Je continue la découverte de Pearl Buck avec une trilogie nommée « La Terre chinoise », dont le premier tome valut à l’auteur le prix Pulitzer.
Comme à son habitude, l’auteur nous raconte les choses simplement, décrivant le quotidien des paysans et ce à quoi ils font face, quelles coutumes régissent leur vie, les sécheresses ou inondations (provoquant la famine) auxquelles ils doivent faire face etc… Même si une révolution est évoquée et finit par se produire, n’attendez aucune grande explication théorique sur le sujet ou son contexte : seul sera évoqué ce qu’elle produit directement sur les personnages du roman.
Ici, on va suivre d’abord Wang Lung un paysan qui va peu à peu s’élever socialement mais en gardant les pieds sur terre. Ses enfants, éduqués, auront déjà d’autres ambitions que de travailler la terre. La troisième génération verra la révolution arriver et renverser l’ordre ancestral qui régissait toute la vie des enfants (mariage, travail), ces derniers devant obéissance à leurs parents sans autre choix que celui de disparaître. C’est le thème principal de cette trilogie, le passage du monde ancien à un monde nouveau, amené par une révolution vécue du terrain, c’est-à-dire qu’elle ne change pas grand chose pour les pauvres malgré les grandes promesses d’un monde nouveau…
Tome 1 – La Terre chinoise : c’est histoire de Wang Lung, pauvre paysan qui au début de l’histoire ose à peine frapper à la porte de la grande maison d’une riche famille de la ville pour venir y chercher une esclave qu’il a pu prendre pour femme, sa seule possibilité au vu de sa pauvreté. O-len, bien que mutique la plupart du temps, se révélera une femme accomplie, travailleuse, et qui lui apportera plusieurs enfants, dont trois fils. Un peu plus tard, la famine due à une longue sécheresse va les obliger à fuir vers une ville du Sud, où une révolte va permettre à Wang Lung de se constituer un petit capital en participant au pillage de la demeure d’un riche. De retour sur ses terres, en bon paysan, il va investir dans la terre, et peu à peu devenir lui-même un riche propriétaire terrien, son amour de la terre et d’une vie simple ne le quittant jamais. Mais sa famille est dès lors établie, des paysans travaillent la terre à sa place et donnent la moitié de leur récolte au propriétaire, l’argent rentre dès lors facilement. À la fin du récit, il rachète même la grande maison dont il osait à peine franchir le seuil au début du récit… Ses deux premiers fils ont appris à lire, et Wang Lung avait prévu de garder le troisième fils à ses côtés pour en faire un paysan et prendre sa suite. Mais le fait est qu’aucun des trois n’a envie de travailler la terre, et le fils cadet s’enfuit vers le Sud pour rejoindre un seigneur de guerre et devenir soldat.
Tome 2 – Les Fils de Wang Lung : L’histoire reprend où l’on s’était arrêté, et Wang Lung se meurt. Ses fils suivent chacun leur chemin : Wang l’aîné est attiré par la vie facile et les femmes, et se contente de dépenser l’argent qui rentre. Wang II devient un riche marchand, il a gardé de son père le côté pingre, et s’enrichit sans jamais dépenser plus que nécessaire. Le roman va se concentrer sur le troisième, appelé Wang le Tigre. Personnage très sombre et renfermé sur lui-même, craignant les femmes, il va plus ou moins parvenir à atteindre son but : devenir un seigneur de guerre. Il est sans crainte et très loyal envers ses hommes, Il remonte vers le nord et s’établit non loin de sa région natale, et y devient un chef redouté, à la tête d’une armée de mille hommes. Il aura tout de même à cœur de se marier (avec une femme et une concubine simultanément) dans le but avoué d’assurer sa descendance. Sa femme lui offrira une fille, et sa concubine le fils tant espéré qu’il va dès lors prendre sous sa coupe exclusive, et l’élever très durement, le destinant à prendre la relève de son armée le moment venu. Mais là aussi, le fils refuse le destin tracé par son père. Il fait pourtant tout ce qu’il lui demande, mais reste renfermé et mutique, ne montrant jamais le moindre enthousiasme. Des rumeurs de révolution commencent à se répandre au sud…
Tome 3 – La famille dispersée : troisième et dernier opus, et sans doute le plus intéressant, malgré quelques longueurs. C’est l’histoire de Wang Yuan, le fils de Wang le Tigre, qui finit par s’enfuir pour se libérer de l’emprise de son père, n’ayant aucun appétit pour la guerre. Il se retrouve dans une grande ville où la mère de sa sœur va l’accueillir et lui permettre d’étudier, tout en étant au contact d’étrangers très actifs dans cette ville. La révolution se rapproche, des mouvements clandestins font leur apparition, attirant beaucoup de jeunes dont l’un des cousins de Yuan. Il s’agit avant tout pour eux de se libérer de toutes les contraintes des générations précédentes : mariages forcés, place de la femme (pieds comprimés), obéissance totale aux anciens qui décident de l’orientation de votre vie. Bien que peu impliqué, Yuan se fait arrêter lors d’une rafle de la police, et moyennant une forte rançon que la famille entière en se cotisant réussit à payer, il s’exile pour plusieurs années aux États-Unis. Il y étudie énormément, mais reste une personne solitaire et très perturbée, oscillant sans cesse entre fascination et haine pour ces étrangers et leur monde. En particulier quand il rencontre Mary, une jeune fille vers qui il se sent intellectuellement attiré. Comme son père, il a peur des femmes et n’en a encore connu aucune, et avec elles aussi il éprouve des sentiments contradictoires. Il finit par se persuader que seule une femme de sa race pourrait lui convenir. Cette longue partie, l’exil, comporte quelques longueurs, les atermoiements de Yuan étant assez répétitifs, le personnage devenant vite assez énervant par sa vision perturbée du monde. Il est finalement totalement perdu et n’arrive pas à trouver sa place dans ce monde. De retour dans son pays, la révolution a commencé à changer des choses, une nouvelle capitale se construit, mais déjà les promesses faites aux paysans font long feu : peu de choses changent, les pauvres restent pauvres, et les chefs de la révolution s’accaparent les richesses et le pouvoir. Des inondations achèvent de ruiner les espoirs mis en elle. Des rumeurs d’une nouvelle révolution font leur apparition… Yuan finit par trouver l’amour dans les toutes dernières pages. Ouf, c’était pas gagné !!
Pearl Buck (1892-1973) est une femme de lettres américaine et a obtenu le prix Nobel de littérature en 1938. Elle n’a que 3 mois quand ses parents missionnaires partent pour la Chine. Ce n’est qu’à 17 ans qu’elle revient aux États-Unis suivre ses études universitaires, avant de vite retourner Chine où elle épousera un missionnaire agronome, dont elle divorcera peu après être revenue aux États-Unis en 1933. Première femme lauréate du prix Pulitzer qu’elle obtient en 1932. Elle adoptera sept enfants et aura combattu toute sa vie les injustices, défendu les minorités ainsi que les droits des femmes.