Expo Winsor McCay (Little Nemo) à Cherbourg

Little Nemo C’était au mois d’août, je suis allé à Cherbourg pour voir l’exposition consacrée à Winsor McCay, père de la bande dessinée américaine, connu pour son personnage de Little Nemo.

J’avais des souvenirs d’enfance de ces planches de B.D. qui se terminaient toujours par le petit Nemo qui tombait de son lit ou se réveillait… Auparavant, Litlle Nemo nous avait emporté dans les mondes imaginaires de ses rêves.

Impossible par contre de me rappeler où je les découvrais : était-ce directement dans les albums, ou dans une revue publiant une page ? Je me suis renseigné à la librairie, aujourd’hui, on ne trouve qu’un gros (33x45cm)  et magnifique volume à 60€, en anglais… Bel objet certes, mais il faut trouver où le mettre !

Revenons à l’exposition : j’y ai passé l’après-midi, c’était un plaisir de lire toutes ces planches, même en anglais : le vocabulaire est assez simple, et facile à comprendre.

Winsor McCay
Mais j’ai surtout beaucoup appris sur Winsor McCay, le créateur du personnage. Né en 1869 au Canada (même s’il y a quelques incertitudes), il passe son enfance à Spring Lake, Michigan, dans un milieu rural et plutôt modeste :

Je dessinais partout et tout le temps. Je dessinais sur les palissades, des tableaux noirs, des bouts de papier, des morceaux d’ardoise, des murs de grange. Je ne pouvais tout simplement pas m’arrêter.

Il déserte l’école pour aller à un parc d’attractions qui l’attire, « Wonderland » (qui influencera son monde imaginaire). C’est là qu’il commence à vendre des portraits ou des caricatures, et qu’il perfectionne sa technique. Il étudie alors la perspective auprès de John Goodison, un professeur de dessin qui réunit autour de lui six jeunes gens, dans le but « d’expérimenter sur des cobayes une nouvelle façon d’enseigner la perspective ». Goodison déclarera à propos de McCay :

Si ce jeune homme ne fume pas trop de cigarettes, le monde va entendre parler de lui. Il a absorbé tout mon enseignement.

En 1898, il va travailler pour un journal local. D’abord par des dessins d’humour ou des fresques patriotiques, où il en profite pour améliorer ses techniques et son style. En 1903 il s’installe à New-York et rejoint le New York Herald. Il réalise les premières pages avec les « Tales of the Jungle Imps » ; suivront bientôt « Little Sammy Sneeze » (Petit Sammy éternue), « The Story of Hungry Henrietta » (Henriette l’affamée) et « A Pilgrim’s Progress by Mister Bunion », l’histoire d’un malheureux personnage qui ne réussit jamais à se débarrasser de sa valise…

Vient ensuite les « Dreams of the Rarebit Fiend » (Cauchemars de l’amateur de fondue au Chester) dont McCay dessinera plus de 900 pages. Première de ses œuvres à explorer le monde des rêves. C’est en 1905 qu’il crée son personnage de Little Nemo ! Son rythme de travail est impressionnant, dix-huit heures par jour parfois, livrant en plus de la page de Little Nemo, une demi-page des « Cauchemars » et d’autres illustrations chaque semaine.

Il va concevoir les cases comme les fragments d’une entité plus vaste : la planche, et inventera beaucoup de choses sur le sujet : avant lui, les BD de journaux étaient les fameux comic strip, une série de quelques cases disposées en bande horizontale. Son utilisation de la couleur (qui apparaît dans la presse à cette époque) sera aussi novatrice. Little Nemo rencontrera un succès considérable, sera traduit en sept langues. Une comédie musicale est même montée à Broadway, puis parcourra le pays !

McCay ne va pas s’arrêter là : il va devenir l’un des pionniers du dessin animé ! Il commence par dessiner l’un de ses personnages, faisant apparaître le visage de Flip à l’écran : « Watch me move », annonce-t-il… Puis Nemo et ses compagnons apparaissent et se déforment en tous sens… À l’époque, les spectateurs sont persuadés qu’il ne s’agit pas de dessins, mais de photographies de vrais enfants, truquées selon un procédé spécial. Pour les convaincre, il fit un deuxième film, représentant un moustique ridicule, intitulé « How a mosquito operates ». Le public pensa qu’il s’agissait d’une sorte de marionnette manipulée par des fils invisibles !! Le troisième essai fût le bon :

J’y parvins en en dessinant ma fameuse Gertie, le monstre préhistorique dont le modèle a vécu il y a quelque treize millions d’années. Je lui fis dévorer les rochers, arracher un arbre et jeter un éléphant à l’eau. Gertie buvait aussi un lac entier jusqu’à la dernière goutte, se couchait et se balançait à mes commandements, que je ponctuais, sur la scène, de grands coups de fouets. Cette fois les gens étaient enfin convaincus qu’il avaient sous les yeux des images dessinées à la main.

