Retour à Matterhorn – Karl Marlantes

Roman choisi au hasard sur la table du libraire, le petit carton écrit à la main en disait le plus grand bien.

C’est principalement l’histoire de Mellas, jeune sous-lieutenant de réserve, affecté à la compagnie Bravo, qui tient une position au sommet d’une colline appelée Matterhorn, perdue en pleine jungle vietnamienne, et Mellas se demande comment il va bien pouvoir sortir en vie de cette sale histoire. Car la mort est omniprésente, chacun le sait, et la peur est sa compagne. La jungle elle-même est un danger, le terrain est hostile, le ravitaillement souvent impossible provoque la faim et la soif, et la fatigue et le manque de sommeil complètent le tableau.

La compagnie reçoit l’ordre d’abandonner la position pour aller affronter une jungle hostile, pour un périple aussi terrible qu’inutile. Après un bref retour vers les lignes arrière, l’ordre est alors donné à la compagnie d’aller reconquérir la colline, désormais occupée par les vietnamiens. Cela ne se fera pas sans de lourdes pertes.

Tous ces soldats sont des gamins de 18-20 ans, qui connaissent à peine la vie, et que la guerre va transformer ou simplement tuer. Les conflits raciaux propres aux américains sont également omniprésents dans le groupe, et la hiérarchie militaire, par ses décisions largement contestables, va déclencher des réactions incontrôlables.

C’est vraiment un grand roman sur la guerre, qui la décrit comme elle est, avec ce qu’elle fait aux hommes, comment elle les transforme. Le récit est très prenant. Et concernant la guerre du Vietnam, ils savent tous que seuls les vietnamiens peuvent la gagner, et cela prendra le temps qu’il faudra. La vacuité de toute guerre apparaît comme une évidence, au cas où ce serait nécessaire de le rappeler.

Karl Marlantes, né en 1944, est un écrivain américain. Le roman s’inspire de l’expérience de l’auteur au Vietnam, même si tout est pure fiction comme annoncé dans une courte préface.

Journal de voyage Asie 2024 – Thaïlande & Retour

Voilà, j’ai enfin terminé mon journal de voyage 2023-2024 ! Il faut dire que je repars cet hiver, il était donc grand temps de terminer cette dernière partie, à savoir les 2 dernières semaines en Thaïlande et le retour sur Paris.

Je commence à atterrir à Chiang Mai en provenance de Hanoï, puis après une escapade à Pai, je reprends vite l’avion pour fuir la pollution. Je file ensuite à Khao Lak pour passer ma dernière semaine les doigts de pieds en éventail, et je remonte à Bangkok en avion car 15h de bus ce n’est plus de mon âge ! 😉

Et le retour à Paris méritait bien un petit chapitre, car entre KLM qui annule mon billet, et CDG qui dysfonctionne à plein, il faut bien trois mois passé en Asie pour rester Zen ! Je termine par un petit récapitulatif du coût de cet merveilleux voyage…

Comme d’habitude, accès par la barre de menu, « Journal de Voyage » :

Gokapi pour échanger des fichiers

Il vient toujours un moment où l’on a besoin d’échanger des fichiers avec un proche. J’avais jusqu’à présent utilisé Nextcloud, mais sa fonctionnalité de partage ne me convenait pas, alors je me suis mis à la recherche d’une solution alternative, si possible utilisant Docker, afin de l’installer sur mon NAS.

J’ai posé la question sur le forum d’OMV, et j’ai vite obtenu deux réponses, la première m’indiquait un site github très intéressant : Awesome self-hosted, qui liste des applications (en logiciel libre) qui peuvent être auto-hébergés (il y a même une page pour les logiciels non libres). La liste est impressionnante. La deuxième réponse m’indiquait plus précisément l’un d’entre eux, à savoir Gokapi, qui répondait parfaitement à mes attentes.

Voyons voir cette installation qui s’est révélée très simple, en commençant par la raison pour laquelle Nextcloud ne convient pas à ce besoin.

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Jours barbares – William Finnegan

Ce livre était proposé par François Busnel lors de son émission « La p’tite librairie ». Le sujet m’a plu, l’histoire d’une vie, même si j’étais averti qu’il y avait « beaucoup de surf » dans ce récit.

