Archives de catégorie : Littérature

Roi par effraction – François Garde

Livre reçu en cadeau de Noël, conseil du libraire… bon, on n’est pas obligé d’avoir les mêmes goûts que ledit libraire, je l’ai expérimenté depuis longtemps ! 😉 Car si l’histoire de Joachim Murat, maréchal d’Empire de Napoléon, mérite certes d’être contée, la façon dont l’auteur a choisi de le faire m’a laissé totalement hors de l’histoire !

Le roman commence quand Murat est incarcéré alors qu’il tente dans un geste désespéré de reprendre Naples avec une poignée de compagnons, alors que Napoléon vogue déjà vers St-Hélène. L’aventure tourne court, et dès lors, le récit va se diviser entre la vie de Murat proprement dite, et ses derniers jours, emprisonné et attendant la sentence finale.

Mais plutôt que de choisir un style purement biographique, François Garde a choisi de se mettre dans la tête de Murat, et de nous faire part de ses pensées intimes, de ses espoirs, de ses atermoiements, jusqu’à l’heure de sa mort. Cette façon de faire m’a profondément gêné, étant par nature assez imaginaire, voir fantasmée. Dommage, car l’auteur connaît manifestement son sujet, le récit de la vie de Murat en témoigne. J’aurais préféré plus de détails sur le contexte historique tout au long de cette période que cette introspection imaginaire.

Joachim Murat, fils d’un aubergiste, d’abord destiné au sacerdoce, s’enfuit et s’enrôle dans les chasseurs, puis dans la cavalerie où il va exceller. Cavalier émérite mais indiscipliné, il réalisera de nombreux exploits lors de charges héroïques et victorieuses au cours de différentes batailles où l’emmène Napoléon Bonaparte. Fait maréchal d’Empire et prince français par Napoléon Ier, il sera également grand amiral de l’Empire, grand-duc de Berg, puis roi de Naples à partir de 1808 sous le nom de Joachim Napoléon Ier. Marié à Caroline, la sœur de l’Empereur, ce dernier le tiendra malgré tout toujours à distance (comme d’autres sans doute) quand Murat recherchera toujours sa reconnaissance.

Piètre politicien, il lâchera l’Empereur après la campagne de Russie, signant un accord avec les autrichiens afin de préserver son royaume de Naples. Rêvant d’unifier l’Italie, lors du retour de Napoléon de l’île d’Elbe, dans un ultime revirement, Murat déclare pourtant la guerre à l’Autriche. Ce sera l’erreur fatale, lâché par Napoléon et obligé de fuire en Corse, d’où il lancera sa dernière expédition vers Naples.

François Garde, né en 1959, est un écrivain et un haut fonctionnaire français. Il est connu pour son roman « Ce qu’il advint du sauvage blanc » qui remporta de nombreux prix, dont le Goncourt du premier roman.

L’Œuvre au noir – Marguerite Yourcenar

Ayant lu et apprécié les Mémoires d’Hadrien (1951), premier grand succès de l’autrice, je ne pouvais faire l’impasse sur cet autre roman historique, clé de voûte de son œuvre si l’on en croit Wikipedia.

Cette fois, nous sommes transportés au Moyen-Âge, en Flandres au XVIème siècle, dans une époque assez agitée entre les guerres de territoire et celles de religion. Tout cela est d’ailleurs un peu compliqué à suivre, entre les catholiques et les protestants (réformes calviniste et luthérienne), et la réforme radicale avec ses anabaptistes. Ces derniers, mêlant révolte religieuse et sociale, et s’écartant un peu trop du dogme officiel, seront d’ailleurs massacrés par l’armée coalisée des princes, défenseurs du Saint-Empire romain germanique.

Une préface donnant les bases du contexte historique n’aurait vraiment pas été superflue ! D’habitude, je râle quand les préfaces dévoilent l’histoire et regrette qu’elles n’aient pas été des postfaces : pour une fois c’est l’inverse ! Heureusement, les notes de l’auteur en fin d’ouvrage aident un peu ; on y trouve aussi les « Carnets de notes » que l’auteur a tenu à faire incorporer aux éditions de son roman, et ils valent le détour !

