Comme des ombres sur la terre – James Welch

J’ai déjà lu deux livres de cet auteur, qui a la particularité d’être amérindien et plus précisément né dans la réserve indienne Pieds-Noirs de Browning dans le Montana. Autant vous le dire tout de suite, j’ai adoré ce récit véritablement étonnant.

Car si dans les deux romans transparaissaient les origines indiennes de l’auteur, par ses personnages principaux eux aussi indiens et évoluant dans le monde moderne, dans celui-ci, nous allons plonger à l’intérieur d’une tribu Blackfeet vivant dans le Montana, dans les années 1870, à l’époque où les blancs ne cessent de gagner du terrain de façon inéluctable, malgré les traités signés.

Se battre contre eux est sans espoir, tant ils sont nombreux et cruels, et il ne reste à la tribu d’autre choix que de tenter désespérément de continuer à vivre selon leur mode de vie tant que c’est encore possible. Nous allons suivre l’évolution d’un jeune garçon de 15 ans, jusqu’à ce qu’il devienne un père de famille au milieu de tous ces bouleversements.

C’est une véritable immersion, et il faudra que le lecteur devine le sens de certains mots, notamment celui des animaux (cornes-noires, remue-la-queue, ours-vrai, quatre-jambes, mordeurs-de-bois, etc…), ou des saisons comme des lieux : tous les noms donnés représentent leur essence, c’est à la fois beau et poétique.

On est vite transporté dans l’histoire, la vie de « Chien de l’Homme Blanc » qui prendra ensuite le nom de « Trompe-le-Corbeau » après un raid chez les Crows pour leur voler des chevaux. Puis il apprendra à soigner avec le secours d’un homme-aux-multiples-visages, aura des visions et découvrira son animal-pouvoir, Oiseau Corbeau. Tout ce récit nous transporte dans le monde des indiens Blackfeet, et c’est magnifique !

En guise d’extrait, voilà juste le premier paragraphe :

Maintenant que le temps avait changé, la lune-des-feuilles-qui-tombent blanchissait dans le ciel noir et Chien de l’Homme Blanc se sentait inquiet. Mâchant un bâton de viande séchée, il regarda Faiseur de Froid rassembler ses forces. Au nord, les nuages sombres s’amoncelaient en cercles, entamant leur danse avec une lente fureur délibérée. La nuit s’avançait, et il se tourna vers les marécages qui bordaient la Rivière des Deux Médecines. Les feux allumés en vue du repas illuminaient l’intérieur des tipis des Mangeurs Solitaires. C’était le moment de la soirée où les chiens eux-mêmes se reposaient et où les chevaux paissaient tranquillement le long des berges herbeuses.

James Welch (1940-2003), est un romancier et poète américain, né dans la réserve indienne des Pieds-Noirs, dans le Montana. Son succès ouvrira la voie à plein d’autres auteurs amérindiens.

Une histoire de Fairphone et de GPS

Voilà presque une année que ma sœur se plaint régulièrement du temps que mettait son Fairphone 3+ à se localiser (GPS). Cela peut prendre une bonne minute comme cinq minutes, ou même ne jamais aboutir. Et comme elle fait beaucoup de randonnées, c’est vraiment devenu problématique pour elle. Au point de penser à changer de téléphone… Or la durabilité est une chose importante à ses yeux, diminuer son empreinte écologique un principe, et c’est pour cela qu’elle avait acheté ce Fairphone.

J’avais déjà regardé ses réglages, tout semblait correct, puis on passait à autre chose, et le problème revenait dans la conversation quelques mois plus tard, sans pour autant avancer dans sa résolution. Le fait qu’elle habite à l’autre bout de la France ne facilitait pas non plus les choses.

Fin août, elle est passée en Bretagne (on a fait le tour du Cap Sizun en vélo électrique sur trois jours, c’étaient les derniers beaux jours et ça a été génial 😎 ), j’ai donc eu le temps de me pencher plus sérieusement sur le problème.

Et voilà, un mois plus tard, le problème est résolu, et le Fairphone est reparti pour quelques années je l’espère. Bon, on va le voir dans cet article, tout n’a pas été aussi idyllique que ça, Fairphone a des qualités mais aussi des limites…

Pour les plus pressés, c’était l’antenne du GPS qui suite à une chute du tel qui était endommagée, et il a fallu changer le « rear panel », qu’hélas Fairphone ne fournit pas comme module de remplacement. Heureusement, Leboncoin est là…

Voyons voir tout ça étape par étape…

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Bleus blancs rouges – Benjamin Dierstein

Je ne sais plus où j’ai entendu parler de ce roman politico-policier traitant des années 80 et des troubles de l’époque : Mesrine l’ennemi public numéro un, les attentats du FPLP, Action Directe, etc… Le tout sur fond politique avec les années Giscard, avec l’affaire des diamants de Bokassa, la montée en puissance de Miterrand, l’affaire Robert Boulin, etc… Les ingrédients étaient là pour écrire roman passionnant.

