Le vide et le plein – Nicolas Bouvier

Le vide et le plein - Nicolas Bouvier Nicolas Bouvier, je l’ai découvert avec « L’usage du monde« , un livre culte : récit de voyage certes (et quel voyage : deux années pour traverser l’Europe et le Moyen-Orient jusqu’au sous-continent indien, tout cela à bord d’une fiat 500 !), mais aussi beaucoup plus que cela, par le ton du narrateur, ses observations, son humour, sa culture…

Quand j’ai vu ce poche sur la table du libraire, je n’ai donc pas vraiment hésité. Il s’agit de ses carnets d’un voyage fait au Japon en 1964, avec femme et enfant, qui ne furent publiés qu’en 2004, de manière posthume donc.

Et la lecture fût un plaisir : une série d’anecdotes, de réflexions, souvent drôles tellement les deux cultures sont différentes… Je ne suis jamais allé au Japon, mais à lire ce livre, on comprend que ce soit pas toujours facile… Extrait :

Un ami qui a passé trois ans en Chine et vit à présent très heureux ici  me dit que l’espace mental qui nous sépare de la Chine est incomparablement plus facile à franchir que celui qui nous sépare du Japon. On s’en doutait. Ce qui fait tout le prix du Japon — souvent à nos dépens et à ceux des Japonnais — c’est d’être un pays extrême, presque sans références extérieures, un système clos, un peuple  qui doit encore aujourd’hui, malgré une immense flotte commerciale, la troisième économie du monde et un niveau très élevé d’éducation et d’information, se frapper violemment le front du poing pour se persuader qu’il ne rêve pas et que le monde  extérieur existe. Le seul proche voisin du Japon est la Corée que les Japonnais détestent et pour laquelle ils n’éprouvent que de l’éloignement. D’après un pool récent, c’est même le pays du monde pour lequel les Japonnais éprouvent le moins d’attraction. C’est donc comme si la Corée n’existait pas et l’insularité et l’isolement japonnais sont aussi marqués que dans le cas, disons, de l’Islande.

Au gré des rencontres et du voyage, les situations inattendues, surprenantes, ne manqueront pas, autant d’occasions à narrer et de sources de réflexions. Le livre se termine par une « carte postale » :

– Et le Japon ?
– À la fin ça devient agréable.
– Pourquoi donc êtes-vous rentré alors ?
– Pour faire l’amour, cher monsieur. Cela n’allait plus : en plein hiver, je voyais des grappes de muscat danser dans le ciel, je mettais le verbe avant le sujet, et parfois même, deux cravates l’une sur l’autre. Il fallait bien faire quelque chose.
– J’ai cependant entendu dire qu’au Japon les occasions ne manquaient pas.
– Effectivement, c’est un pays sur lequel on entend dire beaucoup de choses. Et puis je vous répondrai comme l’ami Chamfort : « Est-ce ma faute si j’aime mieux les femmes que j’aime que celles que je n’aime pas ? »

Un livre très agréable donc, que l’on lire par petits bouts puisque les anecdotes et réflexions se suivent sans être liées. Nicolas Bouvier, dans ces  carnets, nous montre tout son talent : drôle, surprenant, toujours lucide, d’une grande profondeur sans se prendre pour autant la tête.

Autre article de cet auteur sur le blog : L’usage du monde – Nicolas Bouvier

Nicolas Bouvier (1929-1998) est un écrivain, photographe et voyageur suisse. Son œuvre est considérée comme un chef-d’œuvre de la littérature de voyage. On peut trouver quelques vidéos de Nicolas Bouvier sur le site de la RTS.

2 réflexions sur « Le vide et le plein – Nicolas Bouvier »

  1. Que veut dire cette carte postale ?
    Je lis et relis ce passage et je ne comprends pas.
    C’est le dernier paragraphe du livre et le plus mysterieux pour moi.
    Une idée ?
    n.

    1. Je ne sais pas, je l’ai lue au premier degré : le ton général est léger, il commence par dire qu’il trouve le Japon finalement agréable (ce qui n’était pas évident après ses premières impressions), puis qu’il n’a pas d’attirance pour les femmes japonaises… Peut-être sa femme était-elle déjà rentrée ?

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