Fils de dragon – Pearl Buck

Je m’étais fait une liste de romans de Pearl Buck à lire, et celui-ci devait être le dernier. Mais il se termine par un magnifique « À SUIVRE » qui va m’obliger à ajouter un livre à ma liste… D’autant que c’est un bon cru, décrivant un moment de la grande Histoire (la seconde guerre sino-japonaise), toujours raconté très simplement par l’auteur, mais où beaucoup de choses sont dites, et certaines particulièrement dures.

Nous allons suivre comme souvent une famille de paysans, celle du patriarche Ling Tan, personnage central du roman. Il cultive sa terre non loin de la ville de Nankin, avec sa femme, ses trois fils dont deux sont mariés… Une vie simple, traditionnelle et finalement assez heureuse.

Mais l’invasion japonaise va venir fracasser tout cela. D’abord par des bombardements massifs auxquels les paysans ne comprennent rien, puis l’invasion de la ville et le massacre qui s’en suivit, et enfin l’occupation par les japonais se comportant en véritables tortionnaires. Tout en conservant le ton anodin que l’auteur affectionne, rien n’est caché de l’horreur de la guerre et des exactions que commettent les soldats : viols des femmes fussent-elles âgées ou d’adolescents, meurtres, pillage, tout y passe. Les récoltes des paysans sont en majorité saisies, leurs animaux abattus pour nourrir l’occupant… Il ne s’agit alors plus dans un premier temps que de survivre par tous les moyens pour la famille de Ling Tan.

Les japonais iront jusqu’à réintroduire l’opium pour mieux asservir la population. Les fils de Ling Tan vont partir dans les collines pour résister, et lui va persévérer en cultivant sa terre, luttant avec les autres villageois comme ils le peuvent contre l’envahisseur. Certains chinois choisissent de collaborer, ou tout au moins de tirer profit de la situation, ce qui fait réfléchir Ling Tan, et comme toujours avec les personnages de Pearl Buck, la référence ultime reste la terre :

« Comment connaître le coeur des hommes, maintenant ?» se dit Ling Tan. Tout autour d’eux, tandis qu’ils marchaient, s’étendait la campagne familière, la terre toujours fertile malgré les villages détruits et noircis par le feu. Sur cette route, autrefois animée par des fermiers allant vendre leur marchandise au marché, des ânes portant sur le dos des sacs de riz mis en croix, des colporteurs allant offrir leur marchandise dans les villages, des paysans poussant des brouettes, il n’y avait presque plus personne.
Mais la terre était toujours là, et ce qu’elle avait donné une fois, elle pouvait encore le donner, si on ne la trahissait pas. Ling Tan regarda la poussière brune de la route qui collait à ses pieds chaussés de sandales, et dit à son fils :
— Nous qui travaillons la terre, nous ne devons pas lui manquer. Laissons trahir ceux qui sont au-dessus de nous s’ils sont mauvais à ce point, mais nous, ne trahissons pas la terre.

L’histoire est assez prenante, chacun des fils réagissant différemment, et la résistance s’organisant petit à petit. L’armée chinoise s’est retiré à l’intérieur du pays, et l’on peut rejoindre « le pays libre » pour mieux préparer une future contre-attaque contre l’envahisseur, ce qui entretient malgré tout l’espoir. Et puis, quand Ling Tan a presque abandonné tout espoir, on entend dire qu’à l’autre bout de la planète, d’autres peuples combattent le même ennemi : les mystérieux habitants du pays des Mei et celui des Ying. L’espoir renaît et Ling Tan sent des larmes lui monter aux yeux…

Bon roman, les personnages sont attachants, l’histoire laisse peu de répit, même s’il y a bien une partie un peu à l’eau de rose quand il s’agit de trouver une femme à la hauteur de Lao San, le troisième fils, devenu un valeureux combattant, mais bon… La belle Mayli aura son rôle à tenir dans la suite du roman (que je suis en train de lire) !

Historiquement, nous sommes en 1937, et il s’agit de la seconde guerre sino-japonaise. Après avoir conquis Shanghai, les japonais arrivent à Nankin, la capitale provisoire choisie par Tchang Kaï-chek. Le bombardement stratégique de la capitale, destiné à tuer des civils, et les massacres qui s’ensuivent, indignera le monde civilisé et vaudront au Japon un blâme de la Société des Nations. Le Japon espérait alors terminer cette guerre en quelques mois, mais ce ne sera pas le cas : Tchang Kaï-chek se retire avec son armée à l’intérieur de la Chine utilisant son vaste territoire comme arme défensive. Cette guerre ne prendra fin qu’avec la capitulation des japonais en 1945.

Pearl Buck (1892-1973) est une femme de lettres américaine et a obtenu le prix Nobel de littérature en 1938. Elle n’a que 3 mois quand ses parents missionnaires partent pour la Chine, et parlera chinois avant l’américain. Ce n’est qu’à 17 ans qu’elle revient aux États-Unis suivre ses études universitaires, avant de vite retourner Chine où elle épousera un missionnaire agronome, dont elle divorcera peu après être revenue aux États-Unis en 1933. Première femme lauréate du prix Pulitzer qu’elle obtient en 1932. Elle adoptera sept enfants et aura combattu toute sa vie les injustices, défendu les minorités ainsi que les droits des femmes.

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