Archives de catégorie : Littérature

Retour de l’U.R.S.S. – André Gide

Retour de l'U.R.S.S. - André Gide

Voilà un petit moment que j’avais dans l’idée de lire ce livre. D’abord parce que, publié en 1936, il alerte déjà sur les dérives du système communiste. Violemment critiqué lors de sa publication par toute une partie des intellectuels toujours séduits par le communisme, André Gide publiera un an plus tard « Les retouches… » afin de leur répondre. Ce sont ces deux textes (relativement brefs) qui sont réunis dans ce livre.

La deuxième raison, c’est la qualité des écrits d’André Gide. Je l’ai découvert en lisant Voyage au Congo : récit de voyage magnifiquement écrit, et brûlot politique dans sa dénonciation du colonialisme. D’ailleurs, là aussi, il se fera tailler des croupières par la droite française, qui voit là une attaque contre les intérêts de la nation.

Un personnage très cultivé, voyageur, qui écrit bien, et qui n’hésite pas à dénoncer les abus du pouvoir quand il s’y trouve confronté… je me dis qu’un tel auteur mérite forcément d’être lu, et que l’on a peu de risque d’être déçu.

Dans le premier texte, on sent chez André Gide une certaine admiration pour ce qu’il découvre, et notamment les parcs de la culture, endroits où la jeunesse se retrouve après la journée pour y exercer toutes sortes d’activités (sportives, culturelles)  dans une sorte de ferveur joyeuse. Mais très vite, il se rend compte de l’impossibilité de critiquer le régime ; en particulier de l’effet désastreux sur les artistes, qui doivent se conformer à la rhétorique, leur art devant coller aux préceptes du gouvernement.

Les remarques concernent essentiellement les conséquences sur les artistes, mais André Gide étant passionné par l’art, c’est logique qu’il s’intéresse de près à ce sujet, dans ce nouveau contexte.

Dans la deuxième partie, Gide développe les effets du régime : pauvreté, sous-alimentation, analphabétisme, désindividualisation, dénonciations (par les enfants), déportations… S’il y a bien une dictature, ce n’est déjà plus celle du prolétariat, mais bien celle d’un despote et de son parti communiste tout puissant. Malheur à celui qui ose s’en écarter.

En URSS, il est admis d’avance et une fois pour toutes que, sur tout et n’importe quoi, il ne faut et ne saurait y avoir plus d’une opinion.

C’est très bien écrit, ses remarques sont pleines de bon sens, et le tout empreint d’une grande franchise. Difficile, par la suite, de dire « on ne savait pas ! ». Ils seront pourtant nombreux à le vilipender, et parmi eux, Simone de Beauvoir, qui nous dit dans La force de l’âge (que j’ai lu peu de temps avant) :

Le seul pays capable et sincèrement désireux de barrer la route au fascisme, c’était l’U.R.S.S. Et voilà que nous ne comprenions plus rien à ce qui se passait là-bas. Gide avait été trop prompt à s’engouer, trop prompt à se dédire, pour que nous prenions au sérieux le Retour d’U.R.S.S. qu’il s’était hâté de publier en revenant de Russie et qui avait fait grand bruit.

C’est un peu facile d’écrire ça, cela ressemble plus à de l’auto-justification pour éviter de dire qu’ils s’étaient tout simplement trompés (elle et Sartre).

André Gide (1869-1951) est un écrivain français, récipiendaire du prix Nobel de littérature en 1947. Issu d’une famille de la haute bourgeoisie protestante, il assume son homosexualité dès 1893, ce qui ne devait pas être évident.

Le dernier qui s’en va éteint la lumière – Paul Jorion

Le dernier qui s'en va éteint la lumière - Paul Jorion

C’est le premier livre de Paul Jorion que je lis, même si cela fait longtemps que je suis son blog. J’avais un peu peur que cela ne soit trop compliqué à lire, mais finalement c’est accessible, même s’il faut parfois relire le paragraphe pour bien comprendre de quoi il s’agit.

Comme indiqué sur la couverture, il s’agit d’un essai sur l’extinction de l’humanité. Le livre se compose de deux parties : la première sur l’économie, la seconde sur l’humain.

Première remarque : Paul Jorion pose d’entrée le postulat que la fin de l’humanité est proche, alors que je m’attendais plutôt à une démonstration amenant une conclusion. Certes, il argumente tout au long de l’ouvrage pour démontrer son postulat, mais cette façon de présenter les choses m’a un peu surpris en démarrant la lecture.

