Ce livre était mentionné par Bertrand Tavernier dans la postface de La Route de l’Ouest, pour la façon dont l’auteur s’abstient de juger ou de donner des leçons de morale sur les personnages, se bornant à les décrire tels qu’ils pouvaient être à l’époque.
Nous allons donc suivre Walter Grein, chef des éclaireurs, appelé d’urgence à rejoindre un poste avancé, car rien ne va plus dans la réserve Apache : Porfirio, le vieux chef, est parti avec hommes et femmes en direction du Mexique, alors que Toriano, un jeune chef, accompagné de quelques guerriers, sème la terreur chez les colons.
Grein se lance à la poursuite de Toriano avec quelques hommes (indiens ou marginaux, pas de tuniques bleues !), pour une longue traque sans pitié… Sans écouter Busby, un politicien de l’Est, persuadé que l’on peut encore parlementer. Pour Grein, ce Toriano doit être mis hors d’état de nuire le plus vite possible, avant que le situation ne dégénère.
Voilà ce que dit Grein des Apaches :
Les Apaches aussi ont un code. Le voici : le plus fort, c’est celui qui tue le plus de monde. Après lui vient le plus grand voleur. Et en troisième position – mais c’est aussi une force – le plus grand menteur. Vous me suivez ? Comment voulez-vous qu’un homme comme Busby puisse traiter avec des gens pareils ? Son indulgence, ils en rient. Ils la voient comme une faiblesse. Ils ne comprennent qu’une seule chose : la force.
Autre chose… Vous dites « les Indiens ». Mais il ne s’agit pas juste des Indiens. Il s’agit des Apaches. De nombreux Indiens répondent à la gentillesse : les Pueblos, par exemple, ce sont des gens très aimables ; ou même les Navajos, qui ont renoncé à leurs mauvaises coutumes. Mais pas les Apaches. Savez-vous ce que veut dire « Apache » ? C’est un mot zuni qui signifie « ennemi ». Les autres Indiens les ont désignés ainsi – eux-mêmes se nomment les « N’De ». En réalité, « ennemis » est bien le terme qui convient : ennemis de la race humaine et de tout ce qui est vivant.
Le style est très direct, l’auteur ne s’embarrasse pas de fioritures pour décrire les situations ou les pensées des personnages, qu’ils soient indiens, mexicains ou militaires. C’est aussi la vérité d’une époque. Dans ce monde, la moindre erreur peut se payer cash, et la mort arriver brutalement. Tout cela fait un très bon roman, prenant et agréable à lire.
Il y a également une postface de B. Tavernier, qui ne tarit pas d’éloge sur W. R. Burnett, auteur de romans noirs (Le petit César, Rien dans les manches, Quand la ville dort, Good-Bye Chicago, High Sierra…), mais aussi scénariste (Tueur à gage, Scarface…).
High Sierra (La grande évasion) sera adapté au cinéma (1947), scénario de John Huston et de W.R. Burnett, avec Humphrey Bogart. La fille du désert (1949) est un remake en western de High Sierra), et La peur au ventre (1955) une autre adaptation de High Sierra !
Il nous apprend aussi que le personnage de Grein est inspiré par Al Sieber, un célèbre chef éclaireur d’origine allemande, qui a inspiré beaucoup de films : Le sorcier du Rio Grande (première adaptation de Fureur Apache), Bronco Apache, Mr Horn, Geronimo. Mais la véritable adaptation de Fureur Apache, c’est Terreur Apache, un des chefs-d’œuvre de Robert Aldrich, et le plus grand western des années 1970.
J’ai aussi noté cette citation de Patrick McGilligan qui m’a bien plu :
Huston aussi était un rebelle. Les gens confondent rebelle et révolutionnaire. Un révolutionnaire, c’est quelqu’un qui n’a plus de bureau, de pouvoir. Un rebelle, c’est quelqu’un qui s’oppose à toute forme d’autorité, qu’elle soit de droite ou de gauche.
William Riley Burnett (1899-1982) est un écrivain de roman noir et un scénariste américain. Il dit lui-même :
Certains de mes meilleurs livres, à mon avis, sont des westerns. Je me suis passionné pour le Southwest à cause de son multiculturalisme, avec les Indiens, les Latinos, les Anglais… J’ai tendance à penser en trilogies et ma trilogie western comprend Adobe Walls (titre original de Terreur Apache), Pale Moon et Mi Amigo.
Un écrivain à découvrir donc ! Sa trilogie western à continuer, et puis ses romans noirs, dont certains doivent valoir le détour…