Beaucoup de pages sur le surf donc, mais on y apprend tout de même beaucoup de choses, en particulier la complexité des connaissances à acquérir sur un spot pour en apprécier les qualités et savoir choisir les vagues : les vents, les fonds, la houle, le take-off, la météo, etc… Il faut beaucoup de temps et d’abnégation pour y arriver. Sans oublier les dangers de ce sport, entre les récifs sur lesquels on peut être projeté, et la vague qui vous plaque sous l’eau qui vous obligera à attendre de remonter à la surface pour respirer à nouveau ; si à ce moment là une deuxième vague vous renvoie au fond, cela peut devenir très compliqué…

En dehors de ça, la vie de ce jeune homme passionné qui quitte tout, réfractaire au système, est très intéressante : nous sommes dans les années 70, en Californie :

Avec véhémence, je me faisais l’avocat de l’insoumission, qui, sans doute, modèlerait un peu mon futur, et commençait déjà à bouleverser l’existence des frères aînés de certains de mes amis. La guerre du Vietnam était mauvaise, pourrie jusqu’à l’os. Dans ma tête, l’armée, le gouvernement, la police et les grandes entreprises se confondaient. Comme soudés les uns aux autres, en une unique masse oppressive… le Système, le Pouvoir. C’était à l’époque, bien entendu, l’idéologie politique courante chez les jeunes, et je n’ai pas tardé à ajouter les autorités scolaires à l’ennemi. Mon attitude désinvolte, voire méprisante, à l’égard de la loi, n’était surtout qu’une rémanence de l’enfance, où le défi et les ennuis auxquels on peut se soustraire forment une bonne partie de la gloriole.

C’est bien sûr une époque, mais sa façon de penser et de voyager (au moins dans les premières années), de vouloir s’imprégner des coutumes locales, ça m’a parlé. Parti de Californie à Hawaï avec un ami, il poursuit sa quête des vagues à travers le Pacifique Sud, toujours vers l’ouest : les îles Fidji, Samoa, jusqu’à l’Australie, puis l’Afrique du Sud, où il va se retrouver enseignant dans une école réservée aux Noirs, en plein Apartheid. Cette expérience sera fondatrice. Il va revenir aux États-Unis, à New-York, et y devenir journaliste et écrivain. Mais malgré tout, malgré les années qui commencent à peser physiquement (car le surf demande beaucoup d’énergie), il continue de surfer, encore et encore…

Voilà un autre extrait vers la fin du livre, empreint de nostalgie sur une époque désormais révolue, où le surf était la passion de quelques uns, et où les meilleurs spots étaient un secret jalousement gardé :

Cinq planches de surf rouge sang sont boulonnées à un mur de granit de Times Square. Depuis 1987, date à laquelle j’ai commencé à travailler pour le New Yorker, j’ai traversé Times Square par tous les temps, mais je n’ai commencé à m’y sentir mal à l’aise qu’au cours de ces dernières années. En grande partie à cause de ces planches. Ce sont des pintails en single, au nose élégamment mais exagérément effilé. Ce ne sont pas de vraies planches, seulement un décor – la vitrine d’un point de vente Quiksilver –, mais leur contour en goutte d’eau étirée me rappelle viscéralement un moment de ma vie et un lieu (Hawaï, la fin de mon adolescence), où des planches de forme identique étaient du dernier cri lorsqu’on prenait les plus grandes vagues. Mais, en plus, il y a cette vidéo qui passe en boucle sur les nombreux grands écrans qui surplombent le même magasin. Pour tous les autres passants, ce n’est sans doute que clinquant et plaisir pour les yeux. Cette vague turquoise qui roule d’un écran à l’autre ? Je la connais, cette vague. Elle se trouve dans l’est de Java, à la lisière d’une jungle. Bryan et moi avons campé là-bas, dans une cabane branlante au sommet d’un arbre. C’était dans une vie antérieure. Pourquoi faut-il qu’ils montrent ici cette vague précisément ? Et ce jeune gars qui, le dos voûté, glisse dans ses profondeurs ? Je sais qui c’est. C’est un personnage curieux, en raison surtout de son refus d’exploiter son talent. Il ne concourt pas, ne se livre pas non plus à des démonstrations ostentatoires dans les situations qui, de toute évidence, devraient les appeler. Ses sponsors, dont Quiksilver, le paient pour surfer ainsi avec obstination et style : une sorte de Bartleby postmoderne, admiré dans tout le milieu du surf pour son déni de tout. Et alors, si je reconnais au premier coup d’œil ce flemmard qui enfile un tube indonésien qui m’est familier, quelle importance ? Eh bien, c’est parce qu’il me semble, parfois, que ma vie privée, une partie importante de mon âme, est exposée là, livrée au regard de tous, comme n’importe quelle affiche publicitaire vantant telle camionnette ou tel crédit à la consommation, et ce, sur toutes les surfaces où mes yeux se posent, y compris, dernièrement, sur les écrans de télévision des taxis.
Les surfeurs espèrent avec amertume que le surf se ringardisera un jour comme la pratique des rollers. Alors, peut-être, des millions de kooks renonceront-ils et laisseront-ils les vagues aux seuls purs et durs. Mais les multinationales qui cherchent à fourguer l’image et l’idée du surf sont bien décidées, naturellement, à “promouvoir ce sport”.