On peut voir quelques-unes de ces animations sur la page wikipedia, ainsi que « Le naufrage du Lusitania » (bteau anglais coulé par les allemands en 1915), un court-métrage de douze minutes qu’il réalisa en 1918, soit le plus long film d’animation de l’époque.

Le 26 juillet 1934, Winsor McCay pousse un cri : « Ma main droite… C’est fini, fini ! ». Et de fait, il ne survit que quelques heures à sa main paralysée. Le lendemain, l’Herald Tribune publie, en même temps que le dessin qu’il n’a pu achever, les témoignages admiratifs des principaux dessinateurs du pays.

Le chapeau de Vermeer – Timothy Brook

LE chapeau de Vermeer - Timothy Brook C’est à la radio que j’ai entendu parlé de ce livre. L’auteur était l’invité de « La fabrique de l’histoire » sur France Culture. Je l’ai trouvé passionnant, et cela m’a donné envie de lire son livre, « Le chapeau de Vermeer », qui raconte le début de la mondialisation au XVIIème siècle.

Tout commence par une chute de bicyclette que fait l’auteur à Delft, la ville de Vermeer. Il visite alors la ville, et nous présente le tableau « La vue de Delft » pour évoquer la Compagnie hollandaise des indes orientales (la VOC) qui va jouer un rôle important dans le développement du commerce et l’enrichissement du pays, en concurrence avec l’Espagne et le Portugal.

Timothy Brook se sert ensuite d’autres tableaux de Vermeer comme autant de prétextes pour nous expliquer la naissance du commerce mondial au XVIIème siècle, à travers les découvertes, les conquêtes, ou le simple développement du commerce, particulièrement entre l’Europe et la Chine.

C’est passionnant et raconté de manière très agréable. Ainsi le chapeau de feutre sur le tableau de Vermeer « L’officier et la jeune fille riant » sera l’occasion de parler de la conquête du Canada par Samuel Champlain, car ce sont les fourrures de castor qui permettront de faire un feutre de qualité. Sur « La liseuse à la fenêtre », ce sera le vase en porcelaine bleu et blanc de Chine qui servira de prétexte à parler de la Chine.

Une grande partie est d’ailleurs consacrée à l’empire Chinois, puisque l’auteur est à la fois historien et sinologue. À cette époque, la dynastie Ming est réticente à s’ouvrir au monde occidental : en effet, l’ouverture au commerce extérieur permettrait l’enrichissement individuel, et ce dernier entraînerait alors la corruption (raisonnement qui en vaut bien d’autres…). De plus, si la porcelaine chinoise a un immense succès en Europe, peu de choses de l’Occident intéressent finalement les Chinois ! Or pour faire du commerce, il faut être deux… Ce sera l’argent (le métal), que les Espagnols extraient en grande quantité des mines d’Amérique du Sud (grâce aux esclaves indiens), qui servira de monnaie d’échange (c’est le cas de le dire), car la Chine a besoin du métal pour frapper sa monnaie.

Nous verrons donc comment un juriste hollandais permettra que l’Espagne ne puisse interdire le commerce à une autre nation, ou comment le tabac connaîtra une inexorable expansion sur toute la planète… Que les explorateurs doivent tout de même financer leurs expéditions, et participer ainsi au développement du commerce. Ou encore par quelle ruse les espagnols acquirent un bout de territoire de Manille : ils demandèrent au rajah un lopin de terre pas plus grand qu’une peau de bœuf, et celui-ci accepta. Ils découpèrent alors la peau de bœuf en fines lanières pour obtenir une longueur d’une douzaine de kilomètres, puis demandèrent au rajah de respecter sa promesse ! (stratagème emprunté à l’Énéide).

Voilà, tout cela fait une lecture passionnante et enrichissante, et limpide de surcroît ! Un livre à recommander sans aucun doute, un vrai plaisir de lecture.

Timothy Brook, né en 1951 à Toronto, est un historien et sinologue canadien. Il est considéré comme un grand spécialiste de l’histoire mondiale, « connectée ». Il a également écrit « La carte perdue de John Selden », qui a l’air d’offrir le même genre de plaisir.

