L’hiver dans le sang – James Welch

C’est avec « La petite librairie » que j’ai entendu parler de ce livre, en écoutant d’une oreille distraite ce qu’en disait François Busnel. Je ne savais donc pas trop à quoi m’attendre en le commençant, à part que l’auteur était d’origine indienne.

Nous sommes dans les années 60, et c’est l’histoire d’une errance, celle d’un indien qui erre dans le monde contemporain, en se remémorant son enfance avec son frère aujourd’hui disparu. Tout comme son père, retrouvé mort dans un fossé en voulant rentrer chez lui, ivre, lors d’une nuit d’hiver comme en réserve le Montana.

Le narrateur, dont on ne connaîtra pas le nom, est censé vivre chez sa mère et sa grand-mère, cette dernière ayant été la troisième épouse de Standing Bear, un grand chef Blackfeet. Il va partir à la recherche d’une fille qu’il a ramené un jour et que l’on prend pour sa femme… De bar en bar, échangeant des dialogues parfois surréalistes avec des personnages qu’il croise au hasard de sa quête, une atmosphère est tracée, un monde apparaît et c’est toute la force de ce roman. Dès la première page, le ton est donné, il n’y a plus qu’à se laisser emporter :

Rentrer à la maison, ce n’était plus très facile. Ça n’avait jamais été une partie de plaisir, mais c’était devenu un véritable calvaire. Ma gorge me faisait mal, mon genou abîmé me faisait mal et ma tête me faisait mal dans la fournaise.[…] Rentrer chez ma mère et une vieille qui était ma grand-mère. Et la fille qu’on prenait pour ma femme. Mais elle ne comptait pas vraiment. D’ailleurs, aucune d’elles ne comptait ; elles n’étaient plus rien pour moi. Sans raison spéciale. Je n’éprouvais ni haine, ni amour, ni remords, ni mauvaise conscience, rien qu’une distance qui s’accroissait au fil des ans.
C’était peut-être le paysage, la prairie grillée sous le soleil éclatant, le vert pâle de la vallée de la Milk River, les eaux laiteuses de la rivière, l’armoise et les peupliers, les plaines desséchées et craquelées qui se transforment en marécages dès qu’arrive la pluie. Ce paysage avait créé une distance aussi vaste qu’il était désert, et les gens se toléraient et se traitaient de même avec distance.
Mais celle que je ressentais ne venait pas du paysage ni des gens ; elle venait de moi. J’étais aussi loin de moi qu’un faucon de la lune. Et c’était pour ça que je n’éprouvais aucun sentiment particulier à l’égard de ma mère et de ma grand-mère. Ou de la fille qui vivait avec moi.

James Welch (1940-2003), est un romancier et poète américain, né dans la réserve indienne des Pieds-Noirs, dans le Montana. L’hiver dans le sang est son premier roman, qui connaîtra le succès et ouvrira la voie à plein d’autres auteurs amérindiens.

Reine de cœur – Akira Mizubayashi

J’avais beaucoup aimé L’âme brisée du même auteur, alors je me suis dit pourquoi ne pas lire celui-ci ?

Je n’ai pas ressenti autant d’émotion avec cet autre roman, sans doute parce que les histoires sont proches par les thèmes évoqués : histoire franco-japonaise, monde de musiciens classiques, instrument qui traverse les années et l’espace (ici l’alto a remplacé le violon), et aussi la guerre, la séparation, etc…

La magie du roman précédent n’est plus là, et une légère impression de déjà lu ne peut s’empêcher d’être présente, et même si l’histoire est différente, elle est un peu convenue et offre peu de surprise. Peut-être même un peu d’ennui ?

Akira_Mizubayashi, né en 1951, est un écrivain japonais, d’expression japonaise et française. Ce roman a été écrit directement en français.

