Archives de catégorie : Littérature

Qui comme Ulysse – Georges Flipo

Qui comme Ulysse de Georges Fipo Ne demande pas ton chemin à quelqu’un qui le connaît, tu risquerais de ne pas te perdre
– Rabbi Nachman de Breslau –

Telle est la citation en incipit de ce livre qu’un collègue de boulot m’avait recommandé alors que nous discutions de mes longs congés à venir, et donc de voyage.

Un recueil de nouvelles, j’ai toujours un peu peur d’être déçu, que l’histoire se termine trop vite ! Et puis finalement, c’est très agréable à lire, une courte histoire, des portraits rapides, le besoin d’être clair et concis. Appréhension totalement infondée donc.

Et ce fût le cas avec ce recueil : on voyage allègrement d’une nouvelle, d’un continent à l’autre. Pas le temps de défaire le sac, une nouvelle aventure vous attend à la prochaine page. Les histoires sont bien ficelées, et le voyageur se retrouve alors face à lui-même dans un contexte qu’il ne maîtrise pas. Elles rappellent aussi des souvenirs de voyage, ou bien les situations narrées vous en rappellent d’autres, vécues celles-là…

J’ai bien aimé « Un éléphant de Pataya », qui se passe en Thaïlande donc, avec un européen confronté malgré lui au tourisme sexuel, et aussi « La partie des petits saints », avec ce maître des échecs qui se fait battre par un type quelque part au fin fond de l’Equateur (et de quelle manière !). Et d’autres encore, le gardien de phare breton qui voyage à sa manière… Vraiment un bon recueil de nouvelles pour se changer les idées.

Georges Flipo est nouvelliste pour la radio (Radio France, France Bleu). Il a publié 3 recueil de nouvelles et un roman.

Vente à la criée du lot 49 – Thomas Pynchon

Vente à la criée du lot 49 - Thomas Pynchon Le libraire de Puteaux me parlait l’autre jour de cet auteur avec enthousiasme, me montrant le gros pavé qu’il était en train de lire : « Contre-jour », le récit démarrant sur les traces des anarchistes de l’Ouest américain à la fin du XIXè siècle… que Thomes Pynchon, l’auteur, vivait caché depuis des années, pas de photos, pas d’interview à la presse… Je décidais tout de même de commencer plus petit, avec Vente à la criée du lot 49, deux cents pages en format poche.

Je crois que j’ai bien fait, je n’ai pas vraiment accroché. Une histoire pour le moins délirante, sans queue ni tête, bien écrit certes, mais bon…Tant qu’à écrire, autant y mettre un peu de contenu. Pourtant j’aime bien les histoire délirantes (je n’ai rien contre en tout cas), mais il me faut tout de même un sens, ou alors quelques passages remarquables. Allez, un seul ?

Tout se passe en Californie, sous le soleil. Les personnages sont tous délirants, prenant éventuellement du LSD comme le psychiatre (il deviendra fou) d’Oedipa (c’est son prénom), qui apprend qu’elle est nommée exécutrice testamentaire de son ex’ (richissime). A partir de là, plus rien n’est certain : découvre-t-elle des choses ? devient-elle folle ? n’est-ce pas son ex qui aurait préparé toute cette extragante histoire ? La dernière page tournée, vous n’en saurez guère plus !

Après un premier délire dont le sommet est une pièce de théâtre abracadabrantesque, le second parait pourtant prometteur : il existerait un système postal parrallèle à l’officiel, utilisé principalement par les minorités de la société (anarchistes, gays, exclus de tous genre, etc..). Et puis il y a ces timbres de collection qui après un examen attentif se révèlent tous porteurs d’un signe identifiant ce fameux système parralèle. J’ai cru que ça allait enfin partir sur quelque chose d’intéressant. Et puis non, la fin arrive et l’on peut tout supposer, et son contraire.

Sinon, c’est très bien écrit, l’auteur est doué pour ça, sans aucun doute. Il incruste dans l’histoire pas mal de références culturelles… mais au vu de l’histoire, il serait imprudent de les prendre comme vraies.
Un bon bouquin du même auteur doit certainement valoir le détour, il suffit de choisir le ou les bons. Pas sûr que celui-ci en fasse partie (j’espère que non en fait).