Et l’histoire commence bien avec Marco et Jacquie, tous les deux à l’école de police, tous deux postulants pour la première place, l’un penchant nettement côté droite-catho, l’autre qui va peu à peu se découvrir à gauche… Viendront vite se greffer au récit le milieu de la prostitution de luxe et des boites de nuit parisiennes, les barbouzes de la « France-Afrique », les hommes politiques, le S.A.C, Kadhafi… Ajoutez à cela les différents organes de l’état : DST, RG, BRI, j’en passe et des meilleurs, l’auteur ne recule devant rien !

Mais la lecture va vite devenir difficile, et j’avoue avoir eu un peu de mal à finir ce roman, pour découvrir qu’après toutes ces pages, il faudra attendre un tome deux puis un troisième, l’auteur étant à priori un adepte des trilogies. Ce sera sans moi.

Alors quoi ? d’abord la médiocrité de la plupart des personnages, leur grossièreté, leur machisme omniprésent rend la lecture difficile. La pauvre Jacquie a bien du mal à exister dans l’histoire, elle disparaît d’ailleurs peu à peu. Place aux mecs, aux salauds, ceux pour qui la violence est la meilleure façon de s’exprimer, et une bonne baise la meilleure façon de se défouler après une dure journée (la place des femmes est essentiellement réduite à ce rôle). Et les dialogues sont à l’image des personnages, au ras des pâquerettes. Il en ressort un ensemble caricatural et nauséeux.

Quant au contexte historique, l’auteur nous raconte ce qu’il veut, c’est son interprétation, à prendre ou à laisser : il s’est sans doute beaucoup documenté si l’on en croit la bibliographie en fin de volume, mais de là à nous raconter comment Robert Boulin est mort… Dès lors, le reste n’est-il pas à l’avenant ? Alors pourquoi se « payer » toute cette noirceur et cette vulgarité pour une histoire qui comme la police n’avance que très lentement, plus occupée par une guéguerre des services qu’à arrêter les terroristes. On tourne en rond, et l’ennui le dispute au désintérêt.

Le « James Ellroy à la française » n’est pas pour ce coup-ci, loin s’en faut !

Benjamin Dierstein, né en 1983 à Lannion, est un auteur de romans policiers. Il a obtenu le Prix Landerneau Polar des Espaces Culturels E.Leclerc 2025 pour ce roman. Tout cela fleure bon la Bretagne, mais ne suffit pas à me convaincre de lire la suite.

Le restaurant de l’amour retrouvé – Ito Ogawa

Roman offert par mon cousin Olivier : de la littérature japonaise et un roman traitant d’un restaurant et de cuisine, cela ne pouvait pas me déplaire !

C’est l’histoire de Rinco, une jeune fille vivant à Tokyo, qui perd sa voix quand son petit-ami l’abandonne, et qui décide de retourner dans le village de son enfance où vit encore sa mère, pour y ouvrir un restaurant, nommé « L’Escargot ».

Ce restaurant qui ne dispose que d’une seule table fonctionne de manière un peu particulière, et uniquement sur réservation : Rinco s’entretient alors longuement avec les convives auparavant afin de déterminer le plat qu’elle va leur préparer. Si le modèle économique paraît peu crédible, les plats ainsi préparés vont rendre les clients heureux, et la rumeur va ainsi se propager : en mangeant à L’Escargot, on voyait ses vœux réalisés et ses amours comblées. Il faut dire qu’ils sont justement préparés avec amour, comme Rinco l’explique :

Si tu cuisines en étant triste ou énervée, le goût ou la présentation en pâtissent forcément. Quand tu prépares à manger, pense toujours à quelques chose d’agréable, il faut cuisiner dans la joie et la sérénité.
Ma grand-mère me le disait souvent.

C’est donc un hymne à la cuisine japonaise, à son raffinement, à la beauté et au goût unique d’un légume ou d’un fruit qui a poussé dans les meilleures conditions… On retrouve toute la sophistication de la culture japonaise, cette fois sur le côté culinaire.

