J’ai entendu parler de cet auteur pour un autre livre, qui vient de sortir, intitulé Mécaniques du chaos, dont le journaliste ne disait pas tant de bien que ça, car trop ambitieux, voulant expliquer la complexité et le désordre du monde actuel. À voir, je n’en sais rien, mais le journaliste mentionnait par contre celui-ci, à propos de Mai 68 et des jeunes Maoïstes. Ça m’a donné envie de le lire.
Ce roman, ou ces mémoires pourrait-on dire, se passe après Mai 68, quand l’auteur arrête ses études pour aller en province pratiquer ce qui s’appelait « l’établissement », c’est-à-dire rejoindre les ouvriers, travailler à l’usine à leurs côtés, et propager la bonne parole révolutionnaire, et lutter avec eux.
J’ai été un peu déçu par ce livre, je m’attendais à un récit des événements auxquels « l’établi » se trouve confronté, des actions qu’il provoque, mais c’est plutôt le récit à posteriori de cette expérience, empreint de mélancolie, de souvenirs éparpillés sur un monde aujourd’hui disparu.
C’est par contre très bien écrit, très honnête également sur ce que l’auteur a vécu, ses rapports avec le monde ouvrier (qui ne laisse pas duper plus que ça par un jeune étudiant qui vient prêcher la révolution, et qui ne sait même pas planter un clou !). Une chose qui frappe, c’est sa détermination et le degré d’embrigadement politique qui transparaît.
Voilà comment tout a commencé :
Ce fut un coup de tonnerre dans les réunions savantes des cellules de l’U.J.C (marxiste-léniniste), lorsque Robert Linhart lança un mouvement d' »établissement » en usine, auquel chacun était sommé d’adhérer. La lumière avait jailli des reportages de « Pékin information », qui exaltaient le départ des lycéens révolutionnaires dans les campagnes chinoises, et de rencontres prometteuses avec quelques ouvriers qui travaillaient en ce que la direction marxiste-léniniste baptisa aussitôt, à la chinoise, « Usine n° 1 », – c’était je crois, l’usine Perrier. Il ne fallait plus compter sur un avenir d’intellectuel communiste, alliant harmonieusement les succès universitaires et la conscience de classe prolétarienne, selon la subtile dialectique qui permet de vivre d’une façon et de penser d’une autre, mais de « devenir ouvrier ».
Quand on lit cela de nos jours, avec un bon recul sur ce que fut le maoïsme, ou l’expérience Cambodgienne par exemple, on frémit !
Daniel Rondeau, né en 1948, est un écrivain, éditeur, et journaliste français. Le Grand Prix du roman 2017 de l’Académie française lui a été décerné pour Mécaniques du chaos.