Terreur apache – W. R. Burnett

Terreur apache - W. R. Burnett Ce livre était mentionné par Bertrand Tavernier dans la postface de La Route de l’Ouest, pour la façon dont l’auteur s’abstient de juger ou de donner des leçons de morale sur les personnages, se bornant à les décrire tels qu’ils pouvaient être à l’époque.

Nous allons donc suivre Walter Grein, chef des éclaireurs, appelé d’urgence à rejoindre un poste avancé, car rien ne va plus dans la réserve Apache : Porfirio, le vieux chef, est parti avec hommes et femmes en direction du Mexique, alors que Toriano, un jeune chef, accompagné de quelques guerriers, sème la terreur chez les colons.

Grein se lance à la poursuite de Toriano avec quelques hommes (indiens ou marginaux, pas de tuniques bleues !), pour une longue traque sans pitié… Sans écouter Busby, un politicien de l’Est, persuadé que l’on peut encore parlementer. Pour Grein, ce Toriano doit être mis hors d’état de nuire le plus vite possible, avant que le situation ne dégénère.

Voilà ce que dit Grein des Apaches :

Les Apaches aussi ont un code. Le voici : le plus fort, c’est celui qui tue le plus de monde. Après lui vient le plus grand voleur. Et en troisième position – mais c’est aussi une force – le plus grand menteur. Vous me suivez ? Comment voulez-vous  qu’un homme comme Busby puisse traiter avec des gens pareils ? Son indulgence, ils en rient. Ils la voient comme une faiblesse. Ils ne comprennent qu’une seule chose : la force.

Autre chose… Vous dites « les Indiens ». Mais il ne s’agit pas juste des Indiens. Il s’agit des Apaches. De nombreux Indiens répondent à la gentillesse : les Pueblos, par exemple, ce sont des gens très aimables ; ou même les Navajos, qui ont renoncé à leurs mauvaises coutumes. Mais pas les Apaches. Savez-vous ce que veut dire « Apache » ? C’est un mot zuni qui signifie « ennemi ». Les autres Indiens les ont désignés ainsi – eux-mêmes se nomment les « N’De ». En réalité, « ennemis » est bien le terme qui convient : ennemis de la race humaine et de tout ce qui est vivant.

Le style est très direct, l’auteur ne s’embarrasse pas de fioritures pour décrire les situations ou les pensées des personnages, qu’ils soient indiens, mexicains ou militaires. C’est aussi la vérité d’une époque. Dans ce monde, la moindre erreur peut se payer cash, et la mort arriver brutalement. Tout cela fait un très bon roman, prenant et agréable à lire.

Il y a également une postface de B. Tavernier, qui ne tarit pas d’éloge sur W. R. Burnett, auteur de romans noirs (Le petit César, Rien dans les manches, Quand la ville dort, Good-Bye Chicago, High Sierra…), mais aussi scénariste (Tueur à gage, Scarface…).

High Sierra (La grande évasion) sera adapté au cinéma (1947), scénario de John Huston et de W.R. Burnett, avec Humphrey Bogart. La fille du désert (1949) est un remake en western de High Sierra), et La peur au ventre (1955) une autre adaptation de High Sierra !

Il nous apprend aussi que le personnage de Grein est inspiré par Al Sieber, un célèbre chef éclaireur d’origine allemande, qui a inspiré beaucoup de films : Le sorcier du Rio Grande (première adaptation de Fureur Apache), Bronco Apache, Mr Horn, Geronimo. Mais la véritable adaptation de Fureur Apache, c’est Terreur Apache, un des chefs-d’œuvre de Robert Aldrich, et le plus grand western des années 1970.

J’ai aussi noté cette citation de Patrick McGilligan qui m’a bien plu :

Huston aussi était un rebelle. Les gens confondent rebelle et révolutionnaire. Un révolutionnaire, c’est quelqu’un qui n’a plus de bureau, de pouvoir. Un rebelle, c’est quelqu’un qui s’oppose à toute forme d’autorité, qu’elle soit de droite ou de gauche.

William Riley Burnett (1899-1982) est un écrivain de roman noir et un scénariste américain. Il dit lui-même :

Certains de mes meilleurs livres, à mon avis, sont des westerns. Je me suis passionné pour le Southwest à cause de son multiculturalisme, avec les Indiens, les Latinos, les Anglais… J’ai tendance à penser en trilogies et ma trilogie western comprend Adobe Walls (titre original de Terreur Apache), Pale Moon et Mi Amigo.