Mais c’est le personnage de Zenon que nous allons suivre : libre penseur, philosophe, chirurgien, alchimiste… Il a eu une vie riche et traversé son époque en prenant toujours ses précautions, parfois amené à fuir du jour au lendemain pour sauver sa peau. Nous allons l’accompagner jusqu’à ses derniers jours, lorsqu’il sera finalement arrêté et jugé.

Le fait le plus marquant de l’époque est l’omniprésence de la religion et du christianisme en particulier, ainsi que l’obligation pour chacun d’y croire : dans le cas contraire, la vie ne vaut pas cher !

C’est magnifiquement écrit, avec un vocabulaire riche, comme Marguerite Yourcenar sait faire. Voilà ce que nous précise les notes de l’auteur sur le contexte historique :

La formule L’Œuvre au noir, donnée comme titre au présent livre, désigne dans les traités alchimiques la phase de séparation et de dissolution de la substance qui était, dit-on, la part la plus difficile du Grand Œuvre. On discute encore si cette expression s’appliquait à d’audacieuses expériences sur la matière elle-même ou s’entendait symboliquement des épreuves de l’esprit se libérant des routines et des préjugés. Sans doute a-t-elle signifié tout à tour ou à la fois l’un et l’autre.
Les quelques soixante années à l’intérieur desquelles s’enferme l’histoire de Zénon ont vu s’accomplir un certain nombres d’événements qui nous concernent encore : la scission de ce qui restait vers 1510 de l’ancienne Chrétienté du Moyen Âge en deux partis théologiquement et politiquement hostiles ; la faillite de la Réforme devenue protestantisme et l’écrasement de ce que l’on pourrait appeler son aile gauche ; l’échec parallèle du catholicisme enfermé pour quatre siècles dans le corselet de fer de la Contre-Réforme ; les grandes explorations tournées de plus en plus en simple mise en coupe du monde ; le bond en avant de l’économie capitaliste, associé aux débuts de l’ère des monarchies.

Cela donne envie de lire cette histoire, non ?

Mais le plus étonnant sont ces fameux « Carnets de notes » : ils nous révèle la face cachée qu’un auteur peut avoir avec son œuvre, et comment le temps qui passe continue de le faire réfléchir à son contenu. Voilà quelques exemples :

Où, quand, comment ? Où que ce soit, à quelle date et peu importe quels moyens, je suis sûre d’avoir à mon chevet un médecin et un prêtre – Zénon et le prieur des Cordeliers.

Comparant les personnages d’Hadrien et Sénon :

Deux êtres profondément différents l’un de l’autre : l’un reconstruit sur des fragments du réel, l’autre imaginaire, mais nourri d’une bouillie de réalité. Les deux lignes de force, l’une partie du réel et remontant vers l’imaginaire, l’autre partie de l’imaginaire et s’enfonçant dans le réel, s’entrecroisant. Le point central est précisément le sentiment de l’ÊTRE.

À propos de la longue période de la vie de Zénon qui n’est pas détaillée :

J’ai pourtant passé bien des heures à rêver ces épisodes, et il était tentant de les écrire, quitte à donner au livre cent pages de plus… Mais la hiérarchie des faits et des souvenirs eût été irréparablement compromise. On aurait eu une de ces pâles biographies où rien n’est dit parce que tout l’est.

Marguerite Yourcenar (1903-1987) est une femme de lettres française naturalisée américaine en 1947 (elle quitte la France en 1939), auteur de romans et de nouvelles « humanistes », ainsi que de récits autobiographiques. Elle fut aussi poète, traductrice, essayiste et critique littéraire. Son roman L’Œuvre au noir, paru en 1968, connaît un grand succès et remporte le prix Femina par un vote à l’unanimité du jury. Elle fut la première femme élue à l’Académie française (1980).