Dans ce dernier chapitre, malgré la nostalgie d’une époque, l’auteur garde toujours l’amour et l’envie d’aller surfer dès qu’il en a la possibilité, et c’est sans doute le message qui reste après cette lecture : l’histoire de la passion d’une vie, jamais reniée et jamais épuisée.

William Finnegan, né en 1952, est un écrivain et journaliste américain. Il s’est particulièrement attaqué aux questions du racisme et des conflits en Afrique australe et de la politique au Mexique et en Amérique du Sud. Ce livre (titre original : « Barbarian Days: A Surfing Life« ) a reçu le prix Pulitzer 2016 pour la biographie ou l’autobiographie.

La forêt de cristal – J.G. Ballard

Pendant l’été, je prends un format poche dans ma bibliothèque pour aller à la plage… Ça permet de relire un livre lu il y a bien longtemps… À l’époque, j’étais assez fan de cette collection « présence du futur » et j’en achetais régulièrement pour découvrir la S.F. J’ai pris celui-là au hasard.

Bon, la relecture de celui-ci ne me laissera pas de grands souvenirs. Une forêt en Afrique se transforme en cristal, irradiant une lumière surnaturelle et fascinante. Le Dr Sanders arrive sur les lieux, invité par des amis eux aussi médecins, à venir voir cet étrange phénomène. Mais la petite ville de Mont Royal est déjà hors d’atteinte, l’armée a bouclé le territoire, et le mal semble s’étendre sur la planète puisque Miami serait aussi touché… Sanders va tout de même trouver le moyen de se rendre sur place…

J’avoue ne pas avoir vraiment accroché, l’auteur s’est échiné à trouver comment décrire cette forêt et n’a pas ménagé ses efforts certes, mais l’ensemble est assez répétitif et sans grand intérêt autre que littéraire (il a vraiment fait le tour de tout le vocabulaire possible pour décrire un phénomène de ce type). Tout cela au détriment de l’histoire qui va se révéler assez ennuyeuse, assortie d’une vague réflexion philosophique sur la mort et la vie éternelle ou un truc du genre qui m’a laissé de marbre (humour !). Bon je n’ai peut-être pas compris, la cristallisation semblerait être devenue l’état ultime à atteindre, mieux que la vie ou la mort :

En termes absolus, il me semble, Max, que toute la profession médicale est peut-être périmée, détrônée. Je ne pense pas que la simple distinction entre la vie et la mort ait encore beaucoup de sens à présent. Plutôt que d’essayer de guérir ces malades, vous devriez les mettre sur un bateau et les envoyer à Mont Royal.

Ce sera d’ailleurs le choix du Dr Sanders à la fin du roman, personnage au demeurant pas très sympathique, son succès auprès des deux femmes qu’il croise dans l’histoire paraissant assez incongru, comme le manque d’épaisseur des personnages féminins, tous deux réduits à ce simple rôle.