Thomas Pynchon est né le 8 mai 1937 aux États-Unis. Depuis les années 50, il vit dans l’anonymat le plus complet et refuse toute interview. Il est considéré par la critique américaine, comme l’un des romanciers les plus importants de sa génération.

Sociologie critique – Karl Marx

Karl Marx - Sociologie critique En voyant ce bouquin sur la table du libraire, je me suis dit qu’il était peut-être intéressant de lire Marx, en ces temps où la capitalisme semble rencontrer quelques problèmes « conceptuels ».

Il s’agit de textes de Karl Marx (1818-1883) : lettres, extraits de ses ouvrages, rassemblés par Maximilien Rubel, qui fut l’éditeur des Oeuvres de Marx dans la Pléiade.
De plus, c’est dans la collection Petite bibliothèque Payot, couverture souple en carton, très agréable en main, la perfection en livre de poche !

Bon, il faut pas mal se concentrer pour la lecture, c’est assez dense, et j’ai souvent dû relire plusieurs fois un paragraphe pour essayer de le comprendre. Et d’autres fois, je suis passé directement au suivant ! Mais du point de vue des idées, c’est remarquable, à chacun ensuite d’y réfléchir et d’en tirer ses propres conclusions. Mon bouquin est maintenant rempli de traits sur la marge pour repérer un texte qui m’a frappé !

Marx est indéniablement un grand personnage, très cultivé comme d’autres de ce siècle. Philosophie, histoire, théoricien.. Il va même jusqu’à apprendre le russe (il parle déjà plusieurs langues européennes) dans le simple but de mieux comprendre les idées d’auteurs russes. On imagine le personnage.

Tout ce que je sais, c’est que moi, je ne suis pas marxiste.
KARL MARX

C’est avec cette citation que démarre la première partie de l’ouvrage (la plus facile à lire), plus autobiographique, et composée principalement de lettres de Marx, souvent à Engels, mais aussi de deux documents intimes adressés à sa femme.
La première chose à retenir est donc de ne pas confondre l’homme et ses écrits avec ce que d’autres ont fait dans l’histoire sous le couvert d’un « marxisme » dont il ne se reconnaît pas lui-même. C’est le sens de la citation mise en exergue.

Et comme attendu, concernant la crise actuelle, ces textes écrits au XIXe siècle sont tout à fait pertinents. Continuer la lecture… Sociologie critique – Karl Marx

La reine dans le palais des courants d’air – Stieg Larsson

La reine dans le palais des courants d'air - Stieg Larsson … ou Millenium 3, suite et fin de la trilogie. On retrouve Lisbeth très mal en point (normal, avec une balle dans la tête), mais en vie. L’intrigue reprend son cours, et là encore on accroche tout de suite, suspens, action, l’intrigue est toujours aussi bien menée. Les fils du tome 2 vont se dénouer, et Lisbeth devra passer devant la justice pour sa réhabilitation sociale, aidée par ses amis (car maintenant elle en a !). Un bon cru donc, le dernier hélas puisque l’auteur Stieg Larsson est mort peu de temps après avoir remis ses 3 manuscrits à son éditeur.
Alors tout ce bruit médiatique autour de cette trilogie était-il mérité ? pour moi, c’est un bon polar, qui accroche bien le lecteur, et que l’on a du mal à reposer tant l’intrigue est bien menée. Tout ce que  l’on demande à un polar…

Finalement, quelle société nous décrit Stieg Larsson ? hommes d’affaire respectés qui sont en fait des truands, des mouvements financiers qui échappent à tout contrôle, et d’autres personnalités officielles aux moeurs peu délicates. Un gouvernement qui ne contrôle pas ce que fait sa police secrète, cette dernière ayant complètement dérivée pour tomber dans l’illégalité la plus totale. Des femmes maltraitées, violées, tuées. Une presse et des médias manipulés.

