Lawrence d’Arabie par Michel Renouard

Lawrence d'Arabie - Michel Renouard Deuxième biographie écrite par Michel Renouard que je lis, après celle de Joseph Conrad. De Lawrence d’Arabie, je ne connaissais pas grand-chose, si ce n’est le film réalisé par David Lean en 1962, où on le voit unifier les tribus arabes pour se battre contre l’empire ottoman pendant la première guerre mondiale.

Cela a donc été un plaisir de découvrir grâce au travail de Michel Renouard toute la complexité de Thomas Edward Lawrence, et surtout sa dimension… Même s’il était de petite taille et plutôt chétif, c’était un bourreau de travail (intellectuel comme manuel), et doté d’une grande résistance physique (grâce à sa volonté, entraînant son corps depuis longtemps à supporter la souffrance).

C’est d’abord un grand érudit, diplômé d’Oxford, passionné d’histoire, d’architecture (particulièrement les châteaux-forts), mais aussi de littérature : il écrira le célèbre « Les sept piliers de la sagesse», récit de ses aventures lors de la révolte arabe, mais se lancera aussi dans une traduction de L’Odyssée d’Homère.

C’est aussi un anti-conformiste, peu enclin à respecter le protocole, ce qui lui vaudra des inimitiés, mais aussi de solides amitiés, comme avec Churchill…

Mais le plus surprenant dans le personnage, c’est son « asexualité » : tout ce qui est physique semble le dégoûter, il est pur esprit, et son corps doit suivre sa volonté, ce qui lui sera bien utile dans le désert… Il peut vivre en véritable ascète. Il est néanmoins sensible à la beauté physique, homme ou femme, sans que cela implique quoique ce soit ; si l’on ajoute que l’amitié entre hommes est quelque chose d’assez commun dans les pays arabes, on désamorce assez facilement les rumeurs d’homosexualité.

Après ses études (1910), il part au Moyen-Orient (Syrie, Palestine) occuper un poste d’archéologue. Quand la première guerre mondiale est sur le point d’éclater, il va devenir agent de renseignement en Palestine et en Égypte, sous couvert d’activités scientifiques (pratique courante à priori, ne serait-ce que pour établir les cartes de régions mal connues).

Le véritable tournant de sa vie se trouve manifestement lorsqu’il est fait prisonnier par les Turcs à Deraa (Syrie), et qu’il s’y fait fouetter et violer. Cet épisode, contesté dans la forme par certains, et quoiqu’il en soit hautement traumatisant, va le changer pour toujours. On lui prête par la suite des pratiques masochistes, utilisant la flagellation comme stimulant érotique. T.E. Lawrence écrit dans les Sept piliers de la sagesse :

Cette nuit-là, dans Deraa, la citadelle même de mon intégrité personnelle s’était considérablement écroulée.

Michel Renouard cite l’analyse de Florence Tamagne pour résumer l’essentiel :

T.E. Lawrence est […] un excellent exemple d’inadaptation à la réalité sexuelle. Attiré par les hommes, il ne dépasse jamais l’enthousiasme platonique et bride ses désirs qu’il juge malsains […]. L’épisode le plus douloureux de sa vie, sa capture et son viol par le bey accentuèrent son sentiment de honte et de culpabilité. Sa répulsion vis-à-vis de la sexualité ne cessa de s’affirmer, sans jamais trouver de solution.

Revenons à la « grande Histoire » : Lawrence va donc servir d’agent de liaison entre les Britanniques et les forces arabes. L’essentiel est, pour les Britanniques, de s’assurer que les tribus arabes se coordonnent et se battent contre l’Empire ottoman. Lawrence se battra à leurs côtés, et la prise d’Aqaba sera son principal fait d’arme, choisissant contre toute attente de passer par l’intérieur des terres.

En échange de l’aide des forces arabes, les Britanniques leur ont laissé miroiter une certaine indépendance, notamment en Syrie, ce que Lawrence approuve. Mais pendant ce temps, à Genève, les accord de Sykes-Picot ont scellé le sort de la région, partagée entre français et britanniques comme il se doit ! La géopolitique ne fait pas de cadeau, et les promesses…

Lawrence va par la suite être le conseiller de Churchill, qui apprécie énormément le personnage et son indépendance d’esprit. Puis il va demander une affectation comme simple soldat à la R.A.F, sous un faux nom. Il souhaite retrouver un anonymat, une tranquillité d’esprit après avoir joué un rôle qui, dit-il, le dépassait. Il va enfin pouvoir se consacrer pleinement à son projet d’édition des Sept piliers de la sagesse, ainsi qu’à la traduction d’Homère.

Mais son passé le rattrape, la presse ne le laisse pas en paix, son nom ressurgit régulièrement, et les rumeurs les plus folles circulent, comme par exemple d’être en mission secrète au Kurdistan… Ce qui a pour effet d’énerver ses supérieurs, qui préféreraient se débarrasser de l’encombrant personnage. Il faudra un communiqué du roi George V pour calmer tout le monde, y compris la presse étrangère !

En 1935, il quitte l’armée définitivement, pour s’installer à Clouds Hill, un petit cottage qu’il a acheté et retapé. Passionné de motos et de vitesse, il trouve la mort le 19 mai de la même année, perdant le contrôle de son engin en voulant éviter deux cyclistes.

Michel Renouard, né en 1942 à Dinan, est un universitaire et écrivain français, auteur notamment de romans policiers.

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