La dernière séance – Larry McMurtry

J’ai beaucoup aimé Lonesome dove de cet auteur, j’ai aussi été déçu par d’autres romans… Bref, j’ai tenté celui-ci, un peu en référence au titre et à l’émission d’Eddy Mitchell qui nous a longtemps proposé de bons classiques de l’âge d’or du cinéma américain, en début de soirée sur FR3, ce qui ne nous rajeunit pas ! 😉

Je m’attendais à un roman de type « western », mais non, l’histoire se passe dans les années 50 dans une petite ville du Texas perdue aux confins du désert. Duane et Sonny s’ennuient ferme, travaillent à la plateforme pétrolière après le lycée pour se faire un peu d’argent de poche, et pensent beaucoup aux filles et à leur première expérience sexuelle qui ne saurait tarder (c’est le sujet principal du roman et il est traité sans filtre !)… Duane est amoureux de Lacy, la plus belle jeune fille du lycée (mais d’une famille riche), et Sonny ne va pas tarder à larguer la fille avec qui il sort sans grande conviction. Ils vont tous se trouver confrontés à la vraie vie, qui sera bien différente de ce qu’ils imaginaient, pour le meilleur et pour le pire…

Cette chronique d’une petite ville est finalement assez touchante, et raconte de façon assez cash les premiers émois amoureux de jeunes hommes et femmes de cette époque dans une Amérique puritaine, comment les adultes s’en accommodent, les différences entre riches et pauvres, etc… Le titre fait référence à la fermeture du cinéma, la TV ayant déjà fait largement diminuer la fréquentation de la salle : c’est aussi la fin d’un monde. J’ai trouvé la fin est très réussie, avec beaucoup de nostalgie qui se dégage de toute cette histoire.

Larry McMurtry, né en 1936, est un  un romancier, essayiste et scénariste américain. La dernière séance a été porté à l’écran par Peter Bogdanovich en 1972. McMurtry a également écrit avec Diana Ossana le scénario du film Le Secret de Brokeback Mountain.

L’hôtel du cygne – Zhang Yueran

Après Le clou qui m’avait beaucoup plu, j’ai voulu lire cet autre roman du même auteur.

Grosse déception, ce tout petit roman n’offre que peu d’intérêt, et le style n’arrange rien : les scènes s’enchaînent sans grand effort de liaison, l’histoire se termine avant d’avoir commencée, et les quelques personnages à part Yu-Ling sont assez peu développés.

De quoi s’agit-il ? Yu-Ling travaille dans une famille de l’élite et s’occupe du petit Dada. Alors qu’elle s’apprête avec son compagnon peu scrupuleux à enlever Dada pour demander une rançon, elle apprend que le grand-père vient d’être inculpé pour corruption, le père arrêté, et la mère disparue. Le plan tombe à l’eau, que faire désormais de cet enfant ? De retour à la demeure familiale, les autres employés ont pillé la maison avant de disparaître…

On suppose que le sujet est celui d’une société inégalitaire, de super riches corrompus, et du mépris dans lequel les employés les tiennent, prêts à les dépouiller à la moindre occasion. Seul le personnage de Yu-Ling offre un peu d’intérêt, mais l’histoire se terminant avant de commencer vraiment…

Ce petit roman est tout juste une nouvelle, sans style, et très décevant après avoir lu « Le clou ». Le monde de l’édition ne lasse pas d’interroger…

Zhang Yueran, née en 1982, est un romancière chinoise. Ce roman a été écrit un an après « Le clou ». Elle avait mis 7 ans pour écrire ce dernier, celui-ci lui a pris certainement beaucoup moins de temps, et ça se voit.

Le secret du mari – Liane Moriarty

Une fois n’est pas coutume, j’ai découvert cette autrice par une série TV : Little Big Lies, adaptée d’un roman écrit postérieurement à celui de cet article.

La série, avec entre autres l’excellente Nicole Kidman, raconte avec une certaine férocité la vie superficielle de femmes très riches à Monterey, Californie (dans le roman, l’histoire de passe en Australie). Leur vie et leur comportement sont finement observés, jusqu’au drame qui ne manque pas de survenir. La saison 2 ne manque pas non plus d’intérêt en traitant les conséquences du drame. Une saison 3 est évoquée, mais semble peu probable.

Avec ce roman, écrit l’année précédant le succès de Little Big Lies, Liane Moriarty confirme son sujet de prédilection, à savoir les relations de couple et particulièrement la psychologie féminine. Cecilia va découvrir dans le grenier une lettre de son mari « À n’ouvrir qu’après ma mort ». Tess, de son côté, apprend que son mari et sa meilleure amie sont tombés amoureux l’un de l’autre. Enfin Rachel vit dans la douleur depuis vingt ans après le meurtre de sa fille. Cecilia, hyper-active, va bien sûr lire la lettre, et le fragile équilibre de ce petit monde va largement vaciller. La fin du roman est plutôt bien trouvée et traitée intelligemment.