Seul joyau de pureté dans ce monde perdu, un journal indépendant, qui enquête, dénonce et parvient à faire éclater la vérité et gagner les procès. C’est bien là que ça cloche, comme le faisait remarquer Denis Robert ! dans la vraie vie, le journaliste indépendant est harcelé par des groupes aux moyens démesurés, jusqu’à ce qu’il abandonne son combat.

Malgré tout cela, Lisbeth, complètement associale au début de l’histoire, trouvera sa place. Le message est donc terriblement optimiste… Pour le reste, la peinture de la société est assez proche de la réalité ! C’est peut-être la clef de son succès.

Petit cours d’autodéfense intellectuelle – Normand Baillargeon

Petit cours d'auto-défense intellectuelle - Normand Baillargeon Voilà un livre très utile en ces temps de communication si soignée. Il nous rappelle pas mal de principes de bases que l’on a parfois tendance à oublier, et tout cela sur d’une manière très claire et plaisante.
Une véritable initiation à la pensée critique : vous n’entendrez plus les résultats de sondages de la même oreille, ni ne verrez un graphique du même oeil.

La première partie du livre aborde les outils : le langage, la logique, la rhétorique, les nombres, les probabilités et la statistique (la partie maths et stats est un peu ardue, mais il est facile de comprendre l’essentiel).

On y aborde entre autres la démonstration de paralogismes courants (ou l’art de la fourberie mentale et de la manipulation), des rappels sur les nombres fort utiles (les chances de gagner au loto, la difficulté qu’a l’humain à évaluer les grands nombres), etc. On y apprendra également au passage quelques tours de magie, et quelques anecdotes historiques, comme la question du chevalier de Méré à Blaise Pascal, qui donnera naissance à la théorie des probabilités.

La seconde partie est consacrée à la justification des croyances selon les éléments suivants : l’expérience personnelle, la science empirique et expérimentale, et enfin les médias. Cette dernière partie est passionnante, puisque notre société est devenu très médiatique. Extraits :

A propos de la démocratie

Ici, pour la majorité des gens, il s’agit d’une démocratie de spectateurs et non de participants. L’information à laquelle ils ont droit est celle que leur préparent les véritables acteurs de la scène démocratique. Cette information doit les divertir; elle simplifie les informations à la mesure de ce qu’on pense être leur faible niveau de compréhension du monde – niveau que l’on souhaite bien sûr maintenir. Selon ce point de vue, la démocratie sainement comprise est donc fort différente de celle que la plupart des gens ont d’ordinaire et peut-être naïvement en tête.
Dans une des premières éditions de l’Encyclopedia of Social Sciences, parue dans les années 1930, un des plus éminents spécialistes des médias, Harold Laswell, expliquait qu’il importe surtout de ne pas succomber à ce qu’il nommait le « dogmatisme démocratique », c’est-à-dire l’idée selon laquelle les gens ordinaires seraient en mesure de déterminer eux-mêmes leurs besoins et leurs intérêts et qu’ils seraient donc en mesure de choisir par eux-mêmes ce qui leur convient. Cette idée est complètement fausse, assurait Laswell. La vérité est plutôt qu’une élite doit décider pour eux. Cela peut certes sembler problématique, du moins au sein d’une démocratie naïvement comprise. Mais Laswell proposait une solution bien commode : à défaut du recours à la force pour contrôler la population, on peut parfaitement la contrôler par l’opinion.

A propos des médias

Malgré qu’ils soient en droit des outils politiques fondamentaux d’élaboration d’un espace public de discussion, ils sont en passe de renoncer à cette tâche pour ne plus exercer qu’une fonction de propagande et d’occultation du réel. Autrement dit, même s’il n’est guère réjouissant que la télévision verse de plus en plus dans le reality show et autres spectaculaires stupidités, la véritable tragédie se joue désormais chaque soir, au téléjournal, par le recul et l’oubli de la mission politique et citoyenne d’information qui est celle des médias.

Et concernant la dépendance des médias envers la publicité, j’ai noté ceci : « les médias vendent moins des informations à un public que du public à des annonceurs », qui n’est pas sans rappeler le fameux « temps de cerveau disponible » de Patrick Le Lay. Tout le monde est d’accord.

