Tribulations d’un précaire – Iain Levison

Tribulations d'un précaire - Iain LevisonAprès Un petit boulot qui m’avait bien plu, j’enchaîne avec le premier livre publié par cet auteur, un récit autobiographique sur les 42 petits boulots qu’il a exercés à la fin de sa licence de lettres.

On comprend mieux la vision de la société évoquée dans Un petit boulot à la lecture des expériences professionnelles par lesquelles Iain Levison est passé… Ayant dépensé 40 000 dollars (et donc complètement fauché) pour passer une licence de lettres qui se révèle totalement inutile (voir un handicap) pour trouver un travail, il nous raconte tous les petits boulots qu’il a du faire pour survivre, dont certains durs et dangereux en Alaska.

La description de cette société inégalitaire où le travailleur, peu payé, au contrat précaire, doit en plus subir toutes les brimades de petits chefs, les horaires impossibles, obligé de sourire au client en lui souhaitant « une bonne journée », sans parler des arnaqueurs qui profitent de la précarité, etc… ne manque ni de justesse (au moins c’est du vécu !), ni d’humour.

Mais sa conclusion est assez amère : le travailleur est devenu une quantité négligeable, seuls comptent les résultats financiers ; l’attitude des entreprises vis-à-vis de ceux qui accomplissent le travail n’a véritablement jamais vraiment changée, et le fossé qui se creuse rend le dialogue impossible, car dénué de sens.

Voilà quelques extraits, le dernier est la conclusion :

Au  cours des dix dernières années, j’ai eu quarante-deux emplois dans six États différents. J’en ai laissé tomber trente, on m’a viré de neuf, quant aux trois autres, ç’a a été un peu confus. C’est parfois difficile de dire exactement ce qui s’est passé, vous savez seulement qu’il vaut mieux ne pas vous représenter le lendemain.
Sans m’en rendre compte, je  suis devenu un travailleur itinérant, une version moderne  du Tom Joad des Raisins de la colère. À deux différences près. Si vous demandiez  à Tom Joad de quoi il vivait, il vous répondait : « Je suis ouvrier agricole ». Moi, je n’en sais rien. L’autre différence, c’est que Tom Joad n’avait pas fichu quarante mille dollars en l’air pour obtenir une licence de lettres.

Une usine délocalisée au Mexique aujourd’hui, une augmentation des salaires du Congrès demain, un fonctionnaire de l’Administration qui ferme les yeux sur la hausse des tarifs des compagnies de téléphone après-demain, et bientôt tout le monde doit se contenter de survivre. Les promoteurs immobiliers voient une occasion de gonfler les prix et personne ne le leur interdit. Où se cache le type censé dire « Non, ce ne serait pas juste  » ? A-t-il seulement existé ? Les auteurs de la Constitution ont-ils négligé d’inclure un paragraphe sur ce qui arriverait quand la richesse commencerait à passer du peuple aux mains de quelques-uns ?

Il y a de nombreuses façons de voir la chose. Ça ne va pas si mal. Je vis dans le pays le plus riche du monde ; même être fauché ici vaut mieux que d’appartenir à la classe moyenne du Pérou ou de l’Angola. […] Ce n’est pas une question d’argent. Le véritable problème c’est que nous sommes tous considérés comme quantité négligeable. Un humain en vaut un autre. La loyauté et l’effort ne sont pas récompensés. Tout tourne autour des résultats financiers, un terme aussi détestable pour tout travailleur que « licenciement » ou « retraite forcée ». D’accord, nos avons fait des progrès depuis l’édification du barrage Hoover ou depuis que les ouvriers mouraient en construisant les voies ferrées, mais l’attitude des entreprises vis-à-vis de ceux qui accomplissent le travail est restée la même. Et le balancier revient dans l’autre sens. Ceux qui font les promesses sont si loin de tout qu’ils ne voient même plus que leurs promesses ne signifient rien. Des actions de votre entreprise au bout de cinq ans ? Super, merci. Mais nous savons tous les deux que, statistiquement, dans cinq ans je serai parti depuis longtemps.

Iain Levison, né en 1963 à Aberdeen, est un écrivain américain d’origine écossaise vivant à Philadelphie. Après avoir vécu avec sa mère célibataire dans un taudis d’Aberdeen, il part vivre aux États-Unis en 1971.

Un petit boulot – Iain Levison

Un petit boulot - Iain Levison C’est par un article du Canard enchaîné que j’ai entendu parler de cet auteur ; c’était pour un autre livre (« Tribulations d’un précaire ») mais il y avait une référence à celui-ci, son premier roman. Il en était dit le plus grand bien, humour décapant dans un Amérique où sévit le chômage…

Je l’ai lu en moins d’une journée, assez vite accroché par l’histoire et le ton mordant avec lequel elle est contée : dans une petite ville des États-Unis, la crise économique a frappé de plein fouet, et plusieurs usines ont fermées, laissant beaucoup de personnes sur le carreau.

