Affliction – Russel Banks

Russel Banks nous a quitté il y a peu, cela a été l’occasion de me rappeler que j’avais ce livre dans ma bibliothèque depuis des années sans l’avoir lu… alors que je suis fan de cet auteur ! Allez comprendre… C’était ma sœur qui me l’avait donné, et je ne sais pas si c’est la couverture (j’ai du prendre une photo, c’est une vieille édition, elle a heureusement été changée depuis), ou le titre qui m’avait fait reporter sa lecture à plus tard puis à oublier ce livre.

Bien m’en a pris d’enfin le lire, car j’ai été happé par l’histoire de Wade, cet homme blanc américain (WASP) du New Hampshire, qui paraît un peu frustre au début de l’histoire, mais que le narrateur (son frère, l’intellectuel de la famille) va nous faire découvrir peu à peu, nous amenant à comprendre pourquoi Wade est comme il est, avec ses qualités et ses défauts : l’américain moyen dont Banks dénonce les valeurs bien sûr, mais aussi un homme marqué par son enfance et qui prend ses décisions sur un coup de tête, totalement dominé par les émotions contradictoires qui s’agitent en lui.

Bien malin qui peut deviner comment l’histoire va se terminer, même si l’on a compris que ce sera de façon dramatique, et le frère intello n’est à mon avis pas si innocent que ça dans ce dénouement… Voilà un petit extrait qui je trouve décrit bien les courants contradictoires qui agitent Wade :

Il savait qu’au fond de son cœur existait de l’amour — un amour pour Jill aussi cohérent et pur que de l’algèbre ; peut-être aussi de l’amour pour Margie ; et pour maman, cette pauvre maman qui maintenant était morte et à jamais loin de lui ; et, malgré tout, de l’amour pour Lillian : de l’amour pour les femmes — mais il avait beau essayer dans tous les sens, il n’arrivait pas à organiser sa vie de manière à faire fond sur cet amour. Il y avait tous ces autres sentiments troubles et pleins de haine qui se mettaient sans cesse en travers, sa rage, sa peur et tout simplement sa détresse.Si d’une façon ou d’une autre il arrivait à balayer tout ça d’un geste énorme et violent, comme d’un coup de patte d’ours, il était certain qu’il aurait alors la liberté d’aimer sa fille. Il pourrait enfin être un bon père, un bon mari, un bon fils et un bon frère. Il deviendrait un homme bon. Et bien sûr il ne désirait rien de plus. Être un homme bon. Il imaginait cet être-bon comme un état qui vous conférait la puissance et la clarté à chaque moment de votre vie quotidienne. Il descendit lentement les marches, entra dans la camionnette et démarra. Il recula, puis il prit Clinton Street vers l’ouest. Il allait chercher sa fille.

Un très bon roman, du coup je me replonge dans Russel Banks, je vais relire les romans que j’avais aimé à l’époque, en commençant par « Continents à la dérive »… puis « Sous le règne de Bone ».

Autres romans de Russel Banks sur ce blog :

Russel Banks (1940-2023) est un écrivain « progressiste » américain (dixit wikipedia). Il était actif politiquement, prenant par exemple position contre l’intervention en Irak, ou le Patriot Act. « Affliction » a été porté à l’écran par Paul Shrader (1997) : le film est fidèle au roman, presque trop, les événements s’enchaînent sans prendre le temps de bien comprendre la personnalité de Wade alors que c’est tout le sel du roman… Un autre roman, « De beaux lendemains » a été adapté au cinéma : l’histoire de cet accident de car scolaire, où un avocat va s’acharner à trouver un responsable pour obtenir des dommages et intérêts (1997), plus abouti si je me rappelle bien.

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