La dissonance cognitive

J’ai bien aimé aussi cette remarque de Chomsky (qui signe le quatrième de couverture) :

[Si] vous vous conformez, vous commencez à obtenir les privilèges que confère le conformisme. Bientôt, parce qu’il est utile de le croire, vous en venez à croire ce que vous dites et vous intériorisez le système d’endoctrinement, de distorsions et de mensonges. Vous devenez ainsi un membre consentant de cette élite privilégiée qui exerce son contrôle sur la pensée et l’endoctrinement : tout cela se produit très couramment, jusqu’aux plus hauts échelons. Il est en fait très rare – c’est à peine si cela existe – qu’une personne puisse endurer ce qu’on appelle « la dissonance cognitive » – dire une chose et en croire une autre. Vous commencez donc à dire certaines choses parce qu’il est nécessaire de les dire et bientôt vous les croyez parce que vous devez les croire.

Je pense qu’il y a beaucoup de gens qui pourtant s’en croient capables.

Normand Baillargeon enseigne les fondements de l’éducation à l’Université du Québec à Montréal.  Il est l’auteur de « L’ordre sans le pouvoir » et de « Les chiens ont soif ». Il est essayiste, militant libertaire et collabore à de nombreuses revues alternatives.
J’imagine qu’il a du aussi participer à des manifestations en première ligne, car il prend souvent comme exemple une société qui fabrique des matraques, quelque soit la démonstration à faire… La répétition en est quoiqu’il en soit très amusante.

Traité de savoir-survivre – Philippe Val

Traité de savoir-survivre par temps obscurs Philippe Val n’est pas que le directeur de la publication et de la rédaction de Charlie-Hebdo, il écrit aussi des livres. Et bien d’autres choses encore, puisque la première fois que j’ai entendu ce nom, je venais d’arriver à Hyères en 1982, et il passait avec son compère de l’époque Patrick Font (Font et Val) au café théâtre « Le bouc étourdi », qui était tenu par des amis. Depuis, Font a mal tourné… et Val m’inquiète (voir l’article précédent) !

Plus sérieusement, c’est un bouquin intéressant. Après une petite intro où Val nous explique comment la philosophie matérialiste (ou athéiste) de Spinoza fût un déclencheur pour lui, le point de départ d’une réflexion toujours vivace. Le travail de la pensée, la philosophie de l’approbation de la vie, sans dieux. La liberté. Je réfléchis donc je suis.

Mais sommes nous vraiment libres ? C’est l’objet de ce livre, Val nous propose de réfléchir à ceci :

– Quelle est la proportion de nos actes dictés par les instincts ?
– Quelle est la proportion de nos actes qui sont le produit de notre liberté ?
– Quelle est la proportion de nos actes dictés par les lois de l’espèce, mais dont nous croyons qu’ils suivent une libre décision ?

Si l’espèce a ses propres lois acquises au long de l’évolution, nous avons les nôtres fraîchement issues de notre libre-arbitre. Si l’individu humain a gagné du terrain sur les lois de l’espèce depuis trois millions d’années, cette dernière reprend parfois le dessus… Et ce qui est bon pour la continuation de l’espèce ne l’est pas forcément pour l’ individu. La guerre par exemple.

Il explore alors différents aspects de la vie, de l’histoire de l’homme sous cet angle. Une suite de courts chapitres sur chaque sujet, autant de réflexions pour nous amener à réfléchir.

C’est en cela que le bouquin est intéressant. Les idées de Val en elles-mêmes… un peu moins : le raisonnement n’est pas toujours objectif, et destiné à servir la démonstration.  Mais après tout il ne fait qu’ouvrir un débat avec le lecteur.

On le sent surtout fasciné par la culture : philo, psychanalyse, littérature classique, etc… Il y fait beaucoup référence, un peu trop parfois. On se demande finalement comment un homme aussi cultivé n’a pas viré Siné plus tôt !