Âme brisée –  Akira Mizubayashi

C’est sur reddit (sujet « weekend culture » du vendredi) que j’ai entendu parlé en bien de ce roman. La personne disait qu’elle avait même eu la larme à l’œil au cours du récit.

Je dois dire que moi aussi, j’ai ressenti de l’émotion en lisant cette histoire touchante, très bien racontée, de ce violon dont l’âme a été brisée, et qui à travers le temps et l’espace va retrouver vie…

On est transporté dans un monde d’amour de la musique et de personnages aux sentiments nobles… Et franchement, ça fait du bien !

Akira_Mizubayashi, né en 1951, est un écrivain japonais, d’expression japonaise et française. Ce roman a reçu le prix des libraires 2020.

Le profanateur – Philip K. Dick

J’ai vu cette réédition sur le site dickien.fr, le titre ne me disant rien, je l’ai acheté en passant à la librairie. Après vérification je l’avais déjà lu, dans un recueil de romans de la collection Omnibus, édité par les Presses de la Cité (voir image ci-dessous). Mais c’était il y a si longtemps que je l’ai relu avec grand plaisir, n’en ayant gardé aucun souvenir ! 😳

L’histoire est plutôt sympa : dans une société extrêmement moralisatrice où toute chose non utile, le plaisir compris, est sévèrement réprimée (Vive le Rémor, ou le Réarmement Moral), Allan Purcell, cadre dans une agence de communication, parfaitement intégré à la société, se met à commettre la nuit des actes de vandalisme dont il ne garde aucun souvenir. La façon dont il dénature la statue du fondateur du Rémor, son premier méfait, est hilarante !

Allan va essayer de comprendre ce qui lui arrive, alors qu’au même moment on lui propose une promotion inespérée, le poste de directeur de TéléMédia, qui diffuse les programmes TV… Les deux événements auraient-ils un lien ?

La scène finale, très bien amenée, conclut fort habilement ce petit roman peu connu qui date de 1956, ce qui en fait donc l’un des premiers romans de P. K. Dick.

Philip K. Dick (1928-1982) est un auteur américain de romans, principalement de science-fiction. Plusieurs de ses romans ont été porté à l’écran, comme Blade Runner, Minority Report, Total Recall… Moins connu, A Scanner Darkly (l’adaptation de Substance Mort) est vraiment excellent dans le genre « délire schizo » familier à Dick. Ses nouvelles complètes, qui étaient épuisées, ont été rééditées par Gallimard dans la collection Quarto, en deux gros volumes à déguster.

Croc-blanc – Jack London

J’avais lu quelques Jack London récemment, et j’avais laissé de côté Croc-blanc, il était temps de combler cette lacune.

Cette fois, on est pour de bon dans un roman pour adolescent, l’histoire étant assez romanesque avec un happy-end digne de Disney à la fin ! De plus, le récit étant écrit du point de vue de Croc-Blanc, l’anthropomorphisme y est omniprésent, et gêne parfois la lecture.

On est loin de Martin Eden, le meilleur de ceux que j’ai lu ! Ceci dit, les aventures de Croc-blanc sont tout de même agréables à suivre, et le roman à lire. On ne peut toutefois s’empêcher de le mettre en parallèle avec l’Appel de la forêt, le premier succès de Jack London, écrit en 1903 : ce dernier relate l’histoire d’un chien domestique enlevé à un juge par des malfrats, qui se retrouve en Alaska à tirer des traîneaux, à subir de mauvais traitements, finit par rencontrer un bon maître, et à la fin rejoindra une meute de loups.

Ici, c’est le chemin inverse : Croc-blanc est né d’un père loup et d’une mère mi-chienne mi-louve dans le grand « Wild » où survivre est le seule loi qui compte, passera à peu près par les mêmes étapes pour finir en Californie dans la résidence d’un juge ! Publié en 1906, on peut se demander si Jack London n’a pas repris la même idée « à l’envers » avec l’idée de surfer sur son premier succès !

