
J’avais bien aimé le premier opus de cette série, Bangkok 8, je me suis donc replongé en ce début d’été dans l’univers de Sonchaï, ce policier bouddhiste et donc incorruptible de Bangkok.
Hélas, comparés au premier opus, à l’intrigue classique et captivante, ces cinq romans policiers sont globalement très décevants ! 🙁
On retrouve l’atmosphère des quartiers chauds de Bangkok en toile de fond, avec toujours ces réflexions sur le fossé culturel avec le monde occidental, et particulièrement la prostitution qu’il justifie allègrement comme moyen d’émancipation pour une jeune femme Thaïe : on pourrait en discuter longuement ! 😯
Les personnages récurrents autour de Sonchaï se précisent dans cette deuxième aventure, et c’est plutôt sympa pour une série : le colonel Vikorn, son chef aussi corrompu qu’omniscient (un peu trop d’ailleurs), et Kimberley l’agent du FBI qui lui donne un coup de main de temps en temps (pratique pour obtenir des infos rapidement) ; apparaissent Chanya la compagne de Sonchaï (une ancienne prostituée), et Lek son assistant (un homme habité par un esprit féminin, et s’interroge sur une éventuelle opération pour devenir un « Katoye », une femme transgenre).
Au cours du récit, l’auteur s’adresse parfois au lecteur en l’appelant « farang » (ce qui signifie « étranger blanc » en Thaïlande), avec une tendance à nous caricaturer et nous faire apparaître nous les occidentaux comme des matérialistes violents assoiffé d’argent et de sexe, sans aucune intelligence et incapables de comprendre la culture Thaï… Cela manque tout de même un peu de nuance, et si l’effet est assez sympa au début, il finit par lasser… Et finalement, c’est la vision de l’auteur de la culture asiatique qui devient caricaturale !
Car je dois dire que la lecture de ces cinq épisodes m’a globalement déçu, entre l’effet répétitif sur le monde la prostitution à Bangkok, l’absence de suivi sur les pistes amorcées, et le niveau des intrigues qui deviennent de plus en plus laborieuses, pour finir en apothéose avec le thème du transhumanisme où l’auteur semble se perdre totalement, incapable de finir l’histoire.
Et comme je suis tout de même allé au bout des cinq romans, revoyons les un par un : le thème abordé, et ce que j’en ai pensé.
Le thème abordé est celui du tatouage pour le numéro 2 intitulé logiquement « Bangkok Tatoo ». On retrouve Sonchaï installé en couple avec Chanya. Première apparition de Lek, son assistant, partagé entre son métier de flic et son envie de changer de sexe. Les tatouages peuvent être une œuvre d’art s’ils sont réalisés par un artiste, et intéresser des collectionneurs mafieux japonais… L’intrigue se tient, et la lecture est agréable.

Pour le troisième opus intitulé « Bangkok Psycho », on aborde les snuff-movies : il s’agit de vidéos où un véritable meurtre est mis en scène… Je n’avais jamais entendu ce terme. Scénario un peu compliqué, tiré par les cheveux, où le fantôme de la victime vient interférer avec le monde des vivants… Une manière sans doute d’aborder le rapport aux morts des Thaïlandais, il vaut mieux s’en tenir là pour l’intérêt de cette lecture.

Vient ensuite « Le parrain de Katmandou », où nous allons retrouver Sonchaï dans un sale état, suite à un drame familial personnel. L’enquête va le mener à Katmandou, où il va rencontrer un maître Tibétain, adepte du bouddhisme tantrique, très différent de celui pratiqué en Thaïlande. Le maître communiquera à Sonchaï son mantra, qui lui permet d’accéder à un niveau de conscience supérieur (trop cool ! 😛 )… Quant à l’intrigue, on passe un niveau supérieur dans l’improbable, l’auteur semble se perdre à force de vouloir aborder des problèmes géopolitiques et rattacher ceux-ci à la Thaïlande…

Avec le cinquième intitulé « Le Pic du Vautour », l’auteur aborde le thème des trafics d’organe. Sujet intéressant, les profits étant énormes et le risque judiciaire beaucoup moindre pour les trafiquants. Mais encore une fois difficile de justifier la Thaïlande comme étant au cœur du trafic mondial ! La campagne électorale de Vikorn pour être gouverneur de Bangkok et le rôle de la Chine dans tout ça est encore une fois tiré par les cheveux… Les personnages qui apparaissent, comme le flic de Hong-Kong, sont peu crédibles, et l’intrigue semble bâclée. De plus en plus déçu par les aventures de Sonchaï !

Enfin, voilà le dernier opus intitulé « le Joker » : le thème abordé est cette fois celui du transhumanisme, où les états cherchent à fabriquer des surhommes pour le monde futur, ou bien sûr les humains « normaux » n’auront pas vraiment de place à part servir leurs maîtres. C’est sans conteste le moins bon de tous ces polars, l’auteur se perd dans un délire entre la maîtrise du LSD permettant d’atteindre grosso-modo le niveau de conscience d’un Dieu, et la technologie permettant de fabriquer des individus invincibles…
L’auteur finit ce dernier opus par une pirouette incompréhensible, qui laisse le lecteur sur sa faim… ou sa déception en repensant au premier opus de cette série, et à la lente descente jusqu’à ce dernier épisode. Il est temps d’arrêter quand l’inspiration n’est plus là !
John Burdett, né en 1951 à Londres, est un auteur de romans policiers ayant été précédemment avocat à Hong Kong. Son premier roman, Bangkok 8, pourrait bien être porté à l’écran un jour…