Ainsi, dès la préface, on est fixé :

Il y a cinquante ans à peine, l’espère humaine s’imaginait triomphante ; elle se découvre aujourd’hui au bord de l’extinction. À cette menace, elle ne répond que mollement, à la limite de l’indifférence ou — ce qui revient au même d’un point de vue pratique — en tentant d’en dégager un bénéfice commercial de toute tentative de réponse. C’est-à-dire en ignorant de facto l’urgence et l’ampleur du péril.

Voilà ce que j’ai pu en retenir, ou plutôt ce qui a retenu mon attention : il y a bien sûr plein d’autres aspects abordés par Paul Jorion, notamment dans la seconde partie, avec beaucoup de références aux penseurs, auteurs, philosophes, de différentes époques. La ligne de raisonnement est parfois difficile à suivre, et la vision complète (l’inéluctabilité de la fin de notre espèce) peu évidente à saisir (mais c’est normal, puisque nous ne somme pas outillés pour cela !). Cet article n’est donc en aucun cas exhaustif de tous les sujets abordés par Paul Jorion.

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Les particules élémentaires – Michel Houellebecq

Les particules élémentaires - Michel Houellebecq C’est le troisième livre de Michel Houellebecq que je lis, et c’est sans doute celui que j’ai préféré.

J’avais d’abord lu La carte et le territoire, et si j’avais bien aimé, le fait que l’auteur se mette lui-même en scène (ainsi que Beigbeder) m’avait beaucoup moins plu, soit en gros toute la deuxième partie. Puis, reprenant les choses au début, j’ai lu Extension du domaine de la lutte, son premier roman : pas mal non plus, mais tellement sombre, avec ses personnages suicidaires et fortement perturbés, débouchant sur une vision de la société moderne sans espoir.

Ici, c’est l’histoire de deux frères (enfin demi-frères puisque d’une mère différente), nés tous les deux dans les années 50. Ils ne se sont connus qu’au Lycée, et vont évoluer très différemment : Michel deviendra un scientifique de haut niveau, nettement introverti et ayant fait le choix de vivre seul ; quant à Bruno, fonctionnaire, une forte tendance à la masturbation va lui rendre sa vie sexuelle un peu compliquée…

Ce livre, c’est presque de la sociologie ! Il y a une description fulgurante du vingtième siècle, à travers la généalogie des deux frères : en quelques pages, Houellebecq vous dresse un résumé de l’évolution de notre société occidentale assez sidérant (et toujours aussi peu optimiste).

C’est très bien écrit, comme d’habitude, et l’histoire est assez fouillée, la vie des deux frères passionnante à suivre, sous des dehors frivoles. L’ensemble est une longue dissertation sur la vie, sur le sens que l’on essaie désespérément d’y trouver, et bien sûr de sa fin inéluctable.

L’épilogue est sans appel : les travaux de Michel permettent quelques années plus tard à la science de créer « une nouvelle espèce intelligente créée par l’homme à son image et à sa ressemblance », mais sans la sexualité comme moyen de reproduction, puisque immortelle… L’humanité devenant ainsi « la première espèce animale de l’univers connu à organiser elle-même les conditions de son remplacement ».

Autres articles sur le blog à propos de Michel Houellebecq :

Michel Houellebecq (né Michel Thomas à La Réunion en 1956), est l’un des auteurs contemporains de la langue française les plus connus et traduits dans le monde. Révélé par « Extension du domaine de la lutte » (1994) et surtout « Les particules élémentaires » (1998). Élevé d’abord par ses grands-parents maternels en Algérie, il est confié à six ans à sa grand-mère paternelle Henriette, communiste, dont il adoptera le nom de jeune fille comme patronyme.

Lawrence d’Arabie par Michel Renouard

Lawrence d'Arabie - Michel Renouard Deuxième biographie écrite par Michel Renouard que je lis, après celle de Joseph Conrad. De Lawrence d’Arabie, je ne connaissais pas grand-chose, si ce n’est le film réalisé par David Lean en 1962, où on le voit unifier les tribus arabes pour se battre contre l’empire ottoman pendant la première guerre mondiale.

Cela a donc été un plaisir de découvrir grâce au travail de Michel Renouard toute la complexité de Thomas Edward Lawrence, et surtout sa dimension… Même s’il était de petite taille et plutôt chétif, c’était un bourreau de travail (intellectuel comme manuel), et doté d’une grande résistance physique (grâce à sa volonté, entraînant son corps depuis longtemps à supporter la souffrance).

