vient de mourir, mais dont elle sent toujours la présence à ses côtés. Née en 1915, Edmonde va être entraînée dans la montée du nazisme, fréquentant presque par hasard le petit groupe qui dirigera le Reich. Elle-même ne croit à rien, tout les hommes qu’elle croise ne sont pour elle que des « cochons d’enculés »… et toutes les femmes de potentielles partenaires sexuelles (Eva Braun comprise). Elle qui ne demandait rien d’autre que de « faire de longues promenades avec mon père, tous les deux, côte à côte » se retrouvera membre des S.S., et finira tout de même sur l’échafaud, après une longue errance erotico-délirante.

Trouille, c’est l’histoire de Joe Egan, qui a la particularité de voir la mort arriver sous la forme d’une femme habillée tout en noir. Dès lors, il passe sa vie à fuir, toujours à l’affût, prêt à disparaître, persuadé qu’elle est à sa recherche. Et à la fin, qui gagne ? C’est le meilleur des trois à mon avis, et sans doute celui qui m’avait laissé cette bonne impression.

Crabe, c’est l’histoire de Lucy, démon sous la forme d’une jeune femme chargée de collecter les âmes de ceux dont la vie est arrivée à terme. Lors de vacances à Paris, elle se trouve aux prises avec un autre démon, qui se révèle puissant et dangereux. L’histoire avec un grand H va alors s’incruster dans le récit, avec le grand Hannibal Barca qui franchit les Alpes sans jamais prendre Rome. Vous saurez ici pourquoi ! Un indice sur sa page wikipedia ? en phénicien Hanni-baal signifie « qui a la faveur de Baal ».

Marc Behm (1925-2007) est un écrivain de roman policier et un scénariste américain, ayant vécu à Paris. Il est également l’auteur de Mortelle Randonnée, porté à l’écran par Claude Miller, avec Isabelle Adjani et Michel Serrault. Roman par ailleurs recommandé par Jean-Patrick Manchette dans ses Chroniques, gage de qualité ! Il faudrait que je lise celui-là du coup…

Aventures heureuses – Jean-Christophe Rufin

Je n’avais jamais rien lu de cet auteur, alors quand j’ai vu cette belle édition chez Quarto, classée sous la rubrique « Voyage » chez le libraire, ça m’a forcément donné envie.

JC Rufin, médecin de formation, a été l’un des pionniers de Médecins sans frontières. Il a également eu une carrière dans les ministères et la diplomatie (ambassadeur de France au Sénégal).

La couverture est belle avec cette ancienne carte du monde, le recueil sous-titré « Romans historiques »… Le titre lui-même me faisait penser à La mort en Arabie de Thorkild Hansen, puisque l’on appelait l’actuel Yemen « L’Arabie heureuse » à l’époque des Lumières. Enfin, sur le quatrième de couverture, un extrait de l’avant-propos de l’auteur précise :

À eux quatre, ces romans constituent une sorte de fresque qui, du XVe au XVIIe siècle, développe un même thème, celui de la rencontre des civilisations. Ils restituent autant d’étapes de la dramatique collision de l’Europe avec d’autres peuples, d’autres mémoires et d’autres pensées. Ils forment une longue chronique des malentendus, des occasions manquées, des incompréhensions qui ont abouti à la situation contemporaine.

Pour moi, c’était sûr, j’allais partir dans un récit historique et apprendre plein de choses. Ce ne sera que (très) partiellement vrai, et une déception, ceci dès le premier roman. L’auteur est un adepte du roman d’aventure romanesque, avec des héros solaires auxquels on sait immédiatement que rien ne fâcheux ne peut arriver. C’est bien écrit, et même soigné, parfois un peu trop, très fluide, on tourne les pages et les péripéties qui se suivent sont aussi vite résolues.

Alors certes, la trame générale de chaque roman correspond à des faits qui se sont réellement passés, et qui méritent d’être contés. L’auteur s’est documenté et le contexte est fidèlement rendu, mais le besoin d’y mettre au centre une histoire d’amour et d’en faire la trame principale de l’histoire en retire beaucoup d’intérêt. C’est un avis personnel, apparemment l’auteur a de nombreux lecteurs enthousiastes, a obtenu le prix Goncourt pour Rouge Brésil, et il a comme on dit trouvé son public (ce qui semble important pour lui).