Liane Moriarty, née en 1966, est une romancière australienne. Après avoir travaillé dans le marketing, elle obtient une maîtrise et commence à écrire. Le secret du mari a obtenu un énorme succès aux États-Unis, et a été traduit dans 55 pays, et sera porté à l’écran sous peu.

Volte-face – Michael Connelly

Retour à Michael Connelly avec ce 16e opus de la saga Harry Bosch.

On y retrouve son demi-frère Mickey Haller, l’avocat de l’excellent « La défense Lincoln ». Cette fois, Mickey va passer de l’autre côté de l’allée et être le procureur du comté de Los Angeles.

Incarcéré depuis 24 ans pour le meurtre d’une fillette, Jason Jessup vient d’être libéré sous caution suite à un test ADN qui semble l’innocenter. Un nouveau procès a donc lieu, et il faudra prouver que l’accusé est bien coupable du crime pour lequel il a été précédemment condamné. Harry Bosch sera bien sûr l’enquêteur du procureur.

Je n’ai pas été emballé par cette histoire, dont l’essentiel se passe au tribunal, avec force détails sur la façon dont vont s’affronter la défense et l’accusation. Toute la partie enquête de Bosch avec les mystérieuses activités de Jessup durant la nuit va faire pschitt et le témoin mystère de la défense également, tout cela menant à une fin sans grande surprise.

Encore un numéro pas très réussi pour la saga Harry Bosch donc. Après Les neufs dragons déjà décevant, Michael Connelly aurait-il perdu son inspiration ?

Michael Connelly, né en 1956, est l’un des principaux auteurs américains de romans policiers. Il est assez prolifique. Les romans mettant en scène Harry Bosch ont été portés à l’écran dans une série TV éponyme (7 saisons). Une autre série existe depuis 2022 sur Amazon, « Bosch: Legacy », dont je viens de découvrir qu’une saison 3 est désormais disponible !

Fouché – Stefan Zweig

Après avoir lu Le monde d’hier de Stefan Zweig, j’avais remarqué que cet auteur avait eu le talent d’écrire d’excellentes biographies de personnages célèbres. J’avais déjà lu Magellan qui confirmait cette impression. Son honnêteté intellectuelle et sa capacité de travail sont garantes d’un récit de qualité. Voici donc celle de Joseph Fouché, dont tout le monde connaît le nom, mais sans doute moins ce qu’a été sa vie… Enfin c’était le cas pour moi.

Le personnage vaut effectivement le détour, tellement il est resté énigmatique et caché derrière ses fonctions successives, véritable disciple de Machiavel, animal au sang froid, qui a su traverser des temps troublés et toujours rejoindre le camp des vainqueurs au gré des événements. Il suffit de résumer son parcours :

De santé fragile, il entre au séminaire de l’Oratoire de Nantes, où il devient professeur de sciences pendant dix ans, sans toutefois prononcer ses vœux sacerdotaux : est-ce un signe ? déjà il répugne à s’engager irrévocablement… Ce sera le trait principal de son caractère pendant toute sa vie.

Puis vient la Révolution française, dont il embrasse la cause avec ardeur et devient député de Nantes. Girondin (donc modéré), il vote pourtant la mort de Louis XVI sous la pression populaire alors que la veille encore il prétendait faire le contraire. Et devient aussi vite Jacobin parmi les plus extrêmes… Nommé proconsul, il se fait remarquer par son extrémisme à Nantes. À tel point qu’il est envoyé à Lyon (la ville se révolte contre les excès des révolutionnaires) : il y deviendra « le mitrailleur de Lyon » : la guillotine travaillant trop lentement, il va massacrer des groupes de prisonniers placés sous la mitraille des canons, les corps étant ensuite jetés dans le Rhône ; 2000 personnes seront ainsi exécutées.

Mais le vent tourne et cette violence commence à ne plus plaire à Paris. Fouché se rallie vite aux modérés, mais Robespierre le convoque à Paris. La lutte entre les deux hommes sera terrible, Fouché voit le couperet de la guillotine s’approcher de très près, il se cache, œuvre dans l’ombre, et réussit l’impossible : monter une conspiration avec la majorité des députés dit « faibles » contre l’homme le plus puissant de France, et le faire emprisonner. Un véritable coup de maître. Mais dans les jeux de pouvoir qui suivent, Fouché va tout perdre et sauver une nouvelle fois sa tête de justesse. Il disparaît pendant trois ans pour vivre ces années dans la plus grande misère.