Jake Skowran est l’une d’entre elles, passablement écœuré par ce monde où seul compte le profit. Sa copine l’a quitté, il a du résilier son abonnement au câble et vendre sa télé, couper le chauffage de l’appartement… et pour couronner le tout, il a des dettes de jeu. Jusqu’au jour où un bookmaker mafieux lui propose « un petit boulot »… qui consiste à tuer sa femme qui le trompe ! N’ayant plus rien à perdre, Jake accepte et va devenir tueur à gage, sans aucun remord.

C’est un bon polar, avec une écriture assez directe, et qui se lit très vite ; toute l’histoire est parsemée de réflexions sur la crise économique qui frappe et provoque le désespoir, la misère, la honte des gens… Et c’est plutôt bien vu ! Voilà trois petits extraits pour vous faire une idée : vous verrez que les réflexions de Jake sur la société sont très lucides… comme pour la façon dont il aborde le métier de tueur à gage !

Si le directeur de l’empire Gas’n’Go m’appelait demain matin pour me dire que je suis foutu dehors encore une fois, la qualité de mon travail n’en souffrirait pas. Je n’arrêterais pas de nettoyer et je ne me mettrais pas à voler, comme ils le pensent. C’est pour ça que, en supposant que les licenciements soient jamais nécessaires, nous ne l’apprenons qu’à la dernière minute. Ils considèrent chaque fourmi ouvrière comme un traître potentiel qui crève d’envie de s’emparer de leur bien. Mais moi et les gars avec qui je travaillais n’étions pas là pour eux, ni même pour leur chèque. Nous étions là pour nous, parce que nous pouvions former une équipe et faire un boulot. Et le pire dans les licenciements, ç’a été de découvrir soudain que l’équipe était un mirage, créé par la direction pour obtenir davantage de nous à moindre coût. Ce que nous réalisions n’avait de sens que pour nous.

Peut-être que rien de tout ça n’est vrai. Peut-être que Corinne Gardocki passe ses journées comme bénévole dans un foyer pour sans-abri et que son histoire avec le pilote de ligne est le produit de la paranoïa sénile de Gardocki. Le « pilote de ligne » est peut-être son frère. En fait ça m’est égal. Elle va mourir parce que j’ai été licencié d’une usine rentable en plein milieu de ma carrière. Elle va mourir parce que ma copine m’a quitté, parce que je ne supporte pas la vie de chômeur. Corinne Gardocki est une femme morte parce qu’un petit malin de Wall Street a décidé que notre usine ferait de plus gros bénéfices si elle se trouvait au Mexique. Je t’aurai, Corinne. Un problème moral ? Pas vraiment.

Tommy me fait bosser comme une bête, et quand arrive samedi je suis vraiment fatigué. Fatigué par le travail. Quelle sensation merveilleuse et oubliée. Ceux qui ont un boulot et bossent comme des bêtes n’apprécient pas à sa juste valeur le privilège de ce sentiment de satisfaction, la beauté de leur épuisement, qu’ils peuvent porter comme une médaille. Cet épuisement vous donne de l’énergie, vous savez que vous avez apporté votre contribution, changé quelque chose. J’ai changé quelque chose en remplissant les pots à café, en nettoyant par terre et en enregistrant des paquets de chips et des bières. Je suis redevenu un travailleur.

Iain Levison, né en 1963 à Aberdeen, est un écrivain américain d’origine écossaise vivant à Philadelphie. Après avoir vécu avec sa mère célibataire dans un taudis d’Aberdeen, il part vivre aux États-Unis en 1971. Son premier livre, Tribulations d’un précaire est un récit autobiographique sur les 42 petits boulots qu’il a exercés à la fin de sa licence de lettres. Un petit boulot (2003) est son premier roman.

Le bouton de nacre – Patricio Guzmán

Le bouton de nacre - Patricio Guzmán Si le dernier film que j’ai vu, Fatima, m’avait fait penser à un documentaire, cette fois c’est l’inverse avec ce documentaire en forme de film…

Il y a deux sujets abordés dans ce documentaire, celui des indiens premiers habitants de la Patagonie tout au sud du Chili, et celui des disparus de la dictature de Pinochet que l’on jetait en pleine mer d’un hélicoptère. Le bouton de nacre est le lien entre les deux…

Le bouton de nacre qu’accepta un indien pour être emmené en Angleterre à des fins « civilisatrices » par un capitaine qui eût le bon goût de le renommer Jemmy Button (à son retour, il fut incapable de se réinsérer parmi son peuple)…  puis le bouton de nacre que l’on retrouva sur un morceau de rail servant à lester les corps des victimes de la dictature chilienne et jetés à la mer.

