L’homme qui aimait les chiens – Leonardo Padura

L'homme qui aimait les chiens - Leonardo Padura Sous ce titre un peu mystérieux se cache un superbe roman historique. J’ai vraiment beaucoup aimé, que ce soit le sujet ou le style, et les 700 pages sont passées comme une lettre à la poste. Excellent bouquin, passionnant de bout en bout, et avec une très belle couverture en plus ! 😉

Ce roman est l’histoire de l’assassinat de Léon Trotsky par le dénommé Ramón Mercader, de nationalité espagnole, un jour d’août 1940, à Mexico (partie historique)… racontée par un cubain qui a longtemps préféré garder le silence tellement il avait peur des conséquences (partie romancée).

En 1977, ce cubain avait en effet rencontré sur une plage de Cuba un vieil homme se promenant avec deux magnifiques Barzoï ; « L’homme qui aimait les chiens » (puisque c’est de lui dont il s’agit) finit par lui raconter une longue histoire… qui le fascine et l’effraie à la fois : on est à Cuba, et certaines choses ne sont pas permises, comme le révisionnisme historique (enfin remettre en cause l’histoire déjà révisée… comme de dire du bien de Trotski, officiellement traître au stalinisme).

Tout commence pendant la guerre d’Espagne où le jeune Ramón est recruté par les services secret soviétiques, tandis qu’au même moment, Trotski part en exil, sachant pertinemment que Staline le tuera lorsqu’il n’en aura plus besoin, quelles que soient les précautions qu’il prendra. Puis commence l’époque des procès staliniens qui font froid dans le dos : Staline, en bon dictateur, commence ses purges, et Trotski peut encore servir à en justifier certaines. Alors seulement l’inévitable adviendra.

Là où le roman est très fort, c’est justement pare que c’est un cubain qui la raconte. Le personnage a lui aussi connu (et subit) le communisme dans sa jeunesse : quand il se décide à raconter cette histoire, en 2004, beaucoup d’eau a coulé sur les ponts, et il sait de quoi il parle.

Le roman est parfaitement écrit (et traduit), et ce fut un véritable plaisir de le lire. Concernant la vérité historique du roman, le mieux est de laisser Leonardo Padura l’expliquer lui-même dans ses remerciements à la fin du livre :

À l’heure de sa conception, […] alors que nous étions au XXIe siècle et que l’URSS était morte et enterrée, j’ai voulu me servir de l’histoire de l’assassinat de Trotski pour réfléchir à la perversion de la grande utopie du XXe siècle, ce processus où nombreux furent ceux qui engagèrent leur espérance et où nous fûmes tant et tant à perdre nos rêves et notre temps, quand ce ne fut pas notre sang et notre vie.  Et c’est pour cette raison que je m’en suis tenu, le plus fidèlement possible (souvenez-vous qu’il s’agit d’un roman, malgré l’étouffante présence de l’Histoire dans chacune des pages), aux épisodes et à la chronologie de la vie de Léon Trotski, durant les années où il fut exilé, harcelé et finalement assassiné, et que j’ai essayé de conserver tout ce que nous savons avec certitude (en vérité bien peu de choses) de la vie ou des vies de Ramón Mercader, reconstruit(s) en bonne partie au fil de la spéculation à partir de ce qui est vérifiable et de ce qui est historiquement possible ou plausible d’après le contexte. Cet équilibre entre réalité tangible et fiction concerne aussi bien Mercader que de nombreux autres personnages réels qui apparaissent dans le récit romancé — j’insiste, romancé — et construit par conséquent selon les libertés et les besoins de la fiction.

Le livre va sortir en poche dès le mois prochain (collection Points, voir ici) : ça peut valoir le coup d’attendre si vous comptez l’acheter bientôt.

Leonardo Padura est un journaliste et écrivain cubain, né à La Havane en 1955. Il est l’auteur du Cycle Les Quatre saisons, quatre polars avec dans le rôle principal Mario Conde, un flic « hétérosexuel macho-stalinien », alcoolo et désabusé, vengeur des petits et des faibles, que je vais me faire un plaisir de lire.

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