Un écrivain à découvrir donc ! Sa trilogie western à continuer, et puis ses romans noirs, dont certains doivent valoir le détour…

Sulak – Philippe Jaenada

C’était pendant l’émission littéraire « 21 centimètres » sur Canal qu’un journaliste recommandait ce bouquin : vie incroyable de cet Arsène Lupin des temps moderne, style haletant de l’auteur…

Si j’ai bien aimé le récit lui-même, j’ai été beaucoup moins fan du style de l’auteur, qui casse souvent le fil du récit pour y insérer des remarques personnelles, parfois totalement décorrélées du récit. Dommage, parce que le rythme du récit est parfaitement maîtrisé par ailleurs, très vivant, et on tourne page après page pour découvrir la vie de cet homme hors du commun. Un vrai polar…

La vie de Bruno Sulak est réellement incroyable, et méritait d’être contée. Le personnage est assez charmeur, intelligent ; il commencera par braquer des supermarchés, et terminera par les bijouteries… Entre-temps, il se sera évadé de prison plusieurs fois, mais sa dernière tentative lui sera fatale.

L’auteur semble s’être beaucoup investi pour écrire ce livre, rencontrant les proches, etc… Ce qui amène à se demander s’il est vraiment objectif dans sa narration : interprétation des faits, moralisation, suppositions inutiles sur la mort de Sulak le présentant comme une victime, l’État et la société étant les vrais responsables… Moi je veux bien, mais Sulak savait parfaitement ce qu’il risquait, c’est quand même la règle du jeu… Nietzsche disait : « l’État, le plus froid des monstres froids », il n’y a rien de plus vrai.

Mais le plus dérangeant, ce sont les digressions fréquentes sur d’autres gangsters, ou d’autres personnages de l’époque (Enrico Macias, Joëlle Mogensen), sans parler de sa vie personnelle (ce qu’il faisait à telle date)… Un peu lassant à la longue, dommage, on sort du récit pourtant bien raconté par ailleurs. Cela a tout de même un bon côté, nous donnant le portrait d’une époque par petites touches, au cours de la courte vie de Bruno Sulak.

Philippe Jaenada, né en 1964 à Saint-Germain-en-Laye, est un écrivain français. Il arrive à Paris au milieu des années 80, et enchaîne les petits boulots. Ses premiers romans sont inspirés de sa propre vie, où il manie la dérision vis-à-vis de lui-même, et est déjà adepte de nombreuses digressions. Sulak est le premier à s’inspirer de faits d’hiver, mais pas le dernier, et toujours avec le même style apparemment.

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Logo Virtualbox

L’autre jour, je me suis retrouvé bloqué avec une machine virtuelle sous Debian Testing : écran noir après le login, la souris fonctionne, mais ça s’arrête là. En fait mon disque dur virtuel était plein, et il a fallu démarrer en recovery mode, me logguer en root, et faire de la place dans le répertoire home de mon utilisateur pour régler le problème.

Restait à étendre le disque pour pouvoir télécharger ce que je voulais, et comme j’ai un peu galéré pour ce faire, je fais un petit article explicatif. Je suis sous Ubuntu 16.04, et j’utilise la version 5.0.40 de VirtualBox, celle livrée et maintenue par Ubuntu.

Quand on crée une machine virtuelle (VM) avec VirtualBox, la taille du disque virtuel est gérée dynamiquement : comme il s’agit d’un fichier (qui va donc occuper de la place sur le disque dur de votre PC), la taille de ce fichier va être réduite au stricte nécessaire afin d’éviter d’allouer sa taille maximum sans en avoir réellement besoin.

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Gabriel et la montagne – Fellipe Barbosa

Gabriel et la montagne - Fellipe BarbosaJe croyais avoir loupé ce film dont j’avais entendu parlé en bien à la radio ; et puis non, il passait encore hier au TNB de Rennes. J’y suis donc allé, sans savoir grand chose du film si ce n’est que c’était à propos d’un voyage ; en fait, nous sommes à mi-chemin entre le film et le documentaire.

Je ne savais donc pas que c’était une histoire vraie, et ne l’ai appris qu’à la fin du film, quand de vraies photos de Gabriel passent en diaporama, et où l’on reconnaît sans hésitation certaines scènes du film, ainsi que les personnages que Gabriel a rencontré. Car si Gabriel, sa copine et les autres touristes sont des acteurs professionnels, les autres sont les vrais protagonistes de l’histoire, ceux que Gabriel a vraiment rencontré !