Jack London (1876-1916) est un écrivain américain dont les thèmes de prédilection sont l’aventure et la nature sauvage. Il a connu le succès après des années de pauvreté, de vagabondage et d’aventures. Il ne faut le réduire à un écrivain pour adolescents, son œuvre est beaucoup plus vaste et aussi politiquement engagée.

Poussière dans le vent – Leonardo Padura

J’aime bien cet auteur, que j’avais découvert avec l’excellent « L’homme qui aimait les chiens« , qui retrace sous forme romancée l’assassinat de Trostky à Cuba.

Ce roman-ci raconte l’histoire d’un groupe d’amis très soudés depuis le lycée, qui aime à s’appeler « Le Clan », et qu’un événement mystérieux va faire exploser (un mort et une disparition), amenant certains d’entre eux à s’exiler aux États-Unis ou en Europe. L’auteur va nous les présenter un par un, éclaircissant peu à peu le fameux événement (qui fera un peu « pschitt » à mon avis, mais peu importe).

Car le vrai sujet du roman est l’échec du système Cubain, ainsi que l’exil auquel sont amenés les gens s’ils veulent avoir une vie à la hauteur de leurs aspirations. L’histoire se passe dans les années 90, et la pénurie de denrées alimentaires se fait durement sentir ; nourrir sa famille devient un combat quotidien, tout se fait en mode débrouille, pendant que l’État continue de déverser des messages optimistes. Avec le temps, la pénurie ne fait qu’aggraver la corruption déjà présente, anéantissant l’espoir qui pourrait encore subsister chez les plus authentiques.

Si beaucoup de membres du Clan vont s’exiler, chacun vivra son exil très différemment, certains voulant tirer un trait définitif sur le passé et tout oublier, quand d’autres nourriront toujours une nostalgie et une mélancolie pour leur île chérie, l’individualisme occidental ne leur correspondant pas… Clara, personnage central du groupe, choisira elle de rester et d’y élever ses enfants, qui eux s’exileront à leur tour.

Tout cela est très bien raconté par l’auteur, et le tableau dressé d’une vie à Cuba bien pessimiste. Le roman manque toutefois un peu de rythme, chaque membre du groupe racontant finalement un peu la même chose, principalement l’inexorable échec du système cubain : difficulté pour se nourrir, pas de travail, corruption, peur de la police et de la délation. Et sans doute la nostalgie éprouvée par l’auteur lui-même…

Leonardo Padura est un journaliste et écrivain cubain, né à La Havane en 1955. Il est aussi l’auteur du Cycle Les Quatre saisons, quatre polars avec dans le rôle principal Mario Conde, un flic « hétérosexuel macho-stalinien », alcoolo et désabusé, vengeur des petits et des faibles !

Nullarbor – David Fauquemberg

Je crois que c’est ma sœur qui m’a parlé de cet auteur, et quand j’ai vu qu’il avait remporté le prix Nicolas Bouvier 2007 pour ce roman, je n’ai pas hésité une seconde.

Et c’est un vrai récit de voyage dans lequel nous embarque l’auteur, sans fioritures, on est pris par le rythme, tout peut arriver au prochain paragraphe, sans avertissement ni préambule.

Récit à la première personne de ce jeune français qui traverse sans trop de moyens l’Australie de Sydney à Perth, croisant des personnages atypiques, et qui une fois arrivé à Perth, à court d’argent, se retrouve embarqué sans aucune expérience sur « La perle des mers » pour une campagne de pêche. Le récit sera glaçant, tant par les conditions de travail plus que dangereuses que par la façon dont les requins sont rejetés à la mer encore vivants après leur avoir découpé leur aileron, pratique interdite mais rémunératrice.

Puis il remonte vers le nord, du côté de Broome, où il va enfin faire une vraie rencontre avec Augustus, un ancien de la tribu Bardi, force de la nature, qui l’accueille et lui fait partager la vie locale. « Napoleon » (ainsi nommé par Augustus) va enfin découvrir ce qu’il était venu chercher.

