Le langage silencieux – Edward T. Hall

le langage silencieux Je viens de finir Le langage silencieux d’Edward T. Hall, un anthropologiste. J’avais lu ce livre il y a quelques années, sur les conseils d’un ami, et j’avais envie d’y revenir. Il tente une définition de ce qu’est la culture ; le bouquin date de 1959, c’est une première à l’époque.

Si l’approche est scientifique et un peu rébarbative parfois, le livre se lit facilement et nous apprend plein de choses sur nous-mêmes, et bien sûr sur les autres (puisque c’est la même chose). Voilà une partie de sa conclusion.

Qu’est-ce qu’être en retard ? qu’est-ce qu’attendre ? Le message est différent selon que l’on soit américain, européen ou japonais. Ainsi le temps, et plus largement la culture, sont-ils communication, autant que la communication est culturelle. Edward T. Hall développe à travers de nombreux exemples (parfois cocasses) la théorie des systèmes de communication non verbaux.

Je voudrais vous livrer une partie de sa conclusion, que je trouve remarquable : pour mieux comprendre ce qui suit, il définit 3 aspects de la culture: le formel, l’informel et le technique. Prenons la connaissance comme exemple (un des aspects de la culture) :

Le formel, ce sera par exemple l’adulte dominateur modèle l’enfant à l’aide de schémas qu’il n’a jamais contesté. Il le corrige en disant « Ne fais pas ça », ou « c’est défendu ». Celui qui parle ne se demande pas où il en est, ni où en sont les autres adultes. On enseigne sous le ton de l’injonction ou de la remontrance.

Pour l’informel, ce sera : « c’est difficile à expliquer, tu comprendras plus tard, quand tu seras grand » ou « tu as tout le temps pour apprendre ». L’enfant traduit souvent par « Ne pose pas de question, regarde autour de toi »… L’agent principal est un modèle en vue d’une imitation.

Le technique, c’est ce qui est transmis typiquement du professeur à l’élève, précédé d’une analyse logique. Le meilleur exemple est l’armée.

Le dernier chapitre s’appelle « Relâcher l’étreinte », en voilà quelques extraits:

On résiste souvent à comprendre ce qu’est la culture car elle touche à notre personnalité profonde.

Accepter pleinement la réalité de la culture aurait des conséquences révolutionnaires… J’ai analysé la culture en tant que communication. La plupart des difficultés des gens entre eux se rapportent à la déformation de la communication. La bonne volonté, dont on attend souvent qu’elle résolve les problèmes, est souvent inutile parce que c’est le message qui n’est pas compris.

S’il peut élargir sa conception des forces qui sous-tendent et contrôlent sa vie, l’homme de la rue ne sera plus jamais sous l’emprise d’un comportement schématisé dont il reste inconscient. Lionel Trilling a comparé la culture à une prison. En fait, c’est une prison jusqu’au jour où l’on s’aperçoit qu’il existe des clés pour en ouvrir les portes. S’il est vrai que la culture lie les hommes de manière inconsciente, l’emprise qu’elle exerce n’est rien d’autre de plus que la routine des habitudes. L’homme n’a pas élaboré la culture pour s’étouffer lui-même mais comme un milieu dans lequel il se meut, vit, respire et développe son unicité particulière. S’il veut l’utiliser pleinement, il doit la connaître mieux.

Une compréhension réelle de la culture devrait réveiller en nous cet intérêt à la vie qui nous manque si souvent, aider les gens à savoir où ils sont et ce qu’ils sont et à se défendre contre les plus cupides, voleurs et opportunistes de leurs congénères. Ces derniers se servent du fait que le public est généralement inconcient de ces normes formelles communes qui donnent à notre société sa cohérence. Ces laissés-pour-compte, auxquels il manque la sécurité des bases de la culture formelle, veulent détruire le monde et construire le pouvoir autour d’eux-mêmes. La cas de sénateur McCarthy est un exemple classique de ce genre d’opportunisme. Si les américains avaient compris que les normes formelles ne sont pas individuelles, mais collectives, ils s’éviteraient de la maccarthysme dans toutes ses manifestations culturelles.

Le point le plus difficile à éclaircir est certainement que si la culture est imposée à l’homme, elle est également l’homme dans un sens très large.

L’analogie avec la musique est utile pour comprendre la culture. Une partition musicale est semblable aux descriptions techniques que les anthropologues commencent à faire. Musicalement, le processus qui consiste à écrire des notations sur la partition n’enlève rien à l’artiste, mais lui permet simplement de transmettre à ceux qui sont absents ce qu’il fait lorsqu’il joue. Nous pouvons ainsi partager et sauvegarder un trait de génie qui, sinon, n’aurait atteint que ceux qui étaient physiquement présents lors du concert.

Tout comme les compositeurs, certains hommes sont plus doués que d’autres. Ils affectent réellement ceux qui les entourent, mais le processus s’arrête là parce qu’il n’existe aucun moyen technique de décrire comment se passe cette affectation. Ce processus est, en effet, en grande partie inconscient.

Pas mal, non ?

8 réflexions sur « Le langage silencieux – Edward T. Hall »

  1. Tu as de bonnes lectures. C’était un de mes livres favoris quand j’étais en psycho il y a 15 ans !!!
    Il y a en a d’autres à découvrir comme celui qui a écrit (c’était un collègue de Hall) :
    « On ne peut pas ne pas communiquer, tout est communication » de P. Watzlawick dans Une logique de la communication.
    Hall est réputé surtout pour son analyse de la proxémie : la distance entre les personnes est régie par des lois.
    A bientôt
    olivier

  2. Je me délecte de vous lire et de découvrir à travers une mise en bouche de l’ouvrage… les trésors de socio, anthropo, philo et toute étude me permettant d’avancer, d’attiser ma curiosité et de faire partager mes découvertes… merci Pascal !

  3. J’arrive tard peut-être mais lisez Geert Hofstede : geerthofstede.nl
    Je eu la chance de le rencontrer, ses études sont à découvrir!

  4. je trouve le livre super intérressant car je l’ai pris pour en faire une fiche de lecture et en même temps me sert de support pour ma note thématique. Merci

  5. Ma professeur de management interculturel nous a laissé le choix entre ce livre et la dimension cachée du même auteur.
    Je trouve ce livre rébarbatif quoique intéressant.
    Il y a pourtant de graves lacunes, notamment le fait que Hall n’est même pas capable de donner une définition de la culture dans son chapitre du même nom et nous renvoie vers un dictionnaire.
    Le genre littéraire essaie d’être scientifique, mais l’on sent bien qu’il manque d’assurance.
    Il semble connaitre son domaine qu’est l’anthropologie, mais il aurait du s’y confiner et non pas tenter d’écrire afin de faire parler de lui

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