C’est d’abord un grand érudit, diplômé d’Oxford, passionné d’histoire, d’architecture (particulièrement les châteaux-forts), mais aussi de littérature : il écrira le célèbre « Les sept piliers de la sagesse», récit de ses aventures lors de la révolte arabe, mais se lancera aussi dans une traduction de L’Odyssée d’Homère.

C’est aussi un anti-conformiste, peu enclin à respecter le protocole, ce qui lui vaudra des inimitiés, mais aussi de solides amitiés, comme avec Churchill…

Mais le plus surprenant dans le personnage, c’est son « asexualité » : tout ce qui est physique semble le dégoûter, il est pur esprit, et son corps doit suivre sa volonté, ce qui lui sera bien utile dans le désert… Il peut vivre en véritable ascète. Il est néanmoins sensible à la beauté physique, homme ou femme, sans que cela implique quoique ce soit ; si l’on ajoute que l’amitié entre hommes est quelque chose d’assez commun dans les pays arabes, on désamorce assez facilement les rumeurs d’homosexualité.

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Shibumi – Trevanian

Shibumi - Trevanian Un roman culte, comme le claironne le bandeau ? justifié par le chiffre de deux millions d’exemplaires vendus ? J’aurais du me méfier !

Bon, je cherchais un roman facile pour le mois d’août, genre bon polar… D’après le quatrième de couverture, le héros est un maître du jeu de Go, élevé au Japon, formé aux arts martiaux, et tueur professionnel. On peut même y lire : «Shibumi, le chef-d’œuvre de Trevanian, est un formidable roman d’espionnage et une critique acerbe de l’Amérique». Cela semblait correspondre à mes besoins, et si en plus il s’agissait d’un livre culte, alors…

Hélas, les promesses n’ont pas été tenues. S’il s’agit d’un livre culte, alors peut-être pour les ados en quête de héros invincibles et de jugements à l’emporte-pièce sur la méchante société pourrie par des gens très puissants qui domine le monde tout en restant dans l’ombre…

Quant à la critique acerbe de l’Amérique, on repassera. D’ailleurs, tout le monde en prend pour son compte (anglais, français, palestiniens, israéliens, basques, etc…) : la critique est tellement facile quand on est prêt à dire n’importe quoi !

Car que de poncifs dans ce roman au style souvent pompeux et aux jugements à deux balles… Vraiment ça ne vole pas haut, pas plus haut que l’intrigue qui ne vaut vraiment rien à mes yeux. La seule partie vaguement intéressante est celle de l’enfance du héros Nicholas Hel. Une autre partie peut également valoir d’être lue si vous êtes amateur de spéléologie (et encore, le niveau des remarques de son truculent compagnon basque risquent de vous lasser)…   Sinon, je ne vois pas.

Sur la page wikipedia de l’auteur, on peut lire :

« J’étais obligé de donner à mon éditeur un nouveau livre. Un autre « Trevanian ». J’ai avalé cette pilule amère, et décidé d’écrire encore un livre dans le genre « super-espionnage »…

Bon, ben voilà, on a tout compris.

Trevanian (1931/2005) est l’un des noms de plume de l’écrivain américain Rodney William Whitaker. Il semble habitué aux best-sellers, et a mené une vie retirée dans le pays basque, refusant tout entretien ou photos. Un de ses romans a été porté à l’écran : La sanction (The Eiger Sanction).

Apprenti – Pierre Magnan

apprenti J’ai acheté ce livre à la librairie Le Bleuet du petit village de Banon (Alpes-de-Haute-Provence). Étonnant de trouver une librairie de cette taille dans un si petit village… Il semblerait qu’en 2010, le propriétaire ait eu les yeux plus grand que le ventre en voulant s’agrandir pour s’adapter à la vente en ligne. Ce fut le début de problèmes financiers, aboutissant à la vente de la librairie, qui reste tout de même la plus grande librairie française indépendante en milieu rural.

Et puisque j’étais à Banon, j’ai choisi un auteur du coin dont plusieurs personnes m’avaient déjà dit du bien, Pierre Magnan, ami de Jean Giono, et dont toutes les œuvres se situent à Manosque ou sa région.