Le noeud gordien – Bernhard Schlink

Le noeud-gordien - Bernhard Schlink Bernhard Schlink, j’avais déjà lu Le liseur, et j’avais beaucoup aimé : très bien écrit, et profond dans les réflexions. Schlink ayant également écrit des romans policiers, à Noël dernier, j’offrais  Le noeud gordien à Blaise (mon beau-frère). Je n’avais pas lu le livre, mais j’étais confiant en pensant au liseur. Cet été, je demandais à Blaise ce qu’il en avait pensé… et il n’avait pas vraiment branché. Je décidais alors de le lire également, histoire de me faire ma propre idée.

Même constat, l’intrigue est plus que moyenne, et la fin sous forme de happy-end peu crédible. L’histoire d’un type seul, traducteur de son métier, qui se retrouve manipulé par les services secrets pour traduire les plans d’un hélicoptère de combat. Une belle espionne lui tombe dans les bras, et il croit au grand amour. Mais tout finira bien, il se jouera seul des services secrets et retrouvera par miracle la belle espionne à New-York. Elle l’aime toujours et attend un enfant de lui. Trop cool ! Quant à l’écriture, rien de très exceptionnel. Bref, un polar moyen, voir décevant. Il se laisse lire, mais on se lasse vite de ces situations si peu crédibles.

Finalement, il suffit de regarder les dates de parution des deux livres : 1988 pour le noeud gordien, et 1995 pour le liseur. Bernhard a fait d’énormes progrès en sept ans !

Dans la dèche au Royaume Enchanté – Cory Doctorow

Dans la dèche au Royaume Enchanté J’avais entendu parler de ce livre en début d’année, à la radio, où le plus grand bien était dit de l’auteur : une nouvelle SF, ayant intégré toutes les technologies modernes, internet, etc… Il n’était pas encore traduit en français, mais allait l’être dans quelques mois. Je le notais dans un coin, et l’ai lu cet été.

Julius travaille à Disney World, fait la quarantaine, mais il a 150 ans en réalité. Peu importe, car le cerveau des humains est maintenant connecté en permanence à une sorte d’internet du futur. Terminaux virtuels au bout des doigts activés d’une simple pensée, idem pour l’écran… ça commence pas mal. Ils peuvent surtout faire une sauvegarde, changer de corps, et restaurer la-dite sauvegarde. Dans ce monde parfait à l’image de Disney World (cherchez l’erreur), et où la mort est vaincue (à condition de bien faire ses sauvegardes), une équipe menace de prendre le contrôle de l’attraction de Julius : la Mansion House.

L’histoire en elle-même est imprégnée de culture américaine, de celle des parcs d’attractions, et plus spécifiquement de cette Mansion House. On a du mal à s’impliquer…
Il n’y a plus d’argent, tout repose sur ton « whuffie », sorte de compteur personnel qui grimpe en fonction de l’estime que te portent les gens (mais qui n’est jamais vraiment décrit en détail, pas plus que la société Bitchum dans laquelle l’histoire se passe). Quand le whuffie baisse, tu deviens une merde, chacun voyant le whuffie de l’autre. Tu perds ton boulot, ta femme te quitte, etc… Dommage, ça aurait pu faire un bon roman de science-fiction.

L’auteur

Cory Doctorow, né en 1971 à Toronto (Canada), est blogueur (blog Boing Boing), journaliste et auteur de science fiction. Il milite à l’Electronic Frontier Foundation, et travaille pour Creative Commons. Ses livres sont téléchargeables gratuitement sur son site, en anglais malheureusement.

L’auteur est certainement intéressant, ce bouquin là beaucoup moins.

La route – Cormac McCarthy

La route Un bouquin offert par ma frangine pendant les vacances en juin. C’est toujours bon à prendre (la route…). Merci Martine.

L’histoire est post cataclysme nucléaire. On ne saura jamais ce qui s’est passé, pas la moindre information sur les causes possibles de la catastrophe, rien qui pourrait éclairer notre lanterne. Le saurait-on d’ailleurs si cela arrivait ?

