Journaux de voyage – Albert Camus

Journaux de voyage - Albert Camus Deuxième livre d’Albert Camus après Le premier homme, dernier roman (inachevé) de l’auteur.

Celui-ci n’est pas un roman, mais un recueil de deux cahiers concernant deux voyages, l’un aux États-Unis (1946), le second en Amérique du Sud (1949).

Ce petit livre se lit très vite. Il s’agit d’un véritable journal de voyage, et la forme littéraire n’est pas toujours là, ce sont parfois de simples notes jetées sur le papier, avec des phrases très courtes, mais d’autres fois, le texte et la réflexion sont plus élaborés.

Camus se servait par la suite de ces « cahiers » pour écrire ses romans. Ainsi certains passages ébauchés ici se retrouvent dans des romans, retravaillés. Une façon de voir comment l’auteur construit son œuvre.

C’est très agréable dans l’ensemble, on perçoit un peu de la personnalité de Camus, à lire ce qu’il pense de telle soirée, ou de telle rencontre… c’est parfois sans pitié !

Voilà quelques exemples. L’arrivée à New-York d’abord :

Fatigué. Ma grippe revient. Et c’est les jambes flageolantes que je reçois le premier coup de New-York. Au premier regard, hideuse ville inhumaine. Mais je sais qu’on change d’avis. Ce sont les détails qui me frappent : que les ramasseurs d’ordures portent des gants, que la circulation est disciplinée, sans intervention d’agents aux carrefours, etc., que personne n’a jamais de monnaie dans ce pays et que tout le monde a l’air de sortir d’un film de série.

Avant d’arriver à Rio :

Nous arrivons dans deux jours. Tout d’un coup, l’idée de quitter ce bateau, cette cabine étroite où j’ai pu abriter pendant de longs jours un cœur détourné de tout, cette mer qui m’a tant aidé, m’effraie un peu. Recommencer à vivre, à parler. Des êtres, des visages, un rôle à jouer, il y faudrait plus de courage que je n’en sens. Par bonheur, je suis en pleine forme physique. Il y a pourtant des moments où je voudrais éviter la race humaine.

Après une réception avec un hôte particulièrement pédant :

Mais Chamfort a raison : quand on veut plaire dans le monde il faut se résoudre à se laisser apprendre beaucoup de choses qu’on sait par des gens qui les ignorent.

Enfin, après avoir exprimé sa satisfaction d’avoir passé une soirée avec des compatriotes :

Le soir, dîner chez Robert Claverie. Rien que des Français, ce qui me repose. Quand on parle une langue étrangère, il y a, dit Huxley, quelqu’un en soi qui dit non de la main.

Albert Camus (1913-1960) est un écrivain, philosophe, dramaturge français, né en Algérie. Il est aussi journaliste engagé dans  la Résistance française durant la seconde guerre mondiale, et proche des courants libertaires dans les combats moraux de l’après-guerre.

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