Attention, tout n’est pas négatif loin de là, j’ai surtout été trompé par cet avant-propos de l’auteur, un peu prétentieux je trouve : la coquille est belle, mais elle m’a parue vide. Il s’agit de littérature grand public, et ce n’est pas un hasard. Voilà ce que dit l’auteur :

Je trouve que le mainstream, le fait d’écrire pour un grand nombre, est quelque chose de respectable. C’est aussi une transgression sans doute peut-être. En France en tout cas, le mainstream est un peu mal vu. Or, je crois qu’on peut être exigeant, on peut essayer d’écrire le mieux possible et d’exprimer les choses le plus profondément possible tout en les rendant accessibles à un grand nombre. Je n’ai pas la coquetterie de me dire que moins je suis lu, meilleur c’est, ou autre. Cela ne veut pas dire non plus qu’être très lu veut dire que c’est très bon. Ce n’est pas aussi simple. C’est, à mon sens, un défi considérable de pouvoir être lu par beaucoup en essayant de conserver cette qualité, enfin, une qualité en tout cas.

Je respecte, mais je trouve que c’est au détriment du fond.

Petite déception aussi donc pour cette édition Quarto, qui m’avait habitué à plus de qualité. Chaque roman est suivi d’une partie « Accueil de la presse et réception de l’œuvre ». On y trouve beaucoup d’éloges, l’un des articles compare même JC Rufin à Joseph Conrad !! Je peux vous assurer qu’on en est très loin, autant par la forme que par le fond. Quant aux préfaces de chaque roman, je les ai trouvé sans grand intérêt, et toujours promptes à dévoiler l’intrigue du roman que l’on s’apprête à lire. Par contre, les autres textes de l’auteur qui suivent les romans sont intéressants, tout comme les entretiens et conférences qui viennent ensuite, ainsi que les repères biographiques qui retracent l’itinéraire tout de même remarquable de J.-C. Rufin.

Voyons tout de même un peu de quoi chaque histoire retourne, notamment le fait historique choisi :

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KVM : Partager un dossier et le presse-papier entre la machine hôte et l’invité

Quand on utilise des machines virtuelles (VM), il vient toujours un moment où l’on a besoin de partager des fichiers avec la machine hôte. C’est à peu près aussi indispensable que le copier/coller…

Je pensais que ce serait fait nativement avec KVM, mais ce n’est pas le cas, il y a un peu de configuration à faire.

Dans cet article, je me limite à une machine hôte/host Linux (mon PC sous Debian en fait) ; pour la machine invitée/guest (la VM donc) je traiterai les deux cas : Linux et Windows. En clair, je me limite à mon environnement ! 😉

Voir cet article pour l’installation de KVM sur le PC Linux. On y installe le gestionnaire de machines virtuelles virt-manager parmi les autres paquets nécessaires : c’est l’interface graphique pour gérer les VMs, et l’on va s’en servir ici.

Je me suis basé sur cette page pour écrire cet article (Host & Guest Linux), qui utilise les solutions natives intégrées à KVM (virtio-9p). Pour les Guest Windows), ça a été plus compliqué car il existe plusieurs solutions comme celle-ci qui essaie d’utiliser virtio sur Windows via webdav… Mais ça m’a eu l’air peu fiable et problématique, et j’ai préféré utiliser Samba sur l’hôte, beaucoup plus simple à mettre en œuvre.

Et tant que j’y suis, je termine avec le copier-coller, autre fonctionnalité bien pratique quand on utilise une VM.

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Les frères Ashkenazi – Israël Joshua Singer

Livre commandé suite à l’émission quotidienne de François Busnel « La p’tite librairie », où il recommande la lecture d’un roman, souvent au format poche. Pour celui-ci, la commande du libraire mit plusieurs mois à être livrée, le roman étant en cours de réédition… peut-être grâce à François Busnel ?

C’est l’histoire de Simha et Yakov, deux frères que tout oppose, faux jumeaux, et aussi différents l’un de l’autre physiquement qu’intellectuellement. À travers leurs vies, c’est l’histoire de la ville de Lodz en Pologne qui est contée, depuis la révolution industrielle jusqu’à la Grande Guerre et la Révolution russe. La population se divise alors entre polonais, émigrants allemands, et la communauté juive.

Les métiers à tisser manuels vont être petit à petit remplacés par des machines, et d’immenses usines vont faire leur apparition. La pauvreté est terrible, les ouvriers exploités et laissés dans la misère, qu’ils soient polonais, allemands ou juifs. Pourtant, des opportunités se présentent à qui veut ou sait les prendre.

