Après lui avoir exprimé mon enthousiasme pour la lecture de « L’homme qui aimait les chiens», mon libraire préféré m’a mis dans les mains ce nouveau roman de Leonardo Padura ; quand je lui demandai si c’était aussi bien, il me fit une mimique semblant signifier que c’était encore mieux ! Malgré la faiblesse de l’argumentation, je le prenais.
Alors bon, sans égaler à mon avis le sublime « L’homme qui aimait les chiens», celui-ci va nous appendre des morceaux d’Histoire peu connus, et passionnants. Un petit mot toutefois pour l’éditeur : le bouquin est lourd et le format imposant (24×15 cm) rendant sa lecture un peu moins agréable. Ou est-ce l’auteur qui aurait peut-être pu en réduire le contenu, car il y a tout de même certaines longueurs (disons une multitude de détails).
L’intrigue tourne autour d’un mystérieux tableau de Rembrandt, disparu à La Havane, et qui réapparaît tout aussi mystérieusement lors d’enchères à Londres. Mario Conde, l’ex-policier maintenant recyclé dans le commerce de livres anciens, est mandaté par un descendant d’une famille juive polonaise pour enquêter : ce tableau leur appartenait il y a bien longtemps…
L’histoire se découpe en trois parties, à trois époques différentes. Le second fil conducteur de ce roman, c’est la liberté qu’a chaque individu de choisir sa propre route, faire ses propres choix, dans des contextes souvent difficiles et toujours contraignants.
La première partie va nous raconter les conditions de l’arrivée du tableau à La Havane, mêlant la grande Histoire à la petite : en 1939, pour fuir l’Allemagne nazie et les persécutions, 963 juifs allemands embarquent à bord du paquebot Saint-Louis à destination de Cuba afin d’y attendre l’autorisation de rentrer aux États-Unis. Victimes d’un jeu de dupes entre les États-Unis, les Allemands, et le gouvernement cubain (nous sommes bien avant la révolution cubaine, et Batista déjà le colonel qui dirige la junte militaire au pouvoir), ils seront finalement refoulés vers l’Europe… Entre-temps, des tractations ont eu lieu (quand il y a un peu d’argent à se faire…) entre les officiels cubains et certains passagers ayant les moyens de monnayer leur débarquement. Dans le roman, c’est ainsi que le tableau de Rembrandt échoue à Cuba pour de longues années d’oubli (mais leurs propriétaires seront refoulés comme les autres).
La deuxième partie (la principale) va nous emmener à l’époque de Rembrandt (XVIIème siècle), à Amsterdam. À cette époque, les excommunications vont bon train, il ne s’agit pas de transgresser les règles religieuses… un des apprentis du maître est un jeune juif séfarade, qui brave ainsi l’interdiction de sa religion de posséder ou de produire des images… Ce qui n’est pas sans nous ramener au présent et aux caricatures du prophète…
La troisième et dernière partie nous ramène au Cuba contemporain, et à Mario Conde : son enquête lui fera approcher une jeunesse punk totalement déconnectée de la société cubaine. C’est la transition un peu difficile du roman… mais l’occasion de retrouver Mario Conde ainsi qu’une description de la vie à Cuba de nos jours.
Leonardo Padura est un journaliste et écrivain cubain, né à La Havane en 1955. Après avoir commencé par des romans policiers (voir Le cycle des quatre saisons), il prend de l’ampleur avec ses derniers romans, beaucoup plus ambitieux… et parfaitement maîtrisés.
Une réflexion sur « Hérétiques – Leonardo Padura »