J’avais bien aimé Le quatrième mur du même auteur, et l’histoire de cette colonie pénitentiaire pour mineurs à Belle-Île-en-mer m’a intéressé.
Tout est basé sur des faits réels, cette ancienne prison (2000 communards y seront enfermés) est transformée en 1880 pour faire partie des 35 « colonies pénitentiaires agricoles et maritimes » créées par le gouvernement de la Troisième République pour lutter contre la délinquance juvénile.
La discipline y est extrêmement sévère, et la violence physique et psychologique exercée sur les enfants omniprésente (même si elle est interdite par les règlements). Un soir, au réfectoire, un enfant croque dans son fromage avant de manger sa soupe, un gardien en profite pour le frapper, et c’est le début d’une révolte violente d’une centaine d’enfants, dont une bonne moitié en profitera pour s’évader.
La recherche des fuyards est lancée, et la population locale y participe (20 francs de récompense par enfant retrouvé). Jacques Prévert se trouve à ce moment en vacances sur l’île, et écrira un poème intitulé « La chasse aux enfants ». Tous seront repris, on ne s’échappe pas si facilement d’une île.
Sorj Chalandon s’est donc inspiré de cette histoire en imaginant qu’un enfant n’est pas retrouvé. Il s’appelle Jules Bonneau, dit La Teigne, et ce n’est pas usurpé. La violence est devenue son unique moyen d’expression, il le revendique et reste dangereux à tout moment, même quand il reçoit de l’aide. À tel point qu’il est difficile de s’attacher au personnage au fil de la lecture, par ailleurs assez prenante.
C’est donc l’histoire d’une rédemption difficilement acquise, et description d’un bagne pour enfant à Belle-Île (comme certains l’ont appelé), à l’entre deux-guerres, pas si lointain que ça et terriblement indigne ! L’auteur y intègre habilement des personnages avec chacun leur propre cause : Ronan le pêcheur breton, Sophie l’infirmière « faiseuse d’anges », Alain le communiste, et Panxto le basque.
Sorj Chalandon (né en 1952) est un journaliste et écrivain français. Reporter de guerre, il a obtenu le prix Albert-Londres en 1988 pour ses reportages dans Libération. Depuis 2009, il est journaliste au Canard enchaîné. Ce livre a reçu (entre autres) le prix Goncourt des lycéens 2013.
L’histoire de cet établissement pénitentiaire a sa page wikipedia.