L’eau est le fil conducteur du film, source de vie dans l’univers… Les peuples qui vivaient en Patagonie chilienne (immense archipel d’îles et de fjords) avait un rapport étroit avec l’eau. Il ne reste plus aujourd’hui qu’une vingtaine de descendants de ces ethnies, décimées par l’arrivée des colons (maladies), et puis exterminées lors de véritables battues humaines dans la deuxième moitié du XIXe siècle…

Les images sont magnifiques, et la voix du réalisateur nous conte cette double histoire, nous emmenant dans un véritable voyage à travers l’espace et le temps pour nous parler de l’histoire son pays. Tout cela est parfaitement maîtrisé, et d’une grande beauté !

Plus de guidage vocal dans OsmAnd

navigation avec osmand Depuis l’installation de la nouvelle ROM sur mon smartphone (voir article précédent), je n’avais plus de guidage vocal lors du suivi d’un itinéraire avec OsmAnd.

Après un peu de recherche, cette ROM n’inclut pas de système TTS (Text To Speach) par défaut. Il faut donc l’installer à la main puisque je n’ai pas activé mon compte Google sur le smartphone (et donc pas de Google Play) ; j’ai alors téléchargé (ici) puis installé le « Google Text-to-speach APK ».

Mais cela ne suffit pas, il faut aller l’activer dans les paramètres, télécharger le fichier de langue, et enfin tester le fonctionnement d’abord au niveau d’Android, puis dans OsmAnd. Voyons tout cela en détail…

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Motorola Moto G : passage à Android 5.1 avec la « Stock ROM »

XT1039 peregrine - Android 5.1 L’étape suivante pour mon Motorola Moto G 4G LTE, c’était de passer à Android version 5.1, également appelé Lollipop. Et comme je l’avais rooté (voir ici), la mise à jour automatique de Motorola ne passait pas (voir ).

Dans ce dernier article, j’avais repéré une ROM alternative qui me convenait, mais n’était pas encore disponible pour la version EU de ce smartphone. C’est maintenant chose faite (depuis juillet en fait), mais je n’étais pas pressé, et nous en sommes maintenant à la v1.1 (la troisième), il valait donc mieux attendre. Elle est disponible sur la page « Stock Motorola 4G Lollipop ROM Collection » du forum XDA.

Il s’agit de la stock ROM, c’est-à-dire la même ROM que celle qu’utilise Motorola (factory firmware image) : c’est pour moi le gage d’être le plus proche possible de la ROM d’origine. De plus il existe deux versions disponibles, la première « Untouched », c’est-à-dire sans aucune modification, et la seconde « Optimized », qui intègre plusieurs modifications très pratiques, comme le root, la suppression de services Motorola non nécessaires au système, et d’autres optimisations. C’est cette dernière que j’ai installé.

Tout s’est bien passé au final, même si je me suis fait quelques sueurs froides…

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Fatima – Philippe Faucon

Fatima - Philippe Faucon

Je suis allé voir ce film au TNB de Rennes, puisque je suis désormais Rennais… et que la programmation du TNB a l’air de qualité, loin des blockbusters que les grandes salles nous proposent.

À vrai dire, je n’ai pas été plus enthousiasmé que ça par ce film en  fait plus proche d’un documentaire social, fait de courte scènes qui se suivent les une après les autres, pour finir par former le portrait de cette femme courageuse qui fait tout son possible pour élever ses deux filles.

Fatima est divorcée ; Nesrine, sa fille aînée, est sérieuse et entame des études de médecine qu’il va falloir financer ; Souad, sa seconde fille est encore lycéenne et en pleine rébellion. Fatima leur parle en arabe, ses filles lui répondent en français.

Le problème traité est celui de cette femme qui ne peut pas vraiment s’intégrer, travaille très dur pour ses enfants, et pourtant le fossé se creuse avec Souad, qui ne mâche pas ses mots pour lui dire ce qu’elle pense de tout ça. Cette scène le résume très bien :

Le rythme général est vraiment très lent, et la chronologie absente, si bien que j’étais tout surpris de voir Nesrine attendre les résultats de sa première année de médecine à la fin du film… C’est ce qui m’a gêné à la sortie du ciné, il n’y a pas vraiment d’histoire, juste des scènes sur le sujet collées les unes aux autres. Mais il y a une douceur dans le portrait dressé de cette femme qui fait pardonner bien des choses…

Lonesome dove- Larry McMurtry

Lonesome dove- Larry McMurtry

Ultime recommandation de mon libraire à qui je venais dire adieu puisque je déménageais et quittais la ville : « Si tu aimes les westerns, tu vas aimer ce livre… Même Barak Obama l’a lu ! »…

Et il avait raison, c’est exactement ça ! Comme indiqué sur le quatrième de couverture : « Si vous devez ne lire qu’un seul western dans votre vie, lisez celui-ci», et la phrase est de James Crumley, un auteur de polars que j’aime bien, et que j’avais découvert avec « Le Canard siffleur mexicain».