Pour une première découverte de cet auteur, je n’ai pas été déçu : Pierre Magnan y raconte ses années de jeunesse avec beaucoup de franchise, et on apprend beaucoup sur la vie des gens à cette époque, dans une petite ville comme Manosque : comme le monde a changé depuis ! Le contraste est saisissant…

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La force de l’âge – Simone de Beauvoir

La force de l'âge - Simone de Beauvoir Après Mémoires d’une jeune fille rangée, je poursuis le récit de sa propre vie que s’est engagée à écrire Simone de Beauvoir. Le premier récit s’arrêtait à l’âge de vingt-et-un ans, celui-ci démarre donc en 1929 et se termine à la fin de la seconde guerre mondiale.

C’est toujours aussi bien écrit, et d’une grande franchise. À tel point que les défauts apparaissent assez facilement, et le personnage que j’avais peut-être idéalisé montre ici d’autres facettes, avec le temps qui passe et l’entrée dans la vraie vie. Son image en prend un sérieux coup !

Il faut dire à sa décharge que l’époque est assez confuse, avec la montée des nationalismes, la guerre d’Espagne, puis la seconde guerre mondiale. Quand on arrive à l’âge adulte dans ce contexte, pas facile de savoir comment l’on aurait soi-même agi…

Dès le prologue, elle annonce toutefois certaines limites à son récit autobiographique (facilement compréhensibles, mais disons « joliment » présentées) :

Cependant, je dois les prévenir que je n’entends pas leur dire tout. J’ai raconté sans rien omettre mon enfance, ma jeunesse ; mais si j’ai pu sans gêne, et sans trop d’indiscrétion, mettre à nu mon lointain passé, je n’éprouve pas à l’égard de mon âge adulte le même détachement et je ne dispose pas de la même liberté. Il ne s’agit pas ici de clabauder sur moi-même et sur mes amis ; je n’ai pas le goût des potinages. Je laisserai résolument dans l’ombre beaucoup de choses.

Avant que la guerre n’arrive (soit pendant dix ans), on observe une grande aptitude (avec Sartre) à se donner des excuses, des justifications, refusant le système mais vivant en petits-bourgeois. Ils ont tous les deux de purs intellectuels se refusant à intervenir dans la vie politique, très égoïstes dans leurs actes, et cherchant surtout à profiter de la vie au maximum (c’est leur droit), mais avec aussi un côté manipulateur (voir plus bas l’histoire avec Olga).

Par exemple, lorsqu’il s’agit de partir en voyage en Allemagne pour rejoindre Sartre, Simone de Beauvoir n’hésite pas à poser un arrêt maladie bidon (Ah l’absentéisme dans l’Éducation nationale ! 😉 )… Et plus tard quand un voyage en Italie est possible, dussent-ils visiter une exposition fasciste organisée par Mussolini, ce n’est pas une raison pour y renoncer :

Cette année-là, Mussolini avait organisé à Rome une « Exposition fasciste » et, pour y attirer les touristes étrangers, les chemins de fer italiens leur consentaient une réduction de 70%. Nous en profitâmes sans scrupule.
Pour faire valider nos billets à prix réduits, il nous fallut nous présenter à l’exposition fasciste. Nous jetâmes un coup d’œil sur les vitrines où étaient exposés les revolvers et les matraques des « martyrs fascistes ».

Pour des intellectuels, c’est assez moyen… Michel Onfray leur reproche beaucoup ce voyage, et jusqu’ici, je ne comprenais pas trop son animosité à l’égard de Simone de Beauvoir. Je la comprends mieux maintenant, puisqu’il met toujours en perspective la vie et l’œuvre du philosophe…

Voici d’autres petites choses que j’ai noté qui la rende moins sympathique, suivis d’extraits relatant l’arrivée de la guerre, moment qui semble l’avoir tout de même amenée à revoir beaucoup de choses :

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Le clan du sorgho rouge – Mo Yan

Le clan du sorgho rouge - Mo Yan J’avais bien aimé les deux autres romans que j’ai lu de cet auteur : Beaux seins, belles fesses et Grenouilles. Le premier est parfois appelé « le cent ans de solitude chinois », le second nous parle de la politique de l’enfant unique du président Mao. Tout cela à la façon de Mo Yan, c’est-à-dire sous la forme de grandes fresques pleines d’humour, sans toutefois dénoncer ouvertement le régime politique.