Jusqu’à la dernière scène, j’ai cru à un véritable journal de voyage…

David Fauquemberg, né en 1973, est un écrivain et traducteur français. Nullarbor est son premier roman, pour lequel il a donc remporté le prix Nicolas Bouvier, grand maître de la littérature de voyage( voir L’usage du monde).

La tristesse du samouraï – Victor del Arbol

C’est plus le titre que de bonnes critiques qui m’a attiré vers ce roman noir espagnol, entre polar et thriller, dans une Espagne encore marquée par le franquisme.

L’auteur nous emmène vite dans son intrigue, mêlant époque contemporaine et les années de la seconde guerre mondiale, quand l’Espagne est en pleine dictature militaire sous Franco. Les liens entre les différents protagonistes vont peu à peu se dévoiler, révélant des destins croisés et emmêlés…

Quand Maria, avocate, fait condamner en 1977 un policier pour tortures, elle ne se doute pas qu’en 1941, une femme a été froidement abattue pour avoir tenté de fuir son mari violent, Guillermo Mola, chef de la Phalange de la région. Et qu’en agissant ainsi, elle est elle-même manipulée… pour essayer de faire enfin accuser l’immonde Publio, l’homme de confiance de Guillermo, qui a toujours su rester dans l’ombre et tire encore les ficelles de nos jours, préparant la tentative de coup d’État de 1981 (bien réelle).

Les nostalgiques du franquisme ont la vie dure, et la vengeance est un plat qui se mange froid ! C’est bien écrit, l’intrigue est prenante et les pièces du puzzle se mettent petit à petit en place, c’est le principal intérêt de l’histoire. Et c’est bien un roman noir, pas de happy end !

Victor del Arbol, né en 1968 à Barcelone, est un auteur de roman policier. Auparavant, il a travaillé comme fonctionnaire dans le corps de la police catalane. C’est ce roman, paru en 2011, traduit en une douzaine de langues, best-seller en France, qui lui a apporté la notoriété et le prix du polar européen 2012.

Magellan – Stefan Sweig

On a tous appris à l’école que Magellan était le premier homme à avoir fait le tour du monde ! Mais le récit précis et détaillé qu’en fait Stefan Sweig vaut la peine d’être lu. L’auteur a lu toutes les archives et s’attache être précis et à préciser les sources (ou leur absence) quand il le faut.

Magellan, fort d’une solide expérience de marin et de soldat acquise lors de précédents voyages en Orient et au Maroc, doté d’un caractère effacé et taciturne, mais aussi très obstiné et ambitieux, sollicite auprès du roi Manoel du Portugal un poste qu’il estime avoir largement mérité. Devant le refus (et le mépris) affiché par son souverain, il va se tourner vers le royaume d’Espagne, et obtenir du futur Charles Quint les moyens de financer une expédition vers l’Ouest. Cinq bateaux vont être préparés. Le pari est risqué, mais le profit peut être énorme !

Car à cette époque, les épices sont la source d’une extrême richesse. La route connue passe par le contournement de l’Afrique, et est contrôlée par les portugais. En effet, à la suite du premier voyage de Christophe Colomb, le pape a divisé le monde entre une zone réservée à l’Espagne, et l’autre au Portugal : c’est le traité de Tordesillas. La ligne de partage se situe à l’Ouest des îles du Cap Vert (incluant un petit bout du Brésil, ce qui explique pourquoi l’on y parle portugais alors que tout le reste de l’Amérique latine parle espagnol).

L’idée de Magellan est simple : il est persuadé de pouvoir contourner le continent américain comme cela a été fait par les portugais avec le Cap de Bonne-Espérance en Afrique. Ce faisant, il espère atteindre les îles aux épices (les Moluques), espérant les rendre de fait espagnoles : l’incertitude de la distance à parcourir pour faire le tour du monde rendant incertaine la position du méridien à l’opposé à la ligne de partage du traité de Tordesillas…

