Jean Lassale, député UDF, a arrêté sa grève de la faim. Il a peut-être gagné son combat pour que l’usine Toyal ne soit pas déménagée 65 kms plus loin. Lui qui s’était battu contre les écolos pour le tunnel du Somport, censé désenclaver la vallée et y créer des emplois… Raté ! Et comme l’usine en question est polluante, il ne risquait pas d’être soutenu par les amis de la nature (ou de la désobéissance civique !).

Mais revenons au début de l’histoire, elle mérite d’être contée…

En 1928, le groupe canadien Alcan s’installe dans la vallée: il y trouve l’énergie hydroélectrique abondante et peu chère nécessaire à la production d’aluminium. Tout va bien pendant 50 ans, puis l’usine préciclite… Le canadien s’associe alors avec le Japonnais Toyal qui a mis au point un procédé miracle, les fameux pigments d’alu. Sauvés ! Tout va tellement bien que le groupe, devenu filiale à 100% des japonnais, envisage de s’agrandir. Les élus locaux s’associent alors pour acheter un terrain de 2 hectares offert gracieusement au groupe. Silence radio jusqu’en 2004… où le patron de Toyal annonce que l’extension se fera ailleurs, sur le site de Lacq, à 65 kms de là.

Lassale est alors persuadé que c’est le début de la fermeture de la première usine. En effet, si l’usine ne produit ni fumée, ni odeur, ni bruit, l’emploi massif de solvants provoque des rejets toxiques, et induit un risque d’explosion. Or une directive européenne limite maintenant ces rejets. Surtout dans cette vallée protégée.

Il y a pourtant une solution technique, peu polluante, dite « à l’eau », qui permettrait à Toyal de se mettre aux normes Cevezo 2. Mais aucun amémagement de sens n’a été pris. Et pour cause:

Le nouveau site est proposé par Total (eh oui, toujours dans les bons coups), qui cherche à reconvertir la zone industrielle de Lacq, le plus grand gisement de gaz français (on l’a tous appris à l’école !), qui sera épuisé en 2010. Gros avantage, en plus des voies d’accès: cette jolie cavité où a été pompé le gaz est aujourd’hui vide… Venez y stocker vos déchets chimiques, c’est très pratique.

Ce serait l’idéal, non ? Lacq enchimmiqué, et de l’autre la vallée d’Aspe livrée aux éco-touristes qui viendront dans leur voiture métalisée faire de belles randonnées.

Comment faire comprendre aux japonnais (soucieux de rentabilité et d’être aux normes) et à la direction de Total (qui n’est pas à une vallée près) que cette vision de l’avenir a de quoi effrayer ?

Lassale se lance alors dans sa grève de la faim: Un mois sans manger, 21 kgs en moins. L’avenir nous dira s’il a vraiment gagné…

On est en tout cas loin de combats pour sauver la nature… plutôt dans la sauvegarde des emplois quelque soit le prix à payer… Y-a-t-il réellement un gagnant dans cette histoire ? j’ai plutôt l’impression que tout le monde perd.

Source: Le canard enchaîné – 12 avril 2006