J.G. Ballard (1930-2009) est un écrivain de science-fiction et d’anticipation sociale britannique. Il est né à Shanghaï dans la concession internationale où travaillait son père. Il en écrira un livre semi-autobiographique intitulé Empire du Soleil dont Spielberg fera un film. Je me souviens avoir lu Crash ! de cet auteur (livre qui le rendra célèbre) et avoir été un peu choqué à l’époque, et qui a aussi été porté à l’écran.

Memos, prise de notes rapides

La gestion de notes est une problématique récurrente en informatique et l’on est toujours à la recherche de la solution parfaite, qui n’existe pas vraiment puisque chacun voit midi à sa porte sur le sujet d’une part, et peut aussi avoir des besoins contradictoires d’autre part.

À chacun donc de trouver sa ou ses solutions, ce ne sont pas les applications qui manquent sur le marché. La première chose à faire est d’ailleurs sans doute de définir ses besoins. Pour ma part, j’utilise deux applications différentes (Joplin et Nextcloud Notes), le seconde me permettant de partager une note par un lien web (pratique). Cela pourrait changer avec Memos…

Car j’avais aussi le besoin de pouvoir noter quelque chose rapidement, une info, une idée, un titre de bouquin, pas forcément pour la conserver dans le futur (encore que…), mais à avoir sous la main en cas de besoin, et surtout rapide à saisir.

Puisque j’ai un joli NAS désormais, et que j’apprécie la simplicité de Docker, j’ai regardé de ce qui existait de ce côté et trouvé Memos, qui sert exactement à cela :

L’interface Web est claire et bien conçue, le serveur s’installe via Docker en deux minutes, Memos semble tout à fait convenir à mes besoins. Et pas besoin d’applications spécifiques pour l’utiliser, tout se passe dans le navigateur.

Voyons voir un peu tout cela, en commençant par la solution que j’utilisais jusqu’à présent, puis à l’installation et l’utilisation de Memos.

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L’heure des prédateurs – Giuliano Da Empoli

J’avais déjà lu Le mage du Kremlin du même auteur, et quand j’ai entendu parler de celui-ci et du sujet abordé, cela m’a intéressé. C’est un essai assez court sur un thème cher à l’auteur, celui de l’arrivée des autocrates, et de la fin de l’ancien monde des démocraties qui même imparfaites respectaient encore certaines règles.

Au passage, payer 19 € pour 152 pages, pour quelques anecdotes de voyages agrémentées de réflexions personnelles, c’est quand même cher payé. D’autant que l’auteur a bénéficié d’une bonne couverture médiatique… Mais pour protéger le prix unique du livre, la solution serait apparemment une taxe sur les livres d’occasion. De qui se moque-t-on ?

Après un premier chapitre un peu décousu, sorte de mini tour du monde en 20 pages en guise d’introduction sur le sujet de ce livre et de ce qui va suivre, l’auteur va chapitre après chapitre raconter, au fil des réunions auxquelles il a pu assister, comment il perçoit les nouveaux acteurs du monde. Et ce n’est guère réjouissant, il prend même César Borgia comme archétype de ces nouveaux prédateurs. Machiavel a aussi sa place, naturellement.

En guise de mise en bouche, il nous parle de Mohamed Ben Salman (MBS), de son sourire permanent et de la bonhomie qu’il dégage. Puis nous rappelle la prise d’otage au Ritz-Carlton de Riyad de toute l’aristocratie saoudienne, et la coercition pour les plus chanceux qui s’en suivit. Ou ce qu’il advint de Jamal Khashoggi lorsqu’il entra dans le consulat saoudien à Istambul pour renouveler son passeport.

