Le Gouffre, et autres récits – Andreïev

Le gouffre - Andreïev Ce recueil de nouvelles m’a été conseillé par le libraire de Puteaux, admirateur de la littérature russe, et enthousiaste sur Andreïev et les personnages qu’il met en scène. Comme pour Lermontov, j’ai éprouvé un grand plaisir à lire ces histoires. L’écriture est magnifique, fluide et précise : ce doit être lié aux écrivains russes…

Le Gouffre est le premier volume de l’édition intégrale de ses récits : les premières nouvelles sont certainement autobiographiques (souvenirs d’école, d’enfance) et les personnages souvent hauts en couleurs sont décrits avec une véritable tendresse. J’étais bien accroché… mais voilà, le côté innocent des récits de jeunesse ne va pas durer. Voilà ce que déclarait Andreïev en 1891, âgé de 20 ans :

Je veux prouver qu’il n’est en ce monde ni vérité, ni beauté, ni bonheur fondé sur la vérité, ni liberté, ni égalité — il n’y en a  pas et il n’y en aura jamais. […] Je veux montrer l’inconsistance de ces fictions sur lesquelles l’homme s’est appuyé jusqu’à aujourd’hui : Dieu, la morale, l’au-delà, l’immortalité de l’âme, le bonheur humain, etc. Je veux être l’apôtre de l’auto-anéantissement. […] Je veux, dans mon livre, agir sur la raison, les sentiments, les nerfs de l’homme, sur toute sa nature animale.

Et très vite, les nouvelles vont s’assombrir : si le style est toujours majestueux, et les descriptions de la nature toujours somptueuses, presque romantiques… le destin des personnages laisse effectivement peu de place à un réel espoir.

« Le Gouffre », la nouvelle qui sert de titre au recueil, est situé à la page 435, tout près de la fin du livre… c’est sans aucun doute la plus noire.  J’ai bien aimé « L’histoire de Sergueï Pétrovitch », celle d’un jeune étudiant passionné par la doctrine de Nietzsche, mais qui finira par se suicider… « Le mur » ferait presque frissonner…

J’ai donc eu un peu plus de mal sur la deuxième partie du livre, d’autant que les descriptions de la nature, pour être toujours très belles, m’ont semblé un peu répétitives, comme si l’auteur s’y accrochait désespérément comme à la seule chose lumineuse dans la vie.

Léonid Andreïev (1871-1919) est un écrivain et dramaturge russe, profondément marqué par Schopenhauer et Nietzsche. Il connait le succès puis sombre dans l’oubli ; il meurt des suites d’une tentative de suicide raté quelques années auparavant. On doit son arrivée en France à Laurent Terzieff qui monta la pièce « La Pensée ».

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