Gabriel est donc un jeune brésilien qui termine son tour du monde d’un an par l’Afrique. Nous le suivons du Kenya au Malawi, voyageant sans grand budget, sac au dos, façon routard. Il tient à vivre comme les locaux, à faire de vraies rencontres… et se considère comme un voyageur et pas comme un simple touriste. Le personnage est très sympathique, et l’acteur qui l’interprète (João Pedro Zappa) excellent.

Hélas, l’histoire va tourner au drame, je ne dévoile rien, on est averti dès le début du film : Gabriel va trouver la mort à quelques jours de son retour au Brésil. La suite est un long flash-back où l’on revoit tout son parcours africain, et donc les personnes qu’il a rencontré, ce qu’il a fait, comment il voyageait…

La fin est tragique, mais Gabriel commet une grave erreur ; il a pourtant fait le tour du monde, et a du s’aguerrir pendant ce voyage d’un an. Et pourtant, refusant d’écouter les conseils de prudence de son guide, il choisit de partir seul dans la montagne pour une histoire d’expiration de visa, voulant faire en une journée ce qui en demande plusieurs, sous-estimant les dangers ou se sur-estimant lui-même. Un problème assez typique de certains occidentaux.

Un très bon film, j’ai beaucoup aimé, cela donne envie de prendre son sac à dos et de partir à l’aventure ! La seule et vraie manière de voyager…

Personne ne gagne – Jack Black

Personne ne gagne - Jack Black C’était sur France Culture, un matin du mois d’août dernier, où Dominique Bordes était l’invité « culture ». Je connaissais déjà cet éditeur grâce au fabuleux Et quelque fois j’ai comme une grande idée de Ken Kesey, certainement le meilleur roman que j’ai lu depuis longtemps.

Dans la même collection, avec une toujours aussi belle jaquette et un beau papier, c’est cette fois sa propre histoire que Jack Black nous raconte, sorte de gentleman cambrioleur au tournant du XXème siècle. Son récit nous décrit une époque révolue, celle des Hobos (vagabonds) qui erraient dans l’ouest américain, avec leurs règles, leur solidarité, leurs rassemblements. Jack Black va devenir un « Yegg », un perceur de coffre. À cette époque, pas d’empreintes, pas de fichiers centralisés… et la frontière du Canada n’est pas loin.

Il fera tout de même plusieurs séjours en prison, recevra des coups de fouets (la moitié était donnée à l’entrée de la prison, l’autre au moment de la sortie, une fois la peine accomplie !), il aura également droit à la terrible camisole (qui sera interdite rapidement, trop cruelle et rendant les hommes fous), et deviendra accro à l’opium… Il finira par se ranger, pour adopter une vie honnête qu’il n’avait en fait jamais vraiment connue. Il militera ensuite contre la peine de mort, donnant des conférences ; il publiera des articles dans les journaux, puis ce livre ; deviendra archiviste dans un journal. Il disparaît en 1932, peut-être assassiné, peut-être s’est-il donné la mort…

Le témoignage de cet homme est passionnant : tout est raconté sans aucune aménité ni esprit de revanche contre la société (contrairement au Voleur de George Darien, qui lui est révolté par les injustices de la société). Jack Black est devenu vagabond et voleur presque naturellement (orphelin de mère, père absent), c’est le seul monde qu’il connaît vraiment. Mais il va finir par comprendre qu’il ne mène nulle part, si ce n’est à une mort plus ou moins rapide. « Personne ne gagne » car les criminels feraient mieux de se ranger, et la société de punir les criminels comme la justice le fait.

Voilà comme il se présente au début de son récit :

