Bouquin recommandé par mon ancien libraire de Puteaux, alors que je lui parlais d’écrivains des pays de l’Est, et de leur qualité.
Ce roman est l’histoire d’une révolte dans un pénitencier du Monténégro, racontée par un des détenus qui n’a plus vraiment toute sa tête, ce qui le rend encore plus dangereux qu’il ne l’est déjà… Keber ne supporte pas les grincements de métal, qu’ils soient réels ou dans sa tête, et il peut devenir très violent quand ils se produisent.
Dans ce monde de détenus plus dangereux les uns que les autres, il paraît presque être le sage de l’histoire. Pourtant ses souvenirs le hantent, et il a parfois du mal à faire la différence avec le monde réel : son histoire d’amour avec Leonca d’abord, que sa jalousie et sa violence ont fini par rendre impossible, et sa vie passée qui défile, à bourlinguer sur les mers du monde, ou comme mercenaire ici ou là… La vie de Keber est plus dans ses rêves et divagations que dans la réalité : ils lui permettent de ne pas sombrer.
Et puis il y a cette histoire du siège de Massada en Judée, au Ier siècle qui le hante également, et dont Keber fait le parallèle avec le pénitencier assiégé. L’histoire (vraie) est assez incroyable, et vaut le détour : c’était une forteresse quasi imprenable surplombant la mer morte. Tenue par mille juifs extrémistes (les sicaires), ils résistèrent sept mois à l’armée romaine. Quand cette dernière réussit à pénétrer la citadelle, ils étaient tous morts ! Le suicide étant interdit par leur religion, les historiens accréditent l’idée qu’ils se sont tous entretués, chaque homme commençant par tuer sa famille, puis un tirage au sort se chargeant du reste.
Car dans le pénitencier, la révolte initiée par Keber à cause d’un gardien les empêchant de suivre un match de basket va prendre de l’ampleur. Pendant quelques jours, les détenus seront maître de la prison, et le pouvoir accaparé par les plus mauvais : un autre exemple d’avènement d’une dictature, comme dans Les naufragés du Batavia.
Bon bouquin, très bien écrit, mais un histoire dure : contexte, personnages, et la narration par Keber dont le mental est manifestement altéré n’arrange rien !
Drago Jančar, né le 13 avril 1948 à Maribor, est un écrivain slovène. Engagé politiquement, il eut des démêlés avec les autorités communistes, et connaîtra la prison. Il a reçu le Prix européen de littérature 2011 pour l’ensemble de son œuvre.