On va donc se contenter de suivre un homme et son fils qui errent sur la route, poussant un caddy chargé de leurs maigres possessions. Souvent affamés, à la quête constante de nourriture (non contaminée), et toujours sur leurs gardes, se cachant dès qu’une silhouette surgit à l’horizon. Un peu paradoxal dans la mesure où leur but est tout de même de trouver un groupe humain qui les accueille. Bon… il faut reconnaître que les routes sont très mal fréquentées.
Paradoxalement, il ne se passe pas grand chose, et l’on est pourtant pris par l’histoire. Il y a très peu de dialogues, le père et le fils n’échangeant que quelques mots de temps en temps Le monde est hostile, et ils avancent vers le sud fuyant l’hiver et le froid.

Côté écriture, la traduction a fait un drôle de choix, utilisant le « et » dans les énumérations, chose qui se fait en anglais, mais pas vraiment en français… Exemple :

Il retourna à la cuisine et prit le balai et ressortit et balaya le couvercle et posa le balai dans le coin et retira le couvercle de la citerne.

Un peu lourdingue non ? C’est forcément volontaire, et ma foi je ne comprend pas trop. D’autant qu’on le retrouve tout au long du bouquin. Si le traducteur François Hirsch ou quelqu’un d’autre veut bien m’expliquer, je suis preneur.

Pour le reste, c’est plutôt bien écrit, et l’atmosphère de ce monde d’après parfaitement retranscrite. C’est peut-être cela qui nous accroche… Les jours se suivent et se ressemblent, il y a peu d’espoir, et l’homme trouve la force d’avancer pour essayer de sauver son fils. On sent tout de même que l’ écrivain est un américain chrétien, et que tout cela ressemble fort au Châtiment Divin, et tutti quanti.

La fin est nulle, je ne la dévoilerai pas, mais disons que je l’ai trouvée fort improbable. D’autres ont pu avoir la larme à l’oeil…

Cormac McCarthy est né en 1933 à Providence (Etats-Unis). Reconnu comme l’un des écrivains majeur de son époque, il a reçu le prix Pulitzer en 2007 pour ce livre. Il est hanté par la violence des hommes et la question du Mal (Nathalie Crom – Télérama). Son meilleur livre serait Méridien de sang (Blood meridian) : un gamin au Texas qui se retrouve avec des chasseurs d’indiens, plongé dans un monde où seuls les plus violents survivent (« sorte d’anti-western basé sur des faits réels. Noir, lyrique, et violent »). Et même très violent parait-il.

L’homme au bras d’or – Nelson Algren

L'homme au bras d'or Nelson Algren, j’en avais entendu parler lors d’un film sur Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre, au cours des nombreuses émissions célébrant le centenaire de la naissance de Simone de Beauvoir (1908-1986).
Un américain écrivain communiste avec qui Simone noua une relation passionnée… ça valait le coup d’aller voir ce qu’il avait écrit. Et je suis donc tombé sur L’homme au bras d’or.

La première bonne nouvelle en ouvrant le livre, c’est que la traduction est de Boris Vian. Quelques pages plus loin, on se rend compte que Boris a pris sa tâche très au sérieux, comme dans cette réplique de Saltskin-le-Piaf au capitaine de police Casier-Chef :

J’ai nib contre Kvork. C’est lui qui m’aime pas ! protesta cette merveille sans menton. L’fait est, j’respèque not’ cousin pac’qu’i fait son devoir -toutes les fois qu’i m’pique je l’respèque un peu plus. Après tout, faut que tout le monde soye arrêté d’temps en temps. J’suis pas meilleur q’un autre…

Un peu déroutant au début, mais on s’y fait vite, et heureusement tous les personnages ne parlent pas comme Le Piaf. Par contre il y a pas mal de mots d’argots… Boris Vian a fait une traduction au plus serré ! C’est très bien écrit, l’univers et la faune de Division Street, dans les bas-fonds de Chicago des années 40 magnifiquement raconté. On se laisse vite emporter dans ce monde étrange et déroutant, et faisons peu à peu connaissances avec les gens du quartier… et leurs moeurs.