Quand j’ai quitté l’école, j’étais aussi mal dégrossi qu’un garçon de quinze ans peut l’être. Je n’en connaissais pas plus sur le monde et ses étranges coutumes que la sainte femme qui m’avait appris à réciter mes prières au pensionnat. Avant mes vingt ans, je me suis retrouvé dans le box des accusés pour vol avec effraction. J’ai été acquitté, mais ça, c’est une autre histoire. En six ans, j’étais parti de chez mon père, j’avais pris la route. J’étais devenu un voleur à la sauvette, un videur de tiroirs-caisses, un visiteur de maisons mal fermées, un careur de pensions bon marché, un petit cambrioleur à l’avenir prometteur. À vingt-cinq ans, j’étais un expert, un rôdeur nocturne, attentif à ne jeter son dévolu que sur les meilleures maisons, celles des gens aisés, négligents et assurés. J’opérais après minuit, toujours armé. À trente ans, j’étais un membre respecté de la confrérie des yeggs. Ce voleur dont on ne sait rien. Silencieux, méfiant, dissimulé ; un voyageur sans attache, un « travailleur » de la nuit qui fuit la lumière, s’éloigne rarement des siens et reste sous la surface. Sillonnant les espaces, un automatique chargé à portée de main, le yegg règne sur un autre monde, un monde souterrain, le monde des criminels.  À quarante, j’étais un bandit de grand chemin, solitaire et efficace, mais aussi un fugitif, avec pas moins de vingt-cinq ans à naviguer dans les bas-fonds. Une bien triste expérience dans les faits : innombrables vols, effractions, cambriolages. Tous les crimes possibles et imaginables contre la propriété privée. Arrestations, procès, acquittements, condamnations, évasions. Prisons ! Au moins quatre me reviennent clairement. Pénitenciers, centres de détention, cellules en tous genres, casernes, cachots, mitards ; les régimes au pain sec et à l’eau, les mauvais traitements, les coups de fouet et la redoutable camisole. Je revois aussi les fumeries d’opium, les rades à viande saoule, les repaires de voleurs et les cachettes des mendiants. Les crimes aussitôt suivis d’une punition, sous une forme ou sous une autre. Le long de cette route, j’ai rarement eu l’occasion de boire du bon vin. Je n’ai pas souvent posé les yeux sur une femme, ni entendu des chansons. Toutes ces choses qui me sont arrivées pendant ces  années, je vais les raconter ici. Et je vais les raconter comme je les aies vécues : le sourire aux lèvres.

Jack Black (1871-1932), de son vrai nom Thomas Callaghan, est un vagabond, cambrioleur professionnel, écrivain et archiviste pour le San Francisco Call. Sa philosophie de vie a fortement influencé William S. Burroughs et ses écrits la Beat Generation (Kerouac, etc…).

Walden – Henry D. Thoreau

Walden - Henry D. Thoreau Encore un livre que j’ai laissé tomber après une cinquantaine de page. Ça fait deux à suivre après celui de Hannah Arendt… Mais cette fois, ce n’est pas parce que je n’y comprenais rien, mais parce que j’ai trouvé le texte assez ennuyeux.

On le trouve pas mal en librairie en ce moment (j’ai vu jusqu’à trois rééditions différentes côte à côte) parce qu’il vient de passer dans le domaine public : les éditeurs s’en donnent à cœur joie, proposant une nouvelle traduction, plus moderne, plus lisible.

Mais je n’ai pas du tout accroché aux élucubrations de l’auteur, qui semble être un personnage avec une forte personnalité, ayant beaucoup lu, et sûr de ses croyances (ou ses non-croyances). Malgré la nouvelle traduction, le monde a tellement changé depuis que ses considérations sur celui-ci n’ont que peu d’échos aujourd’hui !

Ensuite, la façon qu’a Thoreau d’asséner ses certitudes est un peu fatigante à la longue. Certes, il ne manque pas d’humour parfois, mais pour le reste, il a un côté « donneur de leçons » qui me rendait la lecture assez déplaisante et ennuyeuse. Et souvent, ce qu’il raconte n’a aucun intérêt, si ce n’est pour lui-même.

Comme il le dit dans la citation en exergue du livre :

Je n’ai pas l’intention d’écrire une ode au découragement, mais de me vanter aussi vigoureusement que Chanteclair dressé à l’aube sur son perchoir, au moins pour réveiller mes voisins.

On peut également lire sur le quatrième de couverture que ce livre a été apprécié par des générations d’écrivains américains, à commencer par des représentants de la Beat Generation, et qu’il est aussi à la source de la réflexion écologiste sur l’utilisation des ressources et la préservation des espèces sauvages… Je veux bien, je ne sais pas si c’est le temps qui a passé, mais en tout cas je n’ai vraiment pas accroché ni au style, ni au contenu.

Henry David Thoreau (1817-1862) est un philosophe, naturaliste et poète américain. Walden est son œuvre majeure mais il a également écrit un essai intitulé La désobéissance civile. Il refusa de payer ses impôts à un État qui admettait l’esclavage et faisait la guerre au Mexique (il ne passera qu’une nuit en prison, une de ses tantes ayant payé, contre son gré, à sa place). Il a inspiré les actions collectives menées par Gandhi et Martin Luther King.