Je dois dire que j’ai été assez déçu par celui-ci. C’est pourtant le livre qui a rendu célèbre l’auteur en 1986 (il est donc antérieur aux deux autres) : Mo Yan y rend hommage à ses grands-parents ainsi qu’à son père, en racontant leur histoire pour le moins mouvementée et sanglante.

Nous sommes en 1939, en pleine guerre sino-japonaise,dans la province de Gaomi, au Nord-Est de la Chine. Les Japonais ont envahi la région et détruisent, tuent, brûlent et violent à tout va. Les petits paysans en sont réduits à se défendre et se battre avec les moyens du bord, plus ou moins mêlés aux brigands du coin. Ils partent tendre une embuscade à un convoi ennemi…

Il y a là également des troupes communistes (encore en ascension) et les troupes nationalistes (Kuomintang). Si tout le monde combat les envahisseurs, ils ne se font pas pour autant de cadeaux entre eux, tous deux revendiquant le pouvoir sur les paysans, s’appropriant les armes qu’ils ont durement prises à l’ennemi.

Le sorgho occupe une place centrale dans le récit, tout comme dans la vie des paysans. C’est une plante qui ressemble au maïs, qui leur apporte nourriture, fourrage, et même alcool. Elle est souvent évoquée par les personnages, et décrite par le narrateur.

Le style littéraire est assez agréable (parfois un peu trop verbeux), avec comme toujours de très belles descriptions de la nature ; la description d’une époque et d’un monde rural disparu (où les animaux ont aussi leur place) est parfaitement rendue… Mais attention, les scènes de violence et de combats sont assez crues… car la mort est souvent au tournant quand on se bat avec de vieux pistolets contre des mitrailleuses. Et par conséquent, l’humour trouve peu sa place ici.

Mais c’est l’absence de chronologie qui m’a vraiment dérangé. Tout semble raconté en plein désordre, comme des souvenirs revenant à la surface ; au lecteur de se débrouiller avec tout ça ! C’est réellement pénible, et on finit par se perdre et se lasser dans ces constants aller-retour entre les différentes époques de la vie de Yu Zhan’ao (le grand-père) et de Dai Fenglian (la grand-mère).

Mo Yan (né en 1955) est un écrivain chinois qui a reçu le prix Nobel de littérature en 2012. Issu d’une famille paysanne (province de Gaomi) qui connaît la famine pendant le Grand Bond en avant. Pendant la Révolution culturelle, il est renvoyé de l’école ; il lui faudra s’engager dans l’armée pour pouvoir enfin écrire. Son prix Nobel a été contesté par de nombreux intellectuels chinois lui reprochant son manque de solidarité et d’engagement vis-a-vis des autres écrivains et intellectuels chinois réprimés par le pouvoir.

Sang maudit – Dashiell Hammett

Sang maudit - Dashiell Hammett C’est en écoutant une émission sur France Culture que j’ai entendu parler de cet auteur considéré comme le créateur du roman noir américain, pionnier de la « hard-boiled school », soit « l’école des durs à cuire », en référence aux personnages violents et apparemment dépourvus de sensibilité qui fourmillent dans ses histoires ; cela changeait des Miss Marple ou Hercule Poirot !

Effectivement, dès le début du roman, on est surpris par le ton très sec et direct adopté : on ne perd pas de temps dans de longues descriptions, il faut que l’enquête avance ! Et la tâche ne sera pas simple pour le détective (anonyme) de la compagnie d’assurance Continental. Il est fort heureusement extrêmement compétent, et semble toujours avoir une longueur d’avance, capable de démêler les informations pour en extraire celles qui sont pertinentes autant que d’analyser la psychologie des personnages.

Le roman est composé en trois parties, et à la fin de chacune d’elle, l’affaire semble élucidée et résolue aux yeux de tous, malgré les doutes du « Continental Op »… Et c’est bien  sûr lui qui a raison, il va falloir ré-ouvrir le dossier plusieurs fois, et à chaque fois remonter d’un niveau dans l’arnaque ou la manipulation.

L’ensemble est tout de même un peu tiré par les cheveux, et il faudra que l’auteur consacre le dernier chapitre à nous expliquer le dénouement de l’affaire ! Mais le roman reste assez intéressant, grâce au personnage du « Continental Op », à qui on la fait pas : ses questions abruptes, ses jugements sur les acteurs du drame, sa manière de gérer l’enquête même s’il reste assez discret sur ce qu’il prépare.

