
Livre acheté au hasard, il était sur la table de la librairie avec un petit commentaire élogieux d’une des libraires, comme ils font souvent.
C’est donc l’histoire de Zouleikha, une paysanne Tatar vivant dans la République Socialiste Autonome Tatare, du côté de Kazan. Entre des conditions de vie extrêmement dures, un mari du genre bestial, et une belle-mère acariâtre qui la harcèle sans cesse, sa vie est assez proche de celle d’une bête de somme.
Vient alors une troupe de l’Armée Rouge commandée par le camarade Ignatov, qui entreprend de déplacer les populations réticentes au collectivisme vers la Sibérie pour peupler le territoire. C’est la dékoulakisation, les koulaks étant ces paysans qui n’adhéraient pas à la politique de collectivisation des terres.
Le mari sera tué sur place et la belle-mère aveugle abandonnée à son sort. Entassée avec d’autres dans des wagons à bestiaux, débute alors pour Zouleikha une longue déportation (un trajet de plusieurs mois fait d’errances, la machine soviétique s’enrayant parfois) jusqu’à un territoire vierge où les survivants sont quasiment abandonnés à leur sort, sous la surveillance du malheureux Ygnatov, manipulé par son supérieur. Zouleikha s’aperçoit alors qu’elle est enceinte de son mari…
La petite communauté réussira tant bien que mal à survivre au premier terrible hiver, puis les choses s’organiseront un peu mieux, le pouvoir soviétique ayant grand besoin du bois coupé sans relâche par la petite communauté. Zouleikha va peu à peu s’ouvrir au monde, se libérer de ses croyances et de ses peurs (un mélange de croyances animistes et d’un Dieu tout-puissant), en s’affirmant en tant que femme et aussi en tant que mère.
Le récit est assez prenant, tout est raconté au niveau de Zouleikha, sans grandes explications sur ce qui se passe hors de leur périmètre de vie. La dureté de la vie de petit groupe est le plus marquant bien sûr, et le semblant d’amélioration qu’ils finissent par atteindre semble paradoxalement un énorme progrès quand on voit d’où ils sont partis… Les efforts de Zouleikha permettront à son fils d’avoir d’autres espérances.
Gouzel Iakhina, née en 1977, est une écrivaine russe. Fille d’un médecin et d’un ingénieur, elle a travaillé dans la publicité et le marketing. Zouleikha ouvre les yeux est son premier roman, écrit en 2015, qui a rencontré un grand succès et a été traduit dans 20 langues.