Puis c’est le tour de Bukele, président du Salvador, « le dictateur le plus cool de la Terre » comme il s’autoproclame, ou encore « le roi philosophe » comme on peut le lire dans sa biographie. Le Salvador était le pays le plus violent du monde, et les membres des gangs s’identifiaient par des tatouages ; la mesure fut radicale : 80 000 tatoués emprisonnés, dont quelques malheureux fans de rocks… Le Salvador devient dès lors le pays le plus sûr de l’hémisphère occidental ! Et Bukele de proclamer à la tribune de l’O.N.U. :

Certains disent que nous avons emprisonné des milliers de personnes, mais la vérité est que nous en avons libéré des millions, maintenant ce sont les bons qui vivent à l’abri de la peur.

À la différence de MBM, Bukele évolue dans une démocratie, dont il teste constamment les limites, menaçant la Chambre de la colère du peuple lorsque qu’on veut s’opposer à ses plans, modifiant la Constitution pour pouvoir se représenter, et étant élu avec 84% des voix… « Nous ne sommes pas un régime à parti unique », commente Bukele, « nous sommes une démocratie avec un parti hégémonique. »

Après un passage obligé par Trump, le meilleur reste à venir avec les conquistadors de la tech qui l’accompagnent : ce sont eux les nouveaux prédateurs, qui méprisent les anciennes élites politiques, et ne pensent qu’à s’en débarrasser : ils sont pressés, ne respectent pas de règles, convaincus de leur pouvoir, et seule la loi du plus fort compte. S’ils parviennent à leurs fins, les démocraties seront balayées.

Aujourd’hui, nos démocraties paraissent encore solides. Mais nul ne peut douter que le plus dur est à venir. Le nouveau président américain a pris la tête d’un cortège bariolé d’autocrates décomplexés, de conquistadors de la tech, de réactionnaires et de complotistes impatients d’en découdre. Une ère de violence sans limites s’ouvre en face de nous et, comme au temps de Léonard, les défenseurs de la liberté paraissent singulièrement mal préparés à la tâche qui les attend.

Ajoutez maintenant l’IA pour un portrait final encore plus inquiétant. Là aussi l’auteur va nous décrire quelques acteurs clefs de ce monde : deux références en la matière sont canadiens : Geoffrey Hinton (Prix Nobel de physique 2024) ayant quitté Google, où il avait un rôle de consultant, pour pouvoir s’exprimer plus librement sur les risques de l’IA. Et Yoshua Bengio, enseignant au département d’informatique de l’université de Montréal, et qui a refusé les millions de toutes les boîtes du secteur pour garder son indépendance. Ajoutons Yann Le Cun (franco-américain), qui dirige le laboratoire sur l’intelligence artificielle de Meta, le groupe qui possède Facebook, WhatsApp et Instagram. Depuis le prix Turing qui leur a été attribué conjointement en 2018, ces trois-là, Hinton, Bengio et Le Cun, sont considérés comme les pères fondateurs de l’« intelligence artificielle » telle que nous la connaissons aujourd’hui. Seul hic, ils ne sont d’accord sur presque rien.

Au cours d’un déjeuner officiel, Bengio et Le Cun se font face : le premier a l’air humain et les questions qu’il pose sont celles d’un scientifique qui cherche à comprendre. Le Cun a lui un ton péremptoire et n’exprime que des certitudes :

Le Cun a investi les milliards de Zuckerberg dans des modèles open source qui mettent la technologie la plus puissante de l’histoire de l’humanité à la portée de tous, y compris des groupes les plus extrémistes : une technologie qui, parmi ses nombreuses facultés mirifiques, peut doter chaque individu d’un pouvoir de destruction jusqu’ici réservé aux États. Alors que d’autres posent le problème de la dissémination incontrôlée des armes de destruction massive, Le Cun n’a aucune hésitation : l’intelligence artificielle ne présente pas le moindre risque et quiconque prétend ou envisage le contraire doit être plus ou moins un demeuré mental, y compris ses anciens collègues chercheurs.