Lonesome dove, c’est un bled du Texas, où il n’y a pas grand chose à faire. C’est l’endroit où ont choisi de s’installer deux anciens Texas Rangers, Augustus McCrae et Woodrow Call, après avoir passé une bonne partie de leur vie à « pacifier » la région, comprendre se battre contre les Comanches pour que les blancs puissent s’y installer. Gus est autant bavard que fainéant, quand Call est mutique et un bosseur obsessionnel.

Ils vivotent de la vente de chevaux, n’hésitant pas à traverser la frontière mexicaine pour aller en voler quelques uns quand il le faut : c’est moins dangereux que de ce côté-ci de la frontière, où le vol de chevaux est puni de pendaison.

Call décide un beau jour de voler du bétail au Mexique, pour l’emmener dans le Montana et y établir un ranch : la région est à peine « pacifiée », mais on la dit parfaite pour le bétail avec ses immenses prairies… et être les premiers à y amener du bétail c’est s’assurer d’un bel avenir… La route sera longue (plusieurs milliers de kilomètres), et pleine de dangers, tant pour les hommes que pour les animaux.

Lonesome dove- Larry McMurtry J’ai bien aimé cette histoire, malgré un début un peu lent, où le verbiage de Gus fatigue un peu, tout comme les interrogations existentielles du jeune Newt. Mais tout cela prend sa place quand les choses s’animent et qu’il faut prendre la piste. La vie telle qu’elle était à l’époque est très bien retranscrite : une vie dure, sans confort, que l’on soit homme ou femme, aguerri ou non… La plupart des cow-boys n’ont aucune éducation, et savent peu de choses de la vie, si ce n’est monter à cheval et s’occuper d’un troupeau. La nature ne fait pas de cadeau, les indiens non plus, et c’est bien sûr encore plus compliqué si vous êtes une femme (les deux personnages féminins de l’histoire ont de fortes personnalités).

La lecture est agréable, les personnages savoureux, bref une bonne alternative aux polars aussi vite lus qu’oubliés !

Larry McMurtry, né en 1936, est un  un romancier, essayiste et scénariste américain. Lonesome Dove a remporté le Prix Pulitzer de la Fiction en 1986. Il a également écrit avec Diana Ossana le scénario du film Le Secret de Brokeback Mountain.

La physique des catastrophes – Marisha Pessl

La physique des catastrophes - Marisha Pessl

Livre recommandé par le libraire : « jeune auteur qui vous emmène dans des histoires incroyables… » Je me suis laissé convaincre, et j’ai acheté son deuxième roman (Intérieur nuit) pour l’offrir à des amis (le libraire venait de le finir et en était encore tout retourné !), et pris celui-ci (son premier roman publié) pour moi-même : au moins, il est en format poche.

L’auteur serait donc l’enfant prodige de la littérature américaine, et ce roman a été élu comme l’un des meilleurs livres de l’année 2006 par le New-York Times.

Alors… bon, encore un auteur américain qui est payé à la ligne ! Le roman fait 800 pages… un bon tiers en moins ne lui aurait pas fait de mal, et sans rien perdre de l’histoire. On s’ennuie ferme devant la lenteur de l’intrigue ; c’est important de bien présenter les personnages, ok, mais à un moment, il faut démarrer ; ici ça se passe à la page 280, et il faudra attendre la page 496 pour en venir au moment décisif du récit !

Roman brillant ? en fait non… Le personnage principal est brillant, ce qui est différent. Bleue (c’est son nom) est une élève douée, élevée par son père, encore plus doué s’il n’est pas un génie. Il sait tout sur tout, et sa fille ne peut faire moins qu’être la première de sa classe.

Blue nous raconte l’histoire à la première personne, et en bonne surdouée, nous abreuve au moindre bout de phrase de références constantes à des auteurs ou des ouvrages de référence, parfois bidons, parfois instructives, mais finalement un peu fatigantes, car venant casser le fil du récit. Globalement, cela donne un effet « universitaire » au texte dont je me serais bien passé.

L’histoire quant à elle est beaucoup trop délayée pour qu’on prenne vraiment plaisir à tourner les pages (on fatigue plutôt). Et paradoxalement, j’ai trouvée la fin laborieuse, avec un sentiment d’inachevé. Quant à l’examen final qui clôt le livre, j’avoue ne pas avoir eu le courage de le lire, je n’en pouvais plus !

Marisha Pessl, née en 1977 est une écrivaine américaine.

Lectures, Ubuntu, Smartphone, Cinéma, entre autres…