Tatoo – Earl Thompson

Suite de l’excellent Un jardin de sable, on retrouve Jack à 14 ans, revenu à Wichita (Kanzas), chez ses grands-parents, vivotant dans la misère et la pauvreté la plus totale. Économiquement, l’après-guerre n’est guère plus réjouissant que l’après-Grande Dépression !

Il est toujours aussi peu adapté à la société : il a d’une part une addiction au sexe qu’il ne contrôle pas, et ne voit les femmes qu’à travers ce prisme (les scènes décrites de ses expériences sont toujours très crues) ; d’autre part, il ne comprend pas que le peu de potes qu’il fréquente soient toujours dans la frime, à jouer les machos, et que s’il ne fait pas pareil, il passe pour un homo. Il est finalement très solitaire, et n’a pratiquement pas de vie sociale.

Il a toujours accroché au cœur cette angoisse qui l’étreint dès qu’il lui arrive quelque chose de positif, lui disant qu’il va forcément être démasqué et devra retourner à sa misère et son exclusion sociale. Au point de provoquer l’échec lui-même parfois.

Il réussit bientôt à s’engager dans la Navy en trafiquant son acte de naissance, son seul espoir de sortir de l’impasse dans laquelle il se trouve et de se trouver un avenir, loin de cette ville qu’il connaît si bien.

C’est toujours aussi addictif comme lecture, le style est fluide, et le milieu décrit d’une pauvreté terrible. Il en ressort que lorsqu’on est issu des classes sociales défavorisées, né du mauvais côté de la vie, il est très difficile de s’en sortir. Et même quand Jack se retrouvera à l’université à son retour de la Navy, il fera l’amère expérience que là aussi, le savoir semble réservé à un milieu dont il ne fait pas partie, dont il ne possède pas les codes. La solidarité qui existait encore à l’époque de la Grande Dépression a disparu, remplacée par une envie égoïste de s’enrichir, quelqu’en soit le prix.

Petit extrait, au moment où sa mère vient de mourir :

Docteurs, infirmières, bonnes sœurs, famille, ils étaient tous réunis là, en cet instant, à la mort d’une brave femme qui, en raison des circonstances, de l’ignorance et d’une vulnérabilité de surface, avait dû faire commerce de son corps. Elle lui avait donné tout ce qu’elle avait pu. Et en donnant ce qu’elle-même jugeait si dérisoire, peut-être préservait-elle quelque chose de profondément intime. Il fallait qu’elle sache quelque chose, pour mourir ainsi dans une solitude aussi calculée.
Il l’aimait beaucoup, il l’admirait aussi.

Earl Thompson (1931-1978) est un écrivain américain. Le jardin de sable et ce roman sont largement autobiographiques. Il en publiera un troisième (Caldo Largo) puis meurt d’une rupture d’anévrisme à l’apogée de son succès. Un quatrième roman sera publié après sa mort, intitulé “The Devil to Pay”, qui vient clore la trilogie autobiographique entamée avec ses deux premiers romans. Malheureusement il n’est pas encore traduit en français semble-t-il.

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