Pour le reste l’histoire manque un peu de contenu, tout comme les personnages certes originaux mais pas vraiment aboutis. On ne peut pas dire non plus que ce soit très bien écrit, mais c’est le premier roman de cet autrice, on lui pardonnera donc en se concentrant sur les plats préparés et l’attention qui leur est portée.

Ito Ogawa, née en 1973, est une écrivaine japonaise. Ce roman a été porté à l’écran sous le titre de Rinco’s Restaurant. Elle a aussi écrit La papeterie Tsubaki, qui a l’air d’être plus apprécié des lecteurs, avec toujours comme centre d’intérêt la culture japonaise (ici la calligraphie). C’est la tome 1 d’une série de trois : suivent La république du bonheur, et Lettres d’amour de Kamakura. De tous ces romans, il ressort à chaque fois une atmosphère de « feel good story » semble-t-il, à voir si l’on aime ou pas.

L’ochazuke

Et puisque l’on parle cuisine, j’ai retenu son Ochazuke, qu’elle prépare avec le strict minimum, obligée de préparer quelque chose dans l’urgence en n’ayant pratiquement rien sous la main :

Dans l’autocuiseur à riz du bar, il devait rester du riz blanc qui n’avait pas été utilisé pour la soupe de riz, un peu plus tôt. Avec ce morceau de katsuobushi, je pourrais faire un excellent bouillon. Du bouillon et du riz : j’allais préparer un ochazuke tout simple. Je me suis mise à découper avec énergie la bonite séchée en copeaux. En cherchant bien, j’ai même eu la chance de retrouver des algues kombu dans un tiroir.[…]
J’ai enlevé les algues de la casserole au bon moment et, après une brève pause, j’y ai versé une généreuse portion de copeaux de bonite fraîchement râpée. Dès que la bonite a commencé à sentir bon, j’ai éteint le gaz et filtré le liquide à la passoire. Jusque-là, tout allait bien, comme d’habitude. Un peu de sel pour finir et ce serait parfait. Puis j’ai rempli un grand bol, réchauffé au préalable, avec du riz pris dans l’autocuiseur, et j’ai versé par-dessus le bouillon que je venais juste de préparer. C’était prêt. Comme il restait quelques brins de ciboule de Hakata sur la planche à découper, je les ai rassemblés et posés sur l’ochazuke.

Voilà d’autres infos ici sur ce plat traditionnel. Il s’agit donc d’un plat tout simple à base de riz et de thé vert (ou de bouillon miso), auquel on vient ajouter un peu ce que l’on veut dans une version moins sommaire que celle du roman. Je pourrais m’inspirer de cette recette et faire mon propre Ochazuke… Car faire un bouillon avec des algues de Bretagne et du Katsuobushi fabriqué à Concarneau, ça devrait être facile non ? 😉

Liberté sous condition – Jim Thompson

C’est le poche que j’avais choisi sur mon étagère cet été pour aller à la plage. Un bon polar de Jim Thompson, je ne prenais pas de gros risques !

Honnêtement, ce n’est pas son meilleur roman, mais il a la particularité d’être le numéro 1 paru dans la collection Rivages Noir, ce qui n’est pas un mince honneur !

C’est l’histoire de Patrick Cosgrove, appelons-le Pat, condamné sévèrement à une longue peine de prison pour une erreur de jeunesse. Il obtient une mise en liberté sous condition dans la petite ville de Capital City, sous le contrôle de Doc Luther, un politicien prêt à tout pour se sortir des prochaines élections…

Pat a beau être très intelligent, il a bien du mal à voir clair dans le jeu de dupes organisé par le Doc… Tout le suspens de l’histoire se tient là : comment Pat va-t-il pouvoir se sortir du piège qui manifestement lui a été tendu, mais qui reste d’une opacité à toute épreuve ?

Le dénouement nous réserve une belle surprise, et pour une fois avec Jim Thompson, la fin est plutôt optimiste… Un bon roman de plage !

Jim Thompson (1906-1977), est un écrivain américain de roman noir, un nouvelliste et un scénariste de cinéma. Il écrira au total vingt-neuf romans, en partie autobiographiques, dont la plupart servant avant tout à rembourser des dettes. Il meurt dévoré par l’alcool et la maladie, dans la misère et l’anonymat.
Il a peu été reconnu de son vivant, ce n’est qu’après sa mort que sa réputation grandit. Côté cinéma français, le film « Coup de torchon » de Bertrand Tavernier a été adapté de « 1265 âmes » (excellent !); « Série noire » d’Alain Corneau avec Patrick Deweare est adapté de « A hell of a woman » (« Une femme d’enfer »  ). Outre-atlantique, on peut aussi citer « Les Arnaqueurs » comme autre adaptation connue.

