L’affaire EADS pour les Nuls

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On nous a bien expliqué que le plan Power 8 était plus que nécessaire pour sauver EADS et Airbus, sa filiale. Concernant les délits d’initiés, la justice suit son cours, et Sarkozy a demandé toute la lumière. Nous voilà rassurés.

Mais il n’est pas inutile de reprendre l’histoire depuis le début pour mieux comprendre que ce qui se passe aujourd’hui ne sont que les miettes illégales d’un festin tout à fait légal.

C’est ce que nous propose François Ruffin, dans un article intitulé EADS : « L’affaire Lagardère pour les Nuls » .

Je résume (mais l’article est très complet et mérite le détour) :

Airbus nait en 1970 d’un accord entre la France et l’Allemagne, par le biais de 2 sociétés nationnales, Aérospatiale et MBB. Il lui faudra 20 ans pour devenir rentable et conquérir 35% du marché des avions de ligne.

Dans les années 90, les entreprises étatiques n’ont pas la côte, la mode est au privé. Les allemands vendent MBB à Daimler, un autre partenaire British Aerospace entre en bourse. Après avoir collectivisé les dépenses, il est temps de privatiser les recettes !

Lionel Jospin vend en 1999 Aérospatiale au groupe Lagardère, avec au passage une ristourne de 4 milliards de francs, mais surtout l’interdiction de gestion de l’Etat dans le groupe EADS : c’est Lagardère qui représentera la France. La voie est libre.

La recette est toujours la même : pas ou peu de développement industriel, et on se concentre sur la gestion : marge d’exploitation, compétitivité financière. En 5 ans, le résultat double et le cours de l’action augmente de 70%. On rachète même des actions. C’est le jackpot, tout le monde s’en met plein les poches.

On fait de la finance, plus des avions. De plus, au sommet d’EADS, la lutte pour le pouvoir fait rage, jusque dans les cabinets ministériels. Pas étonnant que l’A380 ait des problèmes… tout le monde le sait, et même la patronne du bistro de Blagnac !

On arrive en 2006 :

Début mars, EADS annonce un bénéfice net record de 1, 68 milliards d’euros. Aussitôt, plusieurs dirigants d’EADS vendent des actions, dont Noël Forgeard. Il empoche 2,5 millions d’euros pour lui, et 400 000 de plus pour chacun de ses fils. En avril, Lagardère et Daimler Chrysler vendent la moitié de leurs parts, soit 890 millions d’euros chacun. Finalement, le 13 juin, Airbus annonce un nouveau retard pour l’A380. Le titre perd 26% en une seule journée.

Nous voilà donc avec une société privée qui a des problèmes. Et tout le monde connait la solution à ce genre de problème : restructuration, licenciements, externalisation, etc… on connait la chanson.

Ce que l’on oublie de dire, c’est que dès 2005, EADS parlait déjà d’une stratégie d’internationalisation… alors que tout allait très bien à cette époque. En fait, même sans les retards de l’A380, le plan Power 8 aurait été appliqué : c’est la suite logique du processus de financiarisation. Ça me rappelle le film « Ma Mondialisation « , avec cette vallée en Savoie et les entreprises de décolletage : exactement les mêmes méthodes sont appliquées, celles du capitalisme purement financier.

Et les médias dans tout ça ? n’oublions pas que le groupe Lagardère détient des participations dans Le Parisien, i-télé, Le Monde, L’Humanité, Paris-Match, Canal Sat, et des dizaines de quotidiens régionaux… de plus c’est « le frère » de Sarko !

On peut toutefois noter le silence assourdissant pendant la campagne électorale, afin de ne pas entraver l’élection de l’ami du CAC40. Et si le Figaro en reparle aujourd’hui (à propos de la note de l’AMF), c’est tout simplement parce que Dassault (à qui appartient le Figaro) aimerait bien prendre la place de Lagardère.

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François Ruffin est un journaliste indépendant qui a écrit Les petits soldats du journalisme , où il raconte sa formation au CNJ, qui se proclame la « meilleure école de journalisme en France, et même en Europe ». Ce n’est pas son avis, et il y dénonce sévèrement la collusion des journalistes avec le pouvoir.

Il a préféré quitter Paris pour Amiens, et y fonder Fakir : « Journal d’enquête sociale – Fakir n’est lié à aucun parti, aucun syndicat, aucune institution. Il est faché avec tout le monde ou presque ».

Là-bas si j’y suis y a consacré une émission en invitant François Ruffin. Vous pouvez l’écouter ou la  « podcaster » ici .

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