Frankie Machine, dit la Distribe, est donneur de cartes dans un tripot clandestin, mais rêve de devenir batteur dans un orchestre. C’est lui L’homme au bras d’or. Revenant de l’armée avec plein de bonnes intentions (il y a décroché de la drogue), il retrouve sa femme, ses amis, son quartier. Mais on ne change pas de vie comme ça. Et à traîner dans le secteur, le passé va très vite reprendre sa place ; Frankie devra affronter de nouveau « le singe », qui vient s’agripper à ton dos pour ne plus jamais te lâcher, comprenez l’héroïne.
Si le monde décrit est dur, les personnages sont hauts en couleurs, et les anecdotes les plus farfelues circulent :

Pourtant, tout en filant dans le sommeil, il eut l’impression que le temps était en réalité la vieille chatte grise sourde-muette d’Antel le Tôlier; elle restait couchée tout le jour sur le bar et étudiait les piliers de bar avec une tolérance inflexible du même genre. Chacun croyait la chatte muette; on ne l’avait jamais entendu ronronner. Seul Antek en savait plus long : lui seul avait entendu ronronner la vieille chatte. « Et quand tu l’entends ronronner, celle-là, t’es fini. »
Antek y croyait dur. « Celle-là, elle garde le compte de tous les coups que t’as descendus tous les jours. Aussi longtemps que t’es un buveur corèque, è ronronne pas. Mais quand t’arrives au coup qui te collera chez les ivrognes pour de bon, alors è sait que toute ta vie tu pourras plus te sortir de la bouteille, et è ronronne une fois pour toi. Elle a ronronné pour moi, et è ronronnera pour toi, et de mes propres oreilles je l’ai entendue ronronner pour Ramdam. »

Ramdam étant un chien amateur de bières !!
Les personnages vivent tous plus ou moins de combines, boivent tous plus qu’il ne faudrait, mais la plupart sont honnêtes et ont des rêves de bonheur tout simple. Ils sont simplement perdus dans ce monde moderne auquel ils ne comprennent rien.

Les coeurs en forme de carte postale, c’est plus du tout à la mode; Ce qui se demande, c’est le coeur avec un peu de fer, et du fer un peu tordu. Un coeur aérodynamique, mettons, avec une griffe comme arrache-clous, plus commode pour démolir que pour réparer les vieux machins, c’est ça qu’il faut pour se défendre maintenant. C’est la nouvelle mode. Le coeur non-galvanisé, ça ne tient plus le coup assez bien.
Des coeurs avec un peu de fer tordu – ça, ça fait des bons coeurs de fripouilles.

Frankie rechutera, et ça se finira mal.

C’est comme ça, Solly. Tu lâches la came pendant des mois et des mois, tu te ramènes du singe à zéro. Tu triomphes. Tu y arrives enfin.
Tu sais que tu as vaincu. Tellement bien que quand le pourvoyeur te dit « ce coup-ci je t’en file une dose à l’oeil – un nouveau truc que je veux que t’essaies – » tu lui rigoles au nez en lui disant: « Essaie-le toi-même. » Et quand il te dit, l’air innocent, « la seringue est dans le tiroir du haut, sers-toi quand tu voudras », pour te mettre dans le crâne qu’il n’y a rien de plus facile, tu le laisses tomber aussi sec. Parce que t’y remettre, c’est le seul truc dont t’auras jamais plus besoin de ta vie.
Trois semaines plus tard, tu te réveilles, il fait noir, et c’est pas comme la nuit – le matin non plus – c’est simplement l’Heure de la Came. Ça vient comme une vague, tout là-bas, de plus en plus grosse, et qui t’arrive dessus jusqu’à ce qu’elle soit aussi grosse que cet hôtel, elle te tombe sur le râble et c’est fini.

Excellent bouquin.

Le film

affiche du film La pochette du bouquin provient d’un film d’Otto Preminger, avec Franck Sinatra et Kim Novak (1955). Je l’ai regardé (après avoir lu le livre bien sûr) : l’histoire a été très nettement adoucie, le niveau de vie amélioré, la quantité d’alcool largement évaporée, et la fin est carrément trafiquée en happy-end : on peut supposer sans se tromper que Frankie et Molly se marieront et auront beaucoup d’enfants.

Tout ce que je peux dire, c’est que dans le bouquin, ça ne se passe pas du tout comme ça. Mais bon, Frankie n’est pas Sinatra, ni Molly Kim Novak…