La crise de la culture – Hannah Arendt

La crise de la culture - Hannah Arendt Voilà un livre dont j’ai arrêté la lecture au bout d’une cinquantaine de pages : trop ardu pour moi, pensée trop complexe ! Pourtant le sujet est très intéressant, et j’ai fait des efforts, mais vraiment… Et je ne parle pas des mots en grec non traduits, des citations latines qui le sont parfois mais pas toujours (merci !), etc…

Je pense qu’il faut un solide bagage culturel pour pouvoir suivre la pensée de madame Arendt, et moi je suis largué ! C’est dommage, je suis persuadé que l’on peut expliquer les mêmes concepts sans être aussi hermétique (ou ésotérique). Comme si Annah Arendt cherchait à montrer sa culture en même temps ; ça me fait penser à Lou Andréas-Salomé, aussi difficile à suivre.

La préface (écrite par l’auteur) est pourtant assez claire, et m’avait mis l’eau à la bouche. Il s’agit de savoir comment penser à notre époque. Partant du principe que l’homme vit sur une brèche, avec le passé révolu derrière nous et l’avenir inconnu devant, nous devons à chaque génération redécouvrir comment penser le monde, sur la base de nos connaissances accumulées, et en fonction de ce qui nous fait face. Or nous vivons, à notre époque une crise de la culture : le monde moderne marque une rupture avec la tradition, qui avait tenu bon jusque là. Il faut véritablement revoir notre rapport au monde en fonction de cela pour pouvoir penser correctement.

À défaut d’extraits du livre en lui-même, en voilà de la préface ! Hannah Arendt commence par citer une parabole de Kafka sur le passé et le présent :

Il a deux antagonistes : le premier le pousse de derrière, depuis l’origine. Le second barre la route devant lui. Il se bat avec les deux. Certes, le premier le soutient dans son combat contre le second car il veut le pousser en avant et de même le second le pousse en arrière. Mais il n’en est ainsi que théoriquement. Car il n’y a pas seulement les deux antagonistes en présence mais aussi, encore lui-même, et qui connaît réellement ses intentions ? Son rêve, cependant, est qu’une fois, dans un moment d’inadvertance — et il y faudrait assurément une nuit plus sombre qu’il n’y en eut jamais — il quitte d’un saut la ligne de combat et soit élevé, à cause de son expérience du combat, à la position d’arbitre sur ses antagonistes dans leur combat l’un contre l’autre.

Puis, après avoir développé, elle ajoute :

Mais l’ennuyeux est que nous ne semblons ni équipés ni préparés pour cette activité de pensée, d’installation dans la brèche entre le passé et le futur. Pendant de très longues époques de notre histoire, en fait à travers les millénaires qui ont suivi la fondation de Rome et furent déterminés par des concepts romains, cette brèche fut comblée par ce que, depuis les Romains, nous avons appelé la tradition. Que cette tradition se soit usée avec l’avance de l’âge moderne n’est un secret pour personne. Lorsque le fil de la tradition se rompit finalement, la brèche entre le passé et le futur cessa d’être une condition particulière à la seule activité de la pensée et une expérience réservée au petit nombre de ceux qui faisaient de la pensée leur affaire essentielle. Elle devint une réalité tangible et un problème pour tous ; ce qui veut dire qu’elle devint un fait qui relevait de la politique.
Kafka fait référence à l’expérience, l’expérience du combat acquise par « lui » qui tient ferme entre l’affrontement des vagues du passé et du futur. Cette expérience est une expérience de pensée — puisque, comme nous l’avons vu, toute la parabole a trait à un phénomène mental — et elle ne peut être acquise, comme toute expérience, que par la pratique, par des exercices. […] Les huit essais suivants sont de tels exercices, et leur seul but est d’acquérir de l’expérience en : comment penser ; ils ne contiennent pas de prescription quant à ce qu’il faut penser ou aux vérités qu’il convient d’affirmer. Il ne s’agit surtout pas pour eux de renouer le fil rompu de la tradition ou d’inventer quelque succédané ultramoderne destiné à combler la brèche entre le passé et le futur. Tout au long de ces exercices le problème de la vérité est laissé en suspens ; on se préoccupe seulement de savoir comment se mouvoir dans cette brèche — la seule région peut-être où la vérité pourra apparaître un jour. […}
À cet égard, le livre est divisé en trois parties. La première traite de la rupture moderne dans la tradition et du concept d’histoire par lequel l’âge moderne a espéré remplacer les concepts de la métaphysique traditionnelle. La seconde partie discute de deux concepts politiques centraux et liés, l’autorité et la liberté ; elle présuppose la discussion de la première partie en ce sens que des questions aussi élémentaires et directes que : qu’est-ce que l’autorité ? qu’est-ce que la liberté ? peuvent surgir seulement si aucune des réponses fournies par la tradition ne sont plus bonnes ni utilisables. Les quatre essais de la dernière partie, enfin, sont de franches tentatives pour appliquer le mode de pensée mis à l’épreuve dans les deux premières parties du livre aux problèmes actuels immédiats auxquels nous sommes quotidiennement confrontés, non, certes, pour trouver des solutions déterminées mais dans l’espoir de clarifier les problèmes et d’acquérir quelque assurance dans la confrontation de questions spécifiques.