Mais la Révolution se termine, les temps changent, l’argent revient, l’heure de Napoléon Bonaparte et de Louis XVIII arrive. Là encore, vite nommé ministre de la police, Fouché va réussir à se tenir quoiqu’il arrive au plus près du pouvoir en ces temps pourtant troublés. Il va arrêter les derniers républicains sans le moindre remord, et reprendre le jeu où il excelle, parlant peu, agissant dans l’ombre, et s’en sortant à chaque fois. L’affrontement avec Napoléon qui s’en méfie autant qu’il en a besoin vaut le détour. Fouché deviendra très riche, sera nommé Duc d’Otrante, mais après les Cent-Jours (quand Napoléon revient de l’île d’Elbe) puis l’avènement de Louis XVIII, où là encore Fouché a réussi à s’en sortir (du grand art !), son ambition finira par le perdre : il épouse une comtesse et son premier témoin est Louis XVIII : c’est-à-dire le frère Louis XVI, dont Fouché avait demandé la mort ! C’en est trop, et la noblesse ne va pas le lui pardonner, il va être banni et finira dans la solitude.

Pour finir, voilà ce qui Stefan Zweig à propos de Fouché et incidemment des diplomates. Je me souviens que dans Le monde d’hier, il leur attribue beaucoup de responsabilités dans le déclenchement de la 1ère guerre mondiale :

C’est ainsi que d’une manière tout à fait imprévue, simplement par plaisir psychologique, je me suis mis à écrire l’histoire de Joseph Fouché, comme une contribution à une étude biologique encore inexistante et pourtant très nécessaire, du diplomate, de cette race d’esprit qui n’a pas encore été complètement examinée et qui est la plus redoutable de notre univers.
Chaque jour nous constatons encore que, dans le jeu ambigu et souvent criminel de la politique, auquel les peuples confient toujours avec crédulité leurs enfants et leur avenir, ce ne sont pas des hommes aux idées larges et morales, aux convictions inébranlables qui l’emportent, mais ces joueurs professionnels que nous appelons diplomates, – ces artistes aux mains prestes, aux mots vides et aux nerfs glacés.

Stefan Zweig (1881-1942) est un écrivain, dramaturge, journaliste et biographe autrichien. Il quitte son pays natal en 1934, et se se suicidera au Brésil en 1942, désespéré d’assister à l’agonie du monde. Il est l’auteur de plusieurs biographies : Magellan que j’ai lu et aimé, Joseph Fouché donc, et aussi Marie-Antoinette ou encore Marie Stuart. Un auteur qui mérite certainement le détour.

Le passage du canyon – Ernest Haycox

Un dernier roman de Haycox pour conclure mon cycle !

Celui-ci, comme dans Les pionniers, décrit la vie des colons arrivant dans l’Oregon. Cette fois, c’est à Jacksonville, petite colonie minière loin des villes : prospecteurs, paysans, commerçants, tous cherchent à développer leurs activités, avec encore le risque de tribus indiennes aux alentours…

Logan Stuart, le personnage principal, est un entrepreneur averti, louant ses services et ses mules pour transporter les marchandises, et les affaires marchent bien. C’est un homme droit, loyal, ambitieux, que peu de choses effraient, y compris prendre des risques en affaire. Son meilleur ami, George Camrose, va se marier avec Lucy Overmire ; pourtant, les rapports entre Logan et Lucy montrent que ces deux là se comprennent intuitivement et que Logan ne peut rien lui refuser ; mais Lucy a choisi George, et Logan respecte son choix.

Comme toujours avec Haycox, ce sont les rapports entre personnages, et la personnalité de ceux-ci, qui font le sel de cette histoire. Et ce qui est très appréciable, c’est que l’auteur s’attache à retranscrire la vie comme elle était à l’époque, sans la romancer plus que nécessaire.