Jim Thompson a aussi écrit une sorte d’autobiographie intitulée Vaurien, que j’avais beaucoup appréciée, hélas difficile à trouver de nos jours, on se demande ce que font les éditeurs…

Retour à Matterhorn – Karl Marlantes

Roman choisi au hasard sur la table du libraire, le petit carton écrit à la main en disait le plus grand bien.

C’est principalement l’histoire de Mellas, jeune sous-lieutenant de réserve, affecté à la compagnie Bravo, qui tient une position au sommet d’une colline appelée Matterhorn, perdue en pleine jungle vietnamienne, et Mellas se demande comment il va bien pouvoir sortir en vie de cette sale histoire. Car la mort est omniprésente, chacun le sait, et la peur est sa compagne. La jungle elle-même est un danger, le terrain est hostile, le ravitaillement souvent impossible provoque la faim et la soif, et la fatigue et le manque de sommeil complètent le tableau.

La compagnie reçoit l’ordre d’abandonner la position pour aller affronter une jungle hostile, pour un périple aussi terrible qu’inutile. Après un bref retour vers les lignes arrière, l’ordre est alors donné à la compagnie d’aller reconquérir la colline, désormais occupée par les vietnamiens. Cela ne se fera pas sans de lourdes pertes.

Tous ces soldats sont des gamins de 18-20 ans, qui connaissent à peine la vie, et que la guerre va transformer ou simplement tuer. Les conflits raciaux propres aux américains sont également omniprésents dans le groupe, et la hiérarchie militaire, par ses décisions largement contestables, va déclencher des réactions incontrôlables.

C’est vraiment un grand roman sur la guerre, qui la décrit comme elle est, avec ce qu’elle fait aux hommes, comment elle les transforme. Le récit est très prenant. Et concernant la guerre du Vietnam, ils savent tous que seuls les vietnamiens peuvent la gagner, et cela prendra le temps qu’il faudra. La vacuité de toute guerre apparaît comme une évidence, au cas où ce serait nécessaire de le rappeler.

Karl Marlantes, né en 1944, est un écrivain américain. Le roman s’inspire de l’expérience de l’auteur au Vietnam, même si tout est pure fiction comme annoncé dans une courte préface.

Journal de voyage Asie 2024 – Thaïlande & Retour

Voilà, j’ai enfin terminé mon journal de voyage 2023-2024 ! Il faut dire que je repars cet hiver, il était donc grand temps de terminer cette dernière partie, à savoir les 2 dernières semaines en Thaïlande et le retour sur Paris.

Je commence à atterrir à Chiang Mai en provenance de Hanoï, puis après une escapade à Pai, je reprends vite l’avion pour fuir la pollution. Je file ensuite à Khao Lak pour passer ma dernière semaine les doigts de pieds en éventail, et je remonte à Bangkok en avion car 15h de bus ce n’est plus de mon âge ! 😉

Et le retour à Paris méritait bien un petit chapitre, car entre KLM qui annule mon billet, et CDG qui dysfonctionne à plein, il faut bien trois mois passé en Asie pour rester Zen ! Je termine par un petit récapitulatif du coût de cet merveilleux voyage…

Comme d’habitude, accès par la barre de menu, « Journal de Voyage » :

Gokapi pour échanger des fichiers

Il vient toujours un moment où l’on a besoin d’échanger des fichiers avec un proche. J’avais jusqu’à présent utilisé Nextcloud, mais sa fonctionnalité de partage ne me convenait pas, alors je me suis mis à la recherche d’une solution alternative, si possible utilisant Docker, afin de l’installer sur mon NAS.

J’ai posé la question sur le forum d’OMV, et j’ai vite obtenu deux réponses, la première m’indiquait un site github très intéressant : Awesome self-hosted, qui liste des applications (en logiciel libre) qui peuvent être auto-hébergés (il y a même une page pour les logiciels non libres). La liste est impressionnante. La deuxième réponse m’indiquait plus précisément l’un d’entre eux, à savoir Gokapi, qui répondait parfaitement à mes attentes.

Voyons voir cette installation qui s’est révélée très simple, en commençant par la raison pour laquelle Nextcloud ne convient pas à ce besoin.

