Magellan – Stefan Sweig

On a tous appris à l’école que Magellan était le premier homme à avoir fait le tour du monde ! Mais le récit précis et détaillé qu’en fait Stefan Sweig vaut la peine d’être lu. L’auteur a lu toutes les archives et s’attache être précis et à préciser les sources (ou leur absence) quand il le faut.

Magellan, fort d’une solide expérience de marin et de soldat acquise lors de précédents voyages en Orient et au Maroc, doté d’un caractère effacé et taciturne, mais aussi très obstiné et ambitieux, sollicite auprès du roi Manoel du Portugal un poste qu’il estime avoir largement mérité. Devant le refus (et le mépris) affiché par son souverain, il va se tourner vers le royaume d’Espagne, et obtenir du futur Charles Quint les moyens de financer une expédition vers l’Ouest. Cinq bateaux vont être préparés. Le pari est risqué, mais le profit peut être énorme !

Car à cette époque, les épices sont la source d’une extrême richesse. La route connue passe par le contournement de l’Afrique, et est contrôlée par les portugais. En effet, à la suite du premier voyage de Christophe Colomb, le pape a divisé le monde entre une zone réservée à l’Espagne, et l’autre au Portugal : c’est le traité de Tordesillas. La ligne de partage se situe à l’Ouest des îles du Cap Vert (incluant un petit bout du Brésil, ce qui explique pourquoi l’on y parle portugais alors que tout le reste de l’Amérique latine parle espagnol).

L’idée de Magellan est simple : il est persuadé de pouvoir contourner le continent américain comme cela a été fait par les portugais avec le Cap de Bonne-Espérance en Afrique. Ce faisant, il espère atteindre les îles aux épices (les Moluques), espérant les rendre de fait espagnoles : l’incertitude de la distance à parcourir pour faire le tour du monde rendant incertaine la position du méridien à l’opposé à la ligne de partage du traité de Tordesillas…

Le passage (le détroit de Magellan, un étroit goulet avant d’atteindre l’extrémité du continent (le Cap Horn ) est hélas beaucoup plus au Sud que le Cap de Bonne-Espérance, et les certitudes de Magellan s’effondrent. Les vivres commencent sérieusement à manquer, la mutinerie des capitaines espagnols contre ce portugais mutique qui dirige tout d’une main de fer, la longue traversée du Pacifique, tout cela rend ce voyage passionnant, et c’est un miracle qu’ils arrivent à trois bateaux (l’un a fait naufrage, l’autre a déserté et fait demi-tour) aux îles aux épices . La preuve que Magellan était un grand navigateur…

Hélas, alors que le plus dur est fait, Magellan va trouver bêtement la mort lors d’un combat inutile contre une tribu rebelle : il sous-estime leurs forces, ou surestime les siennes, et n’engage que 60 hommes alors qu’il pouvait en disposer de beaucoup plus, sans compter l’aide des guerriers du souverain local avec qui il est allié.

Un seul bateau reviendra à Séville, avec seulement dix-huit hommes à bord. Magellan ne recevra aucun honneur posthume, dénigré à la fois par les espagnols et par les portugais. Aucune de ses dernières volontés (il avait rédigé son testament avant de partir) ne sera exécutée. Il faudra attendre le XXe siècle pour qu’il soit réhabilité.

Il y a un documentaire sur Arte, en 4 épisodes, qui retrace cette aventure : L’incroyable périple de Magellan. Tout aussi passionnant, peut-être plus complet et avec des images des lieux traversés, comme le détroit de Magellan, où l’imagine mieux la difficulté à trouver un passage vu l’état où en était déjà l’expédition… Il aura fallu beaucoup de force de caractère et d’excellents marins pour réussir cet exploit.

Stefan Sweig ( 1881-1942) est un écrivain, dramaturge, journaliste et biographe autrichien. Il quitte son pays natal en 1934, en raison de la montée du nazisme pour se réfugier à Londres, puis au Brésil où il se suicidera. Il est l’auteur de plusieurs biographies : Joseph Fouché, Marie-Antoinette, Marie Stuart… et Magellan. Dans son livre testament, Le Monde d’hier. Souvenirs d’un Européen, Zweig se fait chroniqueur de cet « âge d’or » de l’Europe et analyse ce qu’il considère comme l’échec d’une civilisation.

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