Dernière partie : l’auteur se retrouve dans une réunion à Lisbonne organisée par Henry Kissinger, avec un beau gratin de gens de pouvoirs (OTAN, Parlement européen, ministres, PDG, milliardaires, militaires, services secrets…), devant deux pontes de l’IA : Sam Altman, le patron d’OpenAI, les yeux écarquillés, le ton monocorde, avec une volonté de puissance sans limites qui transparaît dans chacun de ses propos. Et Demis Hassabis, visage souriant du posthumain affiché, peut-être encore plus inquiétant car derrière son affabilité méditerranéenne, il pense vraiment que le seul espoir de l’humanité est de s’en remettre au dieu numérique qu’il est en train de créer dans la fabrique de DeepMind. Et voilà ce qu’il observe :

Au fur et à mesure qu’Altman et Hassabis progressaient dans leur exposé, leur auditoire affichait une mine de plus en plus déconfite. Le premier souffrant du syndrome d’Asperger et l’autre étant complètement absorbé par sa quête messianique, le patron d’OpenAI et celui de DeepMind étaient aveugles à ce qui se passait, mais le phénomène était frappant. En écoutant les deux papes de l’IA, les simples mortels, bien que tout-puissants, présents dans la salle réalisaient de plus en plus clairement qu’il n’y avait pas le moindre point de contact entre leur expérience et le monde nouveau qui se déployait sous leurs yeux.

C’est peut-être ce décalage qui est le plus inquiétant, deux mondes parallèles, l’un au pouvoir mais tout de même largué face aux nouvelles technologies, et le nouveau monde, avec des prédateurs qui n’hésiteront pas à se débarrasser des vieux meubles. Le portrait dressé de ces types de la Silicon Valley promoteurs de l’IA est aussi glaçant, que reste-t-il d’humain chez eux ?

S’il faut retenir un truc drôle dans cet essai, c’est le petit jeu auquel l’auteur se livrait avec un ami : après chaque voyage, ils attribuaient ce qu’ils avaient vécu à l’une des trois séries suivantes : The West Wing, qui présente une version vertueuse de la politique, ou House of Cards, avec ses politiciens machiavéliques, ou enfin The Thick of It et Veep, deux séries sous forme de comédie des erreurs permanentes, aux personnages inadaptés à leur rôle, essayant désespérément de s’en sortir comme ils le peuvent. Le résultat était, en général, d’environ 10 % de West Wing, 20 % de House of Cards, et le reste de Veep. Faut-il en rire ou en pleurer ? Je vais sans doute regarder Veep… 😉

Giuliano da Empoli, né en 1973, est un écrivain et conseiller politique italo-suisse. Il a été le conseiller politique du président du Conseil italien Matteo Renzi. « Le Mage du Kremlin » est son premier roman, qui a reçu remporté le Grand Prix du Roman de l’Académie française (et donc manqué de peu le Goncourt). Auparavant, il a publié plusieurs essais dont l’un consacré aux spin-doctors nationaux-populistes (Les Ingénieurs du chaos, Lattès, 2019), traduit en douze langues. On voit que le sujet le passionne.

Le Meurtre du Commandeur – Haruki Murakani

J’aime plutôt bien cet auteur : j’avais beaucoup aimé Kafka sur le rivage, un peu moins 1Q84 (trop long), et apprécié L’incolore Tsukuru Tazaki… . Ses histoires oscillent toujours entre le rêve et la réalité, sans pour autant trop basculer dans le fantastique, ce dont je ne suis pas fan. C’est en lisant je ne sais plus quel roman que l’un des personnages lisait celui-ci, cela m’est resté dans la tête et quand je l’ai vu sur l’étagère du libraire, je l’ai pris.

Alors autant le dire tout de suite, je n’ai pas été emballé par ce double opus, l’auteur a cette fois franchi ma limite en ce qui concerne le fantastique et l’invraisemblable. L’intrigue est en plus d’une lenteur incroyable, on s’ennuie ferme, et l’histoire se termine par un retour à la situation du début, au soulagement de tout le monde, celui du personnage principal du roman, et celui de l’auteur sans doute, qui manifestement ne savait plus comment s’en sortir. Une métaphore qui illustre le vide ce roman et son inutilité. C’est par contre bien écrit et raconté, Murakami reste un grand écrivain.

Il y a aussi pas mal de répétitions au fil du récit, bien inutiles à part le nombre de lignes. L’auteur souffre semble-t-il aussi certaines fixations, comme les marques et modèles de voitures, ou la taille des seins des femmes, qui font l’objet de remarques et d’attention constantes au fil du récit. Pour le reste, « le mystère est grand » pourrait être sa devise, sans plus d’explication.