Comme dans Les pionniers, il y a un méchant, Honey Bragg qui est une véritable brute que tout le monde craint, et la population va œuvrer pour que Logan se batte avec Bragg afin de s’en débarrasser à peu de frais… Mais d’autres problèmes vont survenir dans ce petit monde : l’or, que ce soit celui des orpailleurs ou celui transporté vers les banques de la ville la plus proche, suscite des convoitises et les choses vont très vite se compliquer, et même dégénérer quand les Indiens vont être amenés à se défendre. Car comme le dit Logan, ce n’est pas la raison qui guide les actions des hommes :

Ce n’est pas la raison qui te donne faim. Ce n’est pas la raison qui t’incite à te battre, à intriguer ou qui t’envoie chez Corson pour boire un verre et passer un bon moment. Ce n’est pas la raison qui te pousse à soutenir un ami, à vénérer ton Dieu ou à appartenir à une loge. Ce n’est pas la raison qui te retient auprès de tes amis, qui te fait pleurer, rire et transpirer. Tu fais quelque chose, et ensuite tu trouves une excuse pour qualifier ton geste de raisonnable, mais ce n’est pas pour ça que tu le fais, Henry. Tu le fais parce que quelque chose de beaucoup plus profond t’a poussé à le faire. La raison est la lueur pâle et tremblotante d’une bougie que brandit un homme pour guider ses pas quand le feu qui brûlait en lui s’est éteint.

Ernest Haycox (1899-1950) est un écrivain américain, prolifique auteur de westerns. Parmi ses admirateurs, on comptait Gertrude Stein et Ernest Hemingway. En 2005, le prestigieux jury des Western Writers comptait Haycox parmi les vingt-quatre meilleurs auteurs de l’Ouest du XXe siècle.

Ce roman a été porté à l’écran par Jacques Tourneur en 1946, et l’adaptation est assez fidèle. Autres œuvres ont été portées à l’écran : La Chevauchée fantastique (Stagecoach, 1939), Les clairons sonnent la charge (Bugles in the Afternoon, 1952).

Des clairons dans l’après-midi – Ernest Haycox

Je continue avec Haycox et j’ai choisi ce roman parce qu’il parle de la bataille de Little Bighorn menée par le fameux général Custer. C’est la plus grande bataille de la guerre contre les Sioux, et leur plus grande victoire, Custer y trouvant la mort.

Hélas, dans les westerns hollywoodiens, la réalité des faits n’est pas le premier critère, et il est toujours délicat de critiquer un général de l’armée américaine (comme dans l’histoire officielle d’ailleurs) : que ce soit dans « La charge fantastique » (Raoul Walsh, 1941) ou « Custer, l’homme de l’Ouest » (Robert Siodmak, 1967), l’homme est exonéré de beaucoup de choses. Il y a bien « Little Big Man » (Arthur Penn, 1970), mais l’histoire est volontairement imaginaire (et loufoque) et ne revendique rien du côté historique. Reste « Le massacre de Fort Apache » (John Ford, 1948), une fiction s’appuyant tout de même sur la bataille de Little Bighorn et dénonçant la vanité d’un alter-ego de Custer.

Bertrand Tavernier faisait l’éloge de ce roman dans la postface des Pionniers :

Haycox avait déjà affiché les mêmes convictions humanistes dès 1942, dans Des clairons dans l’après-midi, qui donnait de la bataille de Little Big Horn et de la guerre menée contre les Sioux une vision complexe, à mille lieues de la grandiose glorification hollywoodienne magistralement dirigée par Raoul Walsh, avec un portrait nuancé, contradictoire mais sévère non seulement de Custer, décrit comme un officier téméraire mais immature et assoiffé de publicité, mais aussi des autres généraux et de la politique indienne de Washington. Néanmoins, il s’agissait d’une fresque historique, centrée autour de l’armée, avec des personnages fouillés, non manichéens, un regard humaniste et tolérant, aussi le sujet, le propos empêchaient qu’on puisse y évoquer de vrais rapports interraciaux, intimes ou collectifs.

Le début du roman est assez passionnant avec l’énigmatique Kern Shafter qui accompagne la jeune Joséphine Russel jusqu’à « la frontière ». Shafter, officier déchu, va se réengager comme simple soldat dans le 7e de cavalerie commandé par Custer. Il y retrouve son ennemi juré le lieutenant Garnett, qui a le talent de savoir séduire les femmes. Là encore, Haycox va s’en donner à cœur joie pour décrire les rapport humains entre ces trois là… Un exercice où il excelle.

Au moment de la bataille de Little Bighorn, Shafter et Garnett seront dans le bataillon du major Reno que Custer a envoyé lancer la première attaque : la situation va très vite se compliquer pour eux, d’autant que pour une raison inconnue, Custer, qui devait prendre les Sioux en tenaille, n’arrivera jamais ; on apprendra juste qu’il est mort, ainsi que son bataillon, victime de ses ambitions et de son sentiment de supériorité. Sans doute une précaution de l’auteur pour s’en tenir à ce qui est officiellement reconnu par tous.

