Livre prêté par des amis, j’avais gardé une très bonne impression de la biographie de Lester Bangs, un critique rock. L’idée de me plonger dans l’histoire des Rolling Stones n’était donc pas pour me déplaire.
En général j’aime bien les biographies, mais ici il s’agit d’une auto-biographie, celle de Keith Richards, cofondateur avec Mick Jagger, Brian Jones et Ian Stewart des Rolling Stones, le célébrissime groupe rock. Et c’est plutôt sa propre histoire que Keith raconte, avec une certaine franchise (à défaut de lucidité), mais aussi beaucoup d’estime personnelle ! 😯 Eh oui, c’est une rock star, et son contact avec la réalité est manifestement altéré par la vie qu’il a mené.
Non seulement cela, mais en plus d’être indéniablement un guitariste dans l’âme, il a aussi été un junkie, accro à l’héroïne pendant une bonne quinzaine d’années, et cela occupe un bon tiers du bouquin. Son message à ce sujet est d’ailleurs très ambigu, puisqu’on peut le résumer à « n’en prenez pas, moi j’avais de la super qualité, c’est pour ça que j’ai tenu, et puis j’ai toujours contrôlé mes doses… ». 🙄
Côté style littérraire, ce n’est pas vraiment génial. Il s’est pourtant fait aidé par James Fox, un journaliste, qui l’a interrogé pendant cinq ans… Il y manque un rythme de narration, un vrai récit, car c’est plutôt une juxtaposition de souvenirs, les changements de paragraphe sont parfois abrupts, même si la chronologie est globalement respectée.
L’impression que me laisse le personnage est assez mitigée. Certes, il fait preuve de beaucoup de franchise dans son récit, il revendique une vraie fidélité en amitié comme en amour, sa passion c’est le blues et la guitare, il y consacre toute sa vie, et ne se sent jamais aussi bien qu’en studio. Il nous donne d’ailleurs beaucoup de détails sur le sujet, sur son jeu en open-tuning, sa guitare à cinq cordes, etc… Pas de doute qu’un guitariste y trouvera son bonheur.
Après, le côté rock-star dénature beaucoup de choses. À lire certains de ses exploits, comme d’être toujours armé, de tirer des coups de feu dans le plancher d’une chambre d’hôtel (sous l’effet de la came, il s’en rappelle à peine), on se dit que ce type a vécu dans un monde parallèle, star du rock camé finalement pas très sympathique. Et quand à la fin du bouquin, il nous livre sa recette de saucisses-purées, on se demande bien ce que ça vient faire là et jusqu’où l’on va aller dans le genre « je suis un type génial » ! 💡
Idem pour le festival d’Altamont, dont il semble minimiser le drame (meurtre d’un spectateur par le service d’ordre assuré par les Hells Angels, à la demande des Rolling Stones), et s’affranchir de toute responsabilité. Cela m’a vraiment surpris la façon dont il raconte cet épisode, pour lui ce n’est qu’une anecdote, il s’en rappelle à peine (encore une fois).
Par contre, à leurs débuts, il décrit bien les adolescentes hurlant et gesticulant (réellement hystériques) lors de leurs concerts (et ceux de Beatles) : ça leur fait presque peur, et c’est le signe d’une époque et du besoin de se libérer du carcan rigide de leur éducation… La société est en train de changer radicalement, et le rock en est l’un des véhicules de cette révolution culturelle.
À cette époque, ils se bornent à « copier » la façon de jouer des bluesmen de Chicago (Muddy Waters en tête), puis Mick et Keith se mettent à écrire des morceaux, d’abord « pop » qu’ils vendent car ils ne pourraient pas le jouer sur scène, tout tourné vers le blues qu’ils sont… puis enfin pour eux-mêmes, le succès aidant. Le premier hit sera « Satisfaction » et leur premier LP « Aftermath ». L’album « Beggars Banquet » sera le premier chef-d’œuvre.
D’ailleurs à cette époque, seuls comptent les 45 tours, avec un hit de moins de 2’30 », et une face B de piètre qualité. C’est imposé par les radios… Les Stones comme les Beatles, grâce à leur succès, vont briser cette régle et imposer les 33 tours (LPs) avec des morceaux qui peuvent faire 11 minutes : « C’est comme ça et ce n’est pas négociable ».