Je ne sais pas vous, mais ça donne envie : apprendre à penser, ça peut se révéler très intéressant dans ce monde moderne où l’on est submergé d’informations. D’autant que les quatre essais sont : « La crise de l’éducation », « La crise de la culture », « Vérité et politique » et enfin « La conquête de l’espace et la dimension de l’homme ».

Je m’y replongerai peut-être un jour… Ou alors c’est le seul livre à emmener en voyage, pour avoir tout le temps de s’y plonger et replonger jusqu’à ce que l’on comprenne la pensée complexe (et très cultivée) d’Hannah Arendt !

Hannah Arendt (19063-1975) est une politologue, philosophe et journaliste allemande naturalisée américaine. Il y a peu de temps, le film éponyme « Hannah Arendt » était passé sur Arte : elle est envoyée (en tant que journaliste juive) au procès d’Eichmann en Israël, et y défend sa théorie de « la banalité du mal » (Eichamnn n’a fait qu’obéir aux ordres, mais parce qu’il est un type médiocre ; en aucun cas elle ne le déresponsabilise), déclenchant une immense controverse.

Dans un si beau pays – The Big Sky 3 – A.B. Guthrie

Dans un si beau pays - The Big Sky 3 - A.B. Guthrie Et voilà donc le troisième et dernier roman faisant partie de la série « The Big Sky ». Certainement le plus sombre des trois ! Peut-être parce que Guthrie l’a écrit plus de trente ans après les deux premiers, à l’âge de quatre-vingts ans.

Nous retrouvons Dick Summers à l’endroit où nous l’avions laissé à la fin de La route de l’Ouest, où il avait emmené le convoi de colons, c’est-à-dire dans l’Oregon. Il souhaite désormais retrouver les grands espaces et retrouver la vie qu’il menait auparavant, faite de liberté et de bivouacs sous le ciel étoilé. Il part avec un nouveau compagnon, Higgins (et son violon).

Il veut aussi retrouver Boone Caudill, son ancien compagnon de route, pour lui expliquer qu’il a commis une terrible erreur en tuant son ami Jim Deakins (cela se passe dans le premier roman de la série). Mais Dick Summers va d’abord retrouver Teal Eye, ou « la captive aux yeux clairs »… avec qui il va s’installer, vivre et même avoir un enfant. Ils trouveront aussi une femme indienne pour Higgins. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, mais cela ne va pas durer.

Car il devient de plus en plus dur de vivre comme dans l’ancien temps, et c’est le sujet principal de ce roman : la présence des hommes blancs s’intensifie, et leur impact sur la nature en même temps. Les temps changent, et vouloir résister peut se révéler dangereux. Un blanc qui vit avec des indiens est-il encore un blanc ?

Après avoir du tuer Boone Caudill, devenu un homme agressif et dangereux qui ne supportera pas de devoir faire face à la vérité, Summers devra se résoudre à aller vivre avec les indiens blackfeet de la tribu de Teal Eye, car la présence des blancs les y oblige… Et les choses finiront par mal tourner : lors d’une expédition punitive (et totalement injustifiée), l’armée massacrera tout le camp, y compris Dick Summers. Comme pour mieux marquer la fin d’une époque, et la fin de l’histoire.

Comme pour les deux autres romans de la série, il y a une postface de Bertrand Tavernier. L’occasion de citer deux films : Jeremiah Johnson (1972) pour la scène où l’on mentionne des indiens catholiques et La flèche brisée (1950) pour le mariage avec une indienne.

A. B. Guthrie (1901-1991) est un romancier et historien américain. D’abord journaliste, puis professeur de littérature, son premier roman The Big Sky (la captive aux yeux clairs) est un immense succès. À 72 ans, il se lancera dans une série de westerns policiers. Quand on lui demanda ce qu’il voulait qu’on grave sur sa tombe, il répondit « Je veux être incinéré et j’aimerais qu’on inscrive sur ma tombe : « J’ai fait de mon mieux. »

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