J’ai bien aimé ce roman, le personnage de Shafter est très intéressant, et si l’écriture de Haycox reste simple et directe, les rapports et les dialogues entre les personnages sont vraiment passionnants.

Ernest Haycox (1899-1950) est un écrivain américain, prolifique auteur de westerns. Parmi ses admirateurs, on comptait Gertrude Stein et Ernest Hemingway. Les pionniers (The Earthbreakers), son dernier roman, publié à titre posthume (1952), est sans doute le plus abouti.

Huit de ses œuvres ont été portées à l’écran, tels La Chevauchée fantastique (Stagecoach, 1939), Le Passage du canyon (Canyon Passage, 1946) et Les clairons sonnent la charge (Bugles in the Afternoon, 1952). En 2005, le prestigieux jury des Western Writers comptait Haycox parmi les vingt-quatre meilleurs auteurs de l’Ouest du XXe siècle.

Les pionniers – Ernest Haycox

Je ne sais plus trop où j’ai entendu parler de ce livre, mais quand j’ai vu que la série « L’Ouest, le vrai » d’Actes Sud était dirigée par Bertrand Tavernier, je n’ai guère hésité, me souvenant de ses préfaces très documentée pour l’excellente trilogie The Big Sky.

Retour à la littérature « Western » donc, et l’histoire commence fort avec des colons franchissant au péril de leurs vies la dernière chaîne montagneuse avant de rejoindre l’Oregon, la terre promise. Les conditions météorologiques sont dantesques, ce que ces hommes et femmes endurent est terrible, et la mort jamais très loin. La vie décrite de ces paysans devenus colons pour vivre leur rêve est vraiment très dure, particulièrement la première année (après un voyage déjà très difficile) où il faudra attendre la première récolte pour espérer un peu de répit.

Rice Burnett fait partie de ces colons, et est le plus expérimenté d’entre eux grâce à une expérience de trappeur aux sources du Missouri. Il est au centre du récit, et souhaite s’intégrer à ce groupe et passer à une vie sédentaire. Célibataire, il hésite entre deux femmes aux caractères très différents, l’une provocante et l’autre tout en retenue, et c’est l’un des points que l’auteur va approfondir. D’autres personnages émaillent le récit, comme Cal Lockyear habité par la violence, ou Hawn marié à une indienne et ostracisé. Tous les personnages sont très bien décrits, et donnent de la profondeur au récit.

Car si l’auteur s’attache à décrire la vraie histoire de ces pionniers, il se penche aussi sur les rapports humains, ceux des individus et du groupe bien sûr mais aussi ceux entre hommes et femmes, et j’ai été surpris par ce qu’il décrit : une jeune femme a largement son mot à dire pour le choix de son mari, et les hommes sont très respectueux des usages en cours dans cette société très pudibonde. Si on parle souvent à mots couverts, les choses sont dites d’une façon ou d’une autre. Cela donne des dialogues parfois surprenants, assez elliptiques, dont l’auteur semble se délecter. Il accorde aussi une grande attention aux attitudes des intervenants (un plissement des lèvres, un regard détourné, une pâleur subite, etc…) pour donner une clef supplémentaire de compréhension à la scène. Tout cela apporte beaucoup d’intérêt à l’histoire de cette communauté.

J’ai aimé ce roman, au style assez simple et direct. Les hommes et les femmes sont décrits avec empathie et profondeur, la nature est omniprésente par sa beauté et par sa puissance. La description de l’époque et de l’aventure que vivaient ces gens est admirablement rendue.

Ernest Haycox (1899-1950) est un écrivain américain, prolifique auteur de westerns. Les pionniers (The Earthbreakers) est son dernier roman, publié à titre posthume (1952), et sans doute son plus abouti. Parmi ses admirateurs, on comptait Gertrude Stein et Ernest Hemingway.

Huit de ses œuvres ont été portées à l’écran, tels La Chevauchée fantastique (Stagecoach, 1939), Le Passage du canyon (Canyon Passage, 1946) et Les clairons sonnent la charge (Bugles in the Afternoon, 1952). En 2005, le prestigieux jury des Western Writers comptait Haycox parmi les vingt-quatre meilleurs auteurs de l’Ouest du XXe siècle.

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