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Jours barbares – William Finnegan

Ce livre était proposé par François Busnel lors de son émission « La p’tite librairie ». Le sujet m’a plu, l’histoire d’une vie, même si j’étais averti qu’il y avait « beaucoup de surf » dans ce récit.

Beaucoup de pages sur le surf donc, mais on y apprend tout de même beaucoup de choses, en particulier la complexité des connaissances à acquérir sur un spot pour en apprécier les qualités et savoir choisir les vagues : les vents, les fonds, la houle, le take-off, la météo, etc… Il faut beaucoup de temps et d’abnégation pour y arriver. Sans oublier les dangers de ce sport, entre les récifs sur lesquels on peut être projeté, et la vague qui vous plaque sous l’eau qui vous obligera à attendre de remonter à la surface pour respirer à nouveau ; si à ce moment là une deuxième vague vous renvoie au fond, cela peut devenir très compliqué…

En dehors de ça, la vie de ce jeune homme passionné qui quitte tout, réfractaire au système, est très intéressante : nous sommes dans les années 70, en Californie :

Avec véhémence, je me faisais l’avocat de l’insoumission, qui, sans doute, modèlerait un peu mon futur, et commençait déjà à bouleverser l’existence des frères aînés de certains de mes amis. La guerre du Vietnam était mauvaise, pourrie jusqu’à l’os. Dans ma tête, l’armée, le gouvernement, la police et les grandes entreprises se confondaient. Comme soudés les uns aux autres, en une unique masse oppressive… le Système, le Pouvoir. C’était à l’époque, bien entendu, l’idéologie politique courante chez les jeunes, et je n’ai pas tardé à ajouter les autorités scolaires à l’ennemi. Mon attitude désinvolte, voire méprisante, à l’égard de la loi, n’était surtout qu’une rémanence de l’enfance, où le défi et les ennuis auxquels on peut se soustraire forment une bonne partie de la gloriole.

C’est bien sûr une époque, mais sa façon de penser et de voyager (au moins dans les premières années), de vouloir s’imprégner des coutumes locales, ça m’a parlé. Parti de Californie à Hawaï avec un ami, il poursuit sa quête des vagues à travers le Pacifique Sud, toujours vers l’ouest : les îles Fidji, Samoa, jusqu’à l’Australie, puis l’Afrique du Sud, où il va se retrouver enseignant dans une école réservée aux Noirs, en plein Apartheid. Cette expérience sera fondatrice. Il va revenir aux États-Unis, à New-York, et y devenir journaliste et écrivain. Mais malgré tout, malgré les années qui commencent à peser physiquement (car le surf demande beaucoup d’énergie), il continue de surfer, encore et encore…

Voilà un autre extrait vers la fin du livre, empreint de nostalgie sur une époque désormais révolue, où le surf était la passion de quelques uns, et où les meilleurs spots étaient un secret jalousement gardé :

Cinq planches de surf rouge sang sont boulonnées à un mur de granit de Times Square. Depuis 1987, date à laquelle j’ai commencé à travailler pour le New Yorker, j’ai traversé Times Square par tous les temps, mais je n’ai commencé à m’y sentir mal à l’aise qu’au cours de ces dernières années. En grande partie à cause de ces planches. Ce sont des pintails en single, au nose élégamment mais exagérément effilé. Ce ne sont pas de vraies planches, seulement un décor – la vitrine d’un point de vente Quiksilver –, mais leur contour en goutte d’eau étirée me rappelle viscéralement un moment de ma vie et un lieu (Hawaï, la fin de mon adolescence), où des planches de forme identique étaient du dernier cri lorsqu’on prenait les plus grandes vagues. Mais, en plus, il y a cette vidéo qui passe en boucle sur les nombreux grands écrans qui surplombent le même magasin. Pour tous les autres passants, ce n’est sans doute que clinquant et plaisir pour les yeux. Cette vague turquoise qui roule d’un écran à l’autre ? Je la connais, cette vague. Elle se trouve dans l’est de Java, à la lisière d’une jungle. Bryan et moi avons campé là-bas, dans une cabane branlante au sommet d’un arbre. C’était dans une vie antérieure. Pourquoi faut-il qu’ils montrent ici cette vague précisément ? Et ce jeune gars qui, le dos voûté, glisse dans ses profondeurs ? Je sais qui c’est. C’est un personnage curieux, en raison surtout de son refus d’exploiter son talent. Il ne concourt pas, ne se livre pas non plus à des démonstrations ostentatoires dans les situations qui, de toute évidence, devraient les appeler. Ses sponsors, dont Quiksilver, le paient pour surfer ainsi avec obstination et style : une sorte de Bartleby postmoderne, admiré dans tout le milieu du surf pour son déni de tout. Et alors, si je reconnais au premier coup d’œil ce flemmard qui enfile un tube indonésien qui m’est familier, quelle importance ? Eh bien, c’est parce qu’il me semble, parfois, que ma vie privée, une partie importante de mon âme, est exposée là, livrée au regard de tous, comme n’importe quelle affiche publicitaire vantant telle camionnette ou tel crédit à la consommation, et ce, sur toutes les surfaces où mes yeux se posent, y compris, dernièrement, sur les écrans de télévision des taxis.
Les surfeurs espèrent avec amertume que le surf se ringardisera un jour comme la pratique des rollers. Alors, peut-être, des millions de kooks renonceront-ils et laisseront-ils les vagues aux seuls purs et durs. Mais les multinationales qui cherchent à fourguer l’image et l’idée du surf sont bien décidées, naturellement, à “promouvoir ce sport”.

