L’art de perdre – Alice Zeniter

Roman recommandé par Martine et Béatrice lors de la randonnée dans le Finistère Nord l’été dernier.

Je n’ai pas été déçu et ne peux que le recommander à mon tour ! C’est bien écrit, et aussi très bien raconté ; dès le début on est accroché par cette histoire sur trois générations, et l’intérêt ne baisse pas jusqu’aux dernières pages, avec même de l’émotion quand Naïma et les membres de sa famille tracent dans l’air leur arbre généalogique : j’ai trouvé cette scène très belle et intense.

Ali le grand-père doit quitter l’Algérie par crainte de représailles de la part du FLN, et connaîtra le sort réservé aux harkis, perdant toute sa fierté et incapable d’adopter la culture ou la langue française. Son fils Hamid rejettera ce passé jusqu’à s’enfoncer dans un mutisme forcené dès que l’Algérie est mentionnée. Ce sera Naïma sa fille qui fera la première le chemin du retour pour en revenir apaisée, mais sans avoir obtenu de réponses pour autant.

Une telle histoire pourrait facilement être ennuyeuse ou partisane, mais l’auteur garde de la hauteur sur la narration des événements qui secouent cette famille. La grande histoire et la petite se mêlent de façon très harmonieuse, et tout cela rend le bouquin captivant.

J’ai bien aimé que les première lignes racontent l’origine de la colonisation française de l’Algérie : le coup d’éventail (ou de chasse-mouches) que le Dey d’Alger donna au consul de France : petite cause, grande conséquences ! J’avais déjà lu cette histoire et j’en parlais dans l’article fait suite à la lecture de Les empires coloniaux européens 1815-1919 d’Henri Wesseling. Voilà le passage en question :

La colonisation de l’Algérie commence pour une sombre histoire de fierté nationale : la France a une dette envers l’Algérie depuis la Révolution française ; à cette époque, l’Algérie avait fournit du blé aux armées françaises. En 1827, la France tardant à rembourser, le dey d’Alger convoque le consul de France ; l’entretien fut si animé que le dey, perdant patience, frappa le consul sur le nez avec une tapette. Cette offense servira d’excuse pour envoyer une expédition militaire quelques années plus tard, en 1830. La vraie raison est politique : le roi Charles X et sa Restauration sont impopulaires, et l’expédition est un moyen de rétablir le prestige de la France, de rappeler la grande époque des victoires napoléoniennes. Il n’y a à ce moment aucun dessein d’expansion coloniale. Charles X fut tout de même renversé quelques mois plus tard. Son successeur Louis-Philippe hésitait à conserver l’Algérie. Les militaires (pour la gloire) et les négociants marseillais (pour l’argent) étaient pour. L’Angleterre ayant fait savoir qu’elle n’y voyait pas d’inconvénients, Louis-Philippe décidé d’y rester.

Alice Zeniter, née en 1986, est une romancière, traductrice, scénariste, dramaturge et metteuse en scène de théâtre française. Elle a obtenu le Prix Goncourt des lycéens 2017 avec ce roman, le dernier qu’elle a publié. Cerise sur le gâteau, elle vit actuellement en Bretagne, dans les Côtes d’Armor ! 😉

La couverture du livre est un extrait du « Tigre dans une tempête tropicale » du douanier Rousseau. J’aime bien la tête du tigre, qui n’a pas l’air d’apprécier du tout ladite tempête ! L’autre titre de ce tableau est « Surpris ! ».

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