La première moitié du roman est une plongée dans le monde juif et ses traditions, avec ceux qui veulent les suivre à la lettre, et les autres prêts à les oublier pour s’adapter au monde moderne qui arrive à grands pas. Différents courants traversent la communauté : les orthodoxes qui rejettent le changement, ceux croyant aux Lumières et au progrès, et même les premiers révolutionnaires marxistes… Simha, renfermé, très intelligent mais dévoré par l’ambition, va se jeter à corps perdu dans une ascension sociale qu’il désire plus que tout, quand Yakov, d’un naturel aimable et bon vivant, semble béni des dieux et attirer la réussite à lui sans effort.

Mais la grande Histoire va vite rattraper la petite, et le roman prendre une autre dimension après cette première partie consacrée à la famille Ashkenazi. Affamés, le premier mouvement de révolte des ouvriers sera vite et durement réprimé, et les juifs déjà les victimes d’un pogrom par les ouvriers chrétiens enivrés. Ce sera dès lors récurrent de les voir devenir les boucs émissaires des crises qui vont se succéder, quel que soit l’occupant ou le régime. Les polonais, qu’ils soient de la noblesse, ouvriers ou paysans, les méprisent ; l’occupant russe et les terribles cosaques ne feront guère mieux, tuant et pillant leurs biens sans vergogne. C’est assez frappant et terrible à la fois, de voir comment cette communauté sera systématiquement stigmatisée.

Il ne manque que les repères historiques à ce livre pour en faire une grande fresque : aucune date n’est donnée, et même Lénine est appelé « Le petit homme chauve et trapu »… La première partie consacrée à la famille et au monde juif de l’époque est toutefois un peu longuette, on est vraiment dans la « petite histoire ». Mais cela reste un bon roman, bien écrit, plaisant à lire, et qui rappelle bien la misère de la condition ouvrière au début de l’industrialisation, et le terrible destin des juifs, boucs émissaires systématiques de l’histoire. Le roman s’arrête avant la seconde guerre mondiale, qui verra la quasi extermination des juifs polonais par les allemands.

Israël Joshua Singer (1893-1944) est un écrivain yiddish. Il était le frère aîné de Isaac Bashevis Singer et le frère cadet d’Esther Kreitman. Il fut d’abord journaliste en Pologne, puis émigra en 1934 aux États-Unis.

Au doigt et à l’oreille – Ross Thomas

Un polar de la série noire, sans doute noté lors de la lecture des chroniques de Jean-Patrick Manchette. Le roman est de 1981, ça date un peu, pourtant le thème est un classique toujours pas démodé : la C.I.A. et ses agents douteux voir corrompus…

C’est pourtant un terroriste nommé Félix qui se fait assassiner au début de l’histoire. Mais les Lybiens le prennent très mal, car c’était un ami du colonel Mourabet, successeur de Khadafi, mort d’une crise cardiaque provoquée par un accès de rage ! 😆

Les Lybiens sont persuadés que ce sont les américains qui sont derrière ce qu’ils pensent encore être un simple enlèvement, et organisent les représailles en enlevant le frère du président : le deal est clair. Il va s’en suivre une course poursuite, entre la C.I.A., un agent « spécial » agissant au nom du président, et les véritables auteurs de la mort du fameux Félix.

Même si la lecture est plaisante, je n’ai pas trouvé là un grand polar. Le style est lapidaire, concentré sur l’action, les scènes s’enchaînent sans répit et l’on s’achemine vers un dénouement tout de même aussi peu crédible que sans surprise.

Bon, ce roman n’a pas été traduit par Manchette mais par G.A. Louedec. Jean-Patrick Manchette ne traduira (plus tard) que trois des romans de Ross Thomas :

  • Out On The Rim (1987) sous le titre La Quatrième Durango (1991).
  • The fourth Durango (1989) sous le titre Crépuscule chez Mac (1993).
  • Voodoo, Ltd (1992) sous le titre Voodoo, Ltd (1999).

Si l’on en croit Wikipedia (voir ci-dessous) , cela peut valoir le coup de se pencher sur ces derniers romans.

Ross Thomas (1926-1995), est un auteur américain de romans policiers, qui publie aussi sous le nom de Oliver Bleek. Spécialiste du thriller politique à ses débuts, son style s’affirme sur le tard. Ses personnages se font alors grinçants, ses intrigues se concentrent sur l’arnaque, ce qui emporte notamment l’adhésion de Jean-Patrick Manchette, qui traduira en français plusieurs de ses dernières œuvres.

Lectures, Ubuntu, Smartphone, Cinéma, entre autres…