Dans ce dernier chapitre, malgré la nostalgie d’une époque, l’auteur garde toujours l’amour et l’envie d’aller surfer dès qu’il en a la possibilité, et c’est sans doute le message qui reste après cette lecture : l’histoire de la passion d’une vie, jamais reniée et jamais épuisée.

William Finnegan, né en 1952, est un écrivain et journaliste américain. Il s’est particulièrement attaqué aux questions du racisme et des conflits en Afrique australe et de la politique au Mexique et en Amérique du Sud. Ce livre (titre original : « Barbarian Days: A Surfing Life« ) a reçu le prix Pulitzer 2016 pour la biographie ou l’autobiographie.

La forêt de cristal – J.G. Ballard

Pendant l’été, je prends un format poche dans ma bibliothèque pour aller à la plage… Ça permet de relire un livre lu il y a bien longtemps… À l’époque, j’étais assez fan de cette collection « présence du futur » et j’en achetais régulièrement pour découvrir la S.F. J’ai pris celui-là au hasard.

Bon, la relecture de celui-ci ne me laissera pas de grands souvenirs. Une forêt en Afrique se transforme en cristal, irradiant une lumière surnaturelle et fascinante. Le Dr Sanders arrive sur les lieux, invité par des amis eux aussi médecins, à venir voir cet étrange phénomène. Mais la petite ville de Mont Royal est déjà hors d’atteinte, l’armée a bouclé le territoire, et le mal semble s’étendre sur la planète puisque Miami serait aussi touché… Sanders va tout de même trouver le moyen de se rendre sur place…

J’avoue ne pas avoir vraiment accroché, l’auteur s’est échiné à trouver comment décrire cette forêt et n’a pas ménagé ses efforts certes, mais l’ensemble est assez répétitif et sans grand intérêt autre que littéraire (il a vraiment fait le tour de tout le vocabulaire possible pour décrire un phénomène de ce type). Tout cela au détriment de l’histoire qui va se révéler assez ennuyeuse, assortie d’une vague réflexion philosophique sur la mort et la vie éternelle ou un truc du genre qui m’a laissé de marbre (humour !). Bon je n’ai peut-être pas compris, la cristallisation semblerait être devenue l’état ultime à atteindre, mieux que la vie ou la mort :

En termes absolus, il me semble, Max, que toute la profession médicale est peut-être périmée, détrônée. Je ne pense pas que la simple distinction entre la vie et la mort ait encore beaucoup de sens à présent. Plutôt que d’essayer de guérir ces malades, vous devriez les mettre sur un bateau et les envoyer à Mont Royal.

Ce sera d’ailleurs le choix du Dr Sanders à la fin du roman, personnage au demeurant pas très sympathique, son succès auprès des deux femmes qu’il croise dans l’histoire paraissant assez incongru, comme le manque d’épaisseur des personnages féminins, tous deux réduits à ce simple rôle.

J.G. Ballard (1930-2009) est un écrivain de science-fiction et d’anticipation sociale britannique. Il est né à Shanghaï dans la concession internationale où travaillait son père. Il en écrira un livre semi-autobiographique intitulé Empire du Soleil dont Spielberg fera un film. Je me souviens avoir lu Crash ! de cet auteur (livre qui le rendra célèbre) et avoir été un peu choqué à l’époque, et qui a aussi été porté à l’écran.

Lectures, Ubuntu, Smartphone, Cinéma, entre autres…