Avec le succès, les shows et les tournées s’enchaînent sans réel arrêt, c’est impressionnant. Ils marchent au speed et au pétard pour tenir le rythme. C’est l’époque des drogues (66 et plus) : arrivée du LSD, de la cocaïne, et de l’héroïne… « Ken Kesey porte une lourde responsabilité » ! nous dit Keith : un peu facile je trouve pour se dédouaner… Ils font plusieurs voyages à Tanger, c’est le début de l’histoire avec Anita dont la relation avec Brian Jones est de toutes façons en train de mal tourner. Anita Pallenberg est magnifique, possède une très forte personnalité, mais elle est aussi accro aux drogues, ce qui compliquera leur relation quand plusieurs années plus tard, Keith décrochera.
La tournée de 72 semble avoir été un summum dans le genre, les Stones voyageant avec leur propre avion. Le groupe était exclu des grands hôtels tellement ils étaient ingérables ; Keith en garde finalement peu de souvenirs tellement il était défoncé ! 🙁
Il passe en procès à Toronto pour trafic de drogues et risque gros ; l’affaire est en partie montée en épingle par la police qui cherche à faire un exemple avec Keith, qui l’a bien cherché il faut le dire… Je le laisse raconter l’épilogue, avec une très belle anecdote :
J’ai été déclaré coupable mais le juge a précisé : « Jen e l’emprisonnerai pas car c’est un toxicomane et il dispose de ressources. » Le prévenu, a-t-il édicté, resterait en liberté mais devrait poursuivre son traitement médical, le tout à une condition : il donnerait un concert au profit des non-voyants. C’était trè intelligent, la solution la plus proche d’un jugement de Salomon qu’on ait vue depuis une paie. Et c’était arrivé grâce à une fille qui suivait les Stones partout sur la route, Rita, mon ange aveugle. Elle ne voyait rien mais elle se rendait en stop à chacun de nos concerts. Complètement intrépide, la fille. On m’avait parlé d’elle en coulisses et ça a été trop pour moi de l’imaginer levant le pouce dans les ténèbres permanentes, alors je l’ai branchée sur les chauffeurs de camions de la tournée, j’ai veillé à ce qu’on assure sa sécurité et qu’on lui donne à manger. Et quand je me suis fait coincer au Canada, c’est elle, toute seule, qui s’est présentée devant le juge et lui a raconté cette histoire. D’où son idée de concert pour les aveugles. L’amour et le dévouement de gens comme Rita, c’est quelque chose qui continue à m’époustoufler. Et donc, ha ha !, une issue a été trouvée.
À propos de sa relation avec Mick Jagger, s’ils sont très potes dès le début, les choses se compliquent quand Keith décroche de la drogue et commence à vouloir participer aux décisions. Mais dès qu’il donne son avis, il se fait rembarrer plutôt sèchement par Mick ! Toutes les années où Keith était sous l’emprise des drogues, et laissait le leadership à Mick, la phrase qui revenait souvent dans la bouche de ce dernier était : « Mais tais-toi donc Keith, c’est idiot ! ». Lorsque Keith « se réveille », la tension va vite monter.
Selon Keith, Mick souffre alors du LVS (Lead Vocalist Syndrome) et la rupture devient inévitable quand en signant le contrat avec CBS, Mick signe aussi un contrat pour des disques solos, sans prévenir personne. Il a pris la grosse tête. Ses disques solos ne valent d’ailleurs pas grand chose musicalement selon Keith, Mick est à l’époque obsédé par les tubes qu’il entend en boite de nuit, et cherche à les preproduire.
Keith sortira ensuite des albums solo avec des musiciens de son choix, tous très bons. J’ai écouté album « Talk is cheap » : pas mal au niveau musique, mais il n’a pas vraiment de voix je trouve.
Keith Richards, né en 1943 à Dartford, est donc un musicien, auteur-compositeur, guitariste, et co-fondateur du groupe The Rolling Stones.