Dashiell Hammett (1894-1961) est un écrivain et un scénariste américain. Considéré comme le fondateur du roman noir, Il a influencé des auteurs comme Hemingway, Chandler et même Simenon en France. Né dans une famille pauvre, fils d’un escroc, il mène d’abord une vie de bohème où il apprend la loi de la rue, avant de devenir détective privé pour l’agence Pinkerton, dont il démissionnera quand celle-ci sera embauchée pour briser les grèves. Dans la deuxième partie de sa vie, alcoolique, il sera accusé de communisme sous l’ère du MacCarthysme (il n’a jamais caché ses sympathies pour cette idéologie) et ira en prison. Son œuvre la plus connue est sans doute « Le faucon Maltais » et son héros Sam Spade, interprété à l’écran par Humprey Bogart.

Non, ce pays n’est pas pour le vieil homme – Cormac McCarthy

Non, ce pays n'est pas pour le vieil homme - Cormac McCarthy Je connaissais le film des frères Coen, excellent, avec ce tueur en série réellement effrayant qui se ballade avec sa bouteille d’oxygène et son pistolet à tige utilisé dans les abattoirs ! Brrr, d’autant qu’il semble toujours avoir une longueur d’avance sur tous les autres…

Et c’est un copain qui m’a prêté le bouquin qui a inspiré ce film. L’auteur, j’ai déjà lu un roman de lui : La route ; j’avais bien aimé, tout en notant une forte dose de chrétienté et de Châtiment Divin dans ce roman post-apocalyptique.

J’avais aussi noté un choix de traduction un peu surprenant : l’utilisation de « et » dans les énumérations, chose qui se fait en anglais, mais pas vraiment en français… Et comme c’est le même traducteur qui est à l’œuvre ici, on retrouve très souvent ce genre de phrases que je trouve personnellement plutôt lourdingues :

L’homme fait jouer la serrure d’un tiroir du bureau et en sort un coffret en acier et l’ouvre et en sort une carte et rabat le couvercle et ferme le coffret à clef et le range.

Et des phrases comme ça, il y en a des centaines, car le style de l’auteur est assez brut, très précis sur les gestes et actions des personnages du roman. Idem pour les dialogues, des phrases courtes, sèches, où l’on répond du tac au tac sans fioritures. Ne vous attendez pas à de grandes envolées littéraires, mais plutôt à des réflexions sur la vie en quelques mots bien sentis… Par contre, l’histoire est assez prenante, et l’on est assez vite accroché au récit, à espérer que Moss va quand même réussir à échapper aux tueurs à ses trousses.

Ce ne sera pas le cas, et sa mort est annoncée assez abruptement, sans que la scène ait été écrite. On l’apprend quand les flics arrivent sur la scène de crime, sans savoir de qui il s’agit (comme dans le film).

Et puis il y a le shérif Bell qui suit tout ça, complètement désabusé sur l’époque et sa violence, sur ce qu’est devenu son pays… Il démissionnera d’ailleurs, écœuré par l’impuissance ressentie à lutter contre le mal. On retrouve d’ailleurs, toutefois à dose plus légère, la référence à Dieu qui a abandonné le monde, et l’idée que la perte du sentiment religieux est responsable de cet état de fait.

À part ça, le film suit assez fidèlement le bouquin, ce qui est assez rare pour être signalé. Il y a juste l’auto-stoppeuse que prend Moss qui a disparue, dommage car leurs dialogues étaient intéressants, Moss essayant de raisonner la jeune fugueuse et de lui expliquer qu’on ne repart jamais vraiment de zéro, comme en partant en stop vers la Californie pour fuir ses parents.

Un bon polar, noir à souhait, à l’écriture toutefois un peu surprenante (et pas seulement par la traduction) : les dialogues ne sont pas franchement marqués, sauf par des retours à la ligne, mais se mêlant parfois à la narration. Mais bon on s’y fait.

Cormac McCarthy est né en 1933 à Providence (Etats-Unis). Reconnu comme l’un des écrivains majeur de son époque, il a reçu le prix Pulitzer en 2007 pour «La route».«No country for old men» date de 2005. Il est hanté par la violence des hommes et la question du Mal (Nathalie Crom – Télérama). Son meilleur livre serait Méridien de sang (Blood meridian) : un gamin au Texas qui se retrouve avec des chasseurs d’indiens, plongé dans un monde où seuls les plus violents survivent («sorte d’anti-western basé sur des faits réels. Noir, lyrique, et violent»). Et même très violent parait-il.