Le passage (le détroit de Magellan, un étroit goulet avant d’atteindre l’extrémité du continent (le Cap Horn ) est hélas beaucoup plus au Sud que le Cap de Bonne-Espérance, et les certitudes de Magellan s’effondrent. Les vivres commencent sérieusement à manquer, la mutinerie des capitaines espagnols contre ce portugais mutique qui dirige tout d’une main de fer, la longue traversée du Pacifique, tout cela rend ce voyage passionnant, et c’est un miracle qu’ils arrivent à trois bateaux (l’un a fait naufrage, l’autre a déserté et fait demi-tour) aux îles aux épices . La preuve que Magellan était un grand navigateur…

Hélas, alors que le plus dur est fait, Magellan va trouver bêtement la mort lors d’un combat inutile contre une tribu rebelle : il sous-estime leurs forces, ou surestime les siennes, et n’engage que 60 hommes alors qu’il pouvait en disposer de beaucoup plus, sans compter l’aide des guerriers du souverain local avec qui il est allié.

Un seul bateau reviendra à Séville, avec seulement dix-huit hommes à bord. Magellan ne recevra aucun honneur posthume, dénigré à la fois par les espagnols et par les portugais. Aucune de ses dernières volontés (il avait rédigé son testament avant de partir) ne sera exécutée. Il faudra attendre le XXe siècle pour qu’il soit réhabilité.

Il y a un documentaire sur Arte, en 4 épisodes, qui retrace cette aventure : L’incroyable périple de Magellan. Tout aussi passionnant, peut-être plus complet et avec des images des lieux traversés, comme le détroit de Magellan, où l’imagine mieux la difficulté à trouver un passage vu l’état où en était déjà l’expédition… Il aura fallu beaucoup de force de caractère et d’excellents marins pour réussir cet exploit.

Stefan Sweig ( 1881-1942) est un écrivain, dramaturge, journaliste et biographe autrichien. Il quitte son pays natal en 1934, en raison de la montée du nazisme pour se réfugier à Londres, puis au Brésil où il se suicidera. Il est l’auteur de plusieurs biographies : Joseph Fouché, Marie-Antoinette, Marie Stuart… et Magellan. Dans son livre testament, Le Monde d’hier. Souvenirs d’un Européen, Zweig se fait chroniqueur de cet « âge d’or » de l’Europe et analyse ce qu’il considère comme l’échec d’une civilisation.

Bitterroot – James Lee Burt

Polar conseillé par « La petite librairie », décrit comme « un roman noir au grand air », je me suis dit pourquoi pas ? D’autant que j’ai déjà lu du James Lee Burke avec son flic favori Dave Robicheaux qui enquête dans la Louisiane profonde…

Ici c’est un autre de ses personnages auquel l’auteur nous convie, c’est Billy Bob Holland, ex-Texas Ranger devenu avocat, qui passe quelques jour dans le Montana, chez son ami Voss dit « le Doc », vétéran du Vietnam peu loquace, et prompt à régler ses comptes.

Polar assez pesant, où la violence est latente sur fond de profits tirés mine d’or détruisant la nature, de ségrégationnistes, d’une bande de bikers, et même de mafieux… sans oublier quelques agents fédéraux omniprésents. Alors certes la nature grandiose du Montana est présente et nombreux paraphes la décrivant parsèment le récit pour lui rendre hommage, mais bon, ça m’a semblé un peu trop détaché de l’intrigue elle-même, comme si c’était une tâche que s’était assigné l’auteur.

Intrigue à laquelle je n’ai pas plus accroché, Billy Bob étant loin d’être sympathique (il est hanté par le meurtre involontaire d’un ami, et son comportement avec les femmes laisse beaucoup à désirer), tout comme son ami le Doc qui traverse l’histoire en décrochant à peine quelques mots.

Bref on s’ennuie pas mal et il ne se passe pas grand chose entre les éclats de violence qui font progresser une intrigue plutôt brouillonne.

James Lee Burke, né en 1936, est un auteur de romans policiers américain. Dave Robicheaux reste son personnage le plus connu, et si vous n’avez pas vu le film « Dans la brume électrique » (à défaut d’avoir lu le bouquin) je vous le recommande chaudement !