La seule chose plaisante est le récit du narrateur, personnage calme, cultivé et lucide, et son récit est empreint de la culture japonaise, des relations entre les gens pleines de tact, etc… Les autres personnages sont intéressant aussi : Menshiki, un voisin assez original, très riche, qui semble habitué à toujours obtenir ce qu’il veut, et avoir toujours un coup d’avance quand il demande un service, et qui n’inspire pas confiance malgré son extrême amabilité. Il y a aussi Marié, la jeune fille impliquée dans l’histoire, au caractère particulier et à la grande sensibilité. Et d’autres…

Mais le fantastique prend le dessus sur le récit, et si au départ c’est le prétexte de réflexions sur la vie qui ne sont pas sans intérêt, on va partir dans le tome 2 dans un truc sans queue ni tête, qui ne sera pas expliqué et pour cause ! Puis tout va rentrer dans l’ordre, fin de l’histoire, merci de l’avoir suivie.

« La boucle ne sera point bouclée » comme dirait le Commandeur. 😉

Haruki Murakami est né à Kyoto en 1949. Après des études de théâtre et de cinéma, il ouvre un club de jazz à Tokyo avant de se consacrer à l’écriture. Pour échapper au conformisme de la société japonaise, il s’expatrie en Grèce et en Italie, puis aux États-Unis. En 1995, après le séisme de Kobe et l’attentat de la secte Aum, il rentre au Japon.
Quinze ans séparent ce roman de Kafka sur le rivage, et il semble bien que l’auteur ne se bonifie pas avec le temps, ou soit en manque criant d’inspiration.

Pi-hole en container Docker et serveur DHCP

Je continue de profiter de mon nouveau NAS, et cette fois j’installe Pi-Hole dans un container Docker. Je vais ainsi pouvoir dédié mon Raspberry à Volumio, et éviter de devoir faire des modifications à l’image Volumio pour faire tourner Pi-Hole, ce qui me compliquait (ou même bloquait) les mises à jour (de l’un comme de l’autre). Une bonne chose à faire donc.

De plus, avec Pi-hole en mode Docker, va désormais télécharger automatiquement la dernière version (paramètre « latest ») à chaque démarrage. Les « Ads lists » seront également automatiquement mises à jour une fois par semaine. Ce qui est bien pratique, le serveur restera ainsi à jour en permanence.

Mais comme je l’utilise comme serveur DHCP, cela va poser quelques contraintes car il faudra que le serveur réponde aux messages DHCP qui passent en broadcast sur mon LAN. Or ce n’est pas le cas par défaut d’un container Docker (interface réseau en mode bridge). Il m’a donc fallu faire mon choix entre les solutions proposées pour le « network mode ». J’ai finalement opté pour la méthode macvlan, et j’expliquerai pourquoi et les contraintes de ce choix. J’avoue que je me suis bien pris la tête avec ça ! 😯

Pour le reste, tout a été assez facile à réaliser, une fois le bon fichier compose.yaml configuré. En effet, pas mal de choses ont changé avec la v6, y compris les paramètres, etc… Et les tutos que l’on trouve concernent souvent la v5. D’ailleurs, cet article fait référence à la version Docker actuelle (2025.07.1) et donc Pi-hole v6.2.3.

C’est parti !

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Calibre-Web

Puisque maintenant j’ai un beau NAS x64 qui tourne, je peux penser à installer de nouveaux containers. Et j’ai vu qu’il en existait un pour Calibre, le gestionnaire de livres numériques que j’utilise sur le PC.

L’idée est intéressante : rendre la bibliothèque disponible via internet. Le scénario typique, c’est que vous êtes en vacances loin de chez vous, et en manque de lecture : rien de plus simple alors que d’accéder à votre bibliothèque via internet, et de télécharger un livre de votre choix.

L’interface est propre et très fluide :

L’installation du container est simplissime, puis on verra comment copier les livres récupérés sur la liseuse.

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Lectures, Ubuntu, Smartphone, Cinéma, entre autres…