Archives de catégorie : Littérature

Le pavillon rouge & Meurtre à Canton – Robert Van Gulik

Le pavillon rouge C’est en lisant la biographie de Simon Leys que j’ai entendu parlé de cet auteur un peu atypique, puisque grand sinologue, homme très cultivé, diplomate hollandais dans de nombreux pays, et donc également auteur de romans policiers se passant dans la chine impériale du VIIéme siècle.

Ce sont des enquêtes assez plaisantes à suivre, le juge Ti résolvant les énigmes par la logique, tout en finesse et réflexion. Une sorte de Maigret chinois ! L’univers décrit nous permet de découvrir les us et coutumes de cette époque, et le dépaysement est assuré. Amateurs de polars à l’ancienne, vous serez comblés !

Meurtre à Canton Dans le pavillon rouge, l’intrigue se passe sur l’île du Paradis, un lieu de plaisirs et de débauche… Un jeune homme de l’Académie Impériale s’est suicidé, puis la plus belle courtisane de l’île est retrouvée morte. L’enquête va s’avérer compliquée à mener…

Dans Meurtre à Canton, l’intrigue est complexe, entre la cupidité des uns, et la communauté arabe venue pour commercer, mais qui s’est implantée et finit par menacer le pouvoir local… Sans parler de la rivalité des chinois du nord et du sud !

Point commun entre les deux romans, le rôle des femmes est souvent celui de courtisanes, ou de prostituées, qui se servent de leurs charmes pour mener à bien leurs projets. Quand on sait que Van Gulik était aussi passionné par les estampes érotiques de la dynastie Ming, et pas seulement de façon théorique, ceci explique cela !

Robert Van Gulik (1910-1967) est un écrivain, diplomate, sinologue et intellectuel distingué. C’est en 1948 au Japon qu’il traduit un roman policier chinois, le Dee Goong An ou Trois affaires criminelles résolues par le juge Ti, fonctionnaire de l’époque Tang. En s’inspirant de vieux récits chinois, Van Gulik écrit alors dix-sept récits policiers fictifs, affaires débrouillées par son juge Ti.

Simon Leys : navigateur entre les mondes – Philippe Paquet

Simon Leys : navigateur entre les mondes - Philippe PaquetJ’aime les biographies qui racontent l’histoire d’hommes remarquables. Ils peuvent avoir eu un destin exceptionnel, marquant l’Histoire (comme Lawrence d’Arabie par exemple, ou Simon Bolivar), mais pas forcément : ils peuvent aussi être de grands écrivains comme Joseph Conrad, ou être simplement très cultivés, et savoir nous faire partager cette culture.

Simon Leys (de son vrai nom Pierre Ryckmans) fait partie de cette dernière catégorie ; il est d’abord un amoureux de la peinture, puis de la calligraphie, ce qui l’amènera à devenir un grand sinologue ; il sera le premier à dénoncer les horreurs du maoïsme avec Les habits neufs du président Mao (1971), à une époque où les intellectuels français portaient l’expérience chinoise aux nues, encore portés par l’esprit de Mai 68.

Il n’a écrit qu’un seul roman, mais en a traduit de nombreux en y apportant un grand soin. Simon Leys a par ailleurs principalement écrit des essais pour nous faire partager ses passions : la mer, la littérature, la Chine. Et quand un homme comme lui, très cultivé, modeste mais sachant manier l’ironie mordante quand il le faut, vous fait partager ses réflexions sur la vie, on ne peut qu’être charmé. Voilà d’ailleurs le compte rendu que fît un journaliste de « La flandre libérale » après une conférence de Simon Leys sur la peinture (donnée en 1966) :

M. Ryckmans, svelte, au fin visage encadré d’une barbe noire, répondit avec une modestie charmante, et passionna d’emblée ses auditeurs par la sûreté, la captivante subtilité, l’élégance allusive de son exposé. Nous avons été charmés surtout par sa sincérité profonde, son sens de l’humanisme universel, et par un refus constant de pathos et de verbalisme.

Cette biographie très complète se révèle donc passionnante à lire : le style est limpide, et se plonger dans les plus de 600 pages est un véritable plaisir à chaque fois renouvelé. Philippe Paquet, journaliste à « La Libre Belgique » et sinologue, a réalisé là un bien bel ouvrage ! Il y a par exemple quelques pages sur le métier de traducteur (part importante du travail de Simon Leys) qui sont d’un grand intérêt. On y parle aussi forcément de la culture chinoise, millénaire, qui fascina tant Simon Leys, suffisamment forte pour se remettre des années maoïstes. Et l’un des plaisirs supplémentaires que l’on peut y trouver, ce sont les livres mentionnés au fil de sa vie et de ses travaux, autant de titres à noter pour les lire plus tard. Très enrichissant donc.

Autres articles du blog sur des ouvrages de Simon Leys :

Voilà quelques remarques, un bref résumé de sa vie, et surtout quelques livres qui peuvent valoir le détour, notés au fur et à mesure de cette lecture.

Continuer la lecture… Simon Leys : navigateur entre les mondes – Philippe Paquet

Les clochards célestes – Jack Kerouac

Les clochards célestes - Jack Kerouac Il y a quelques années déjà (en 2007), on a beaucoup parlé dans les médias du cinquantenaire du roman culte de Jack Kerouac, Sur la route.

Dans mes souvenirs, je n’étais pas allé au bout de sa lecture, m’ennuyant passablement, mais j’avais par contre beaucoup aimé Les clochards célestes. J’ai recherché ce dernier sans succès dans mes bouquins, et j’ai fini par l’acheter à nouveau, histoire de le relire.

Et je dois dire que ce fut un plaisir de se replonger dans cette histoire pleine de fraîcheur, où l’on suit Ray Smith (alias Kerouac) et ses amis vivre frugalement, refusant le système, préférant rechercher la voie du Bouddha et le nirvana que la réussite professionnelle et matérielle.

Il ne s’agit pas de vivre en ermites pour autant, et les mœurs sont assez libres ; on fait joyeusement la fête et le vin coule à flots, mais on se raconte aussi des poèmes, on discute de philosophie orientale (tendance bouddhisme Zen), on médite, on dort à la belle étoile… Et puis on prend son sac-à-dos pour aller passer avec des amis une nuit sur le plus haut sommet de la région, sans forcément bien préparer l’expédition, car l’essentiel est ailleurs : vivre libre et au grand air de la nature. Je comprends qu’à l’époque, ce bouquin m’ait plu.

Puis Ray Smith partira seul passer l’hiver au sommet d’une autre montagne (Desolation Peak) pour surveiller les feux de forêts, un moyen de concilier l’utile à l’agréable, et de profiter de quelques mois de solitude en pleine nature.

C’est sans doute « la plus fraîche et la plus lumineuse » des œuvres de Kerouac  (Y. Le Pellec).

Jack Kerouac (1922-1969) est un écrivain et poète américain. Son roman le plus célèbre est donc « Sur la route », considéré comme le manifeste de la Beat Generation.

Nostromo – Joseph Conrad

Nostromo - Joseph Conrad Retour à Joseph Conrad (quand on aime…) avec le roman Nostromo, réputé comme le chef-d’œuvre de Conrad, mais d’une lecture difficile car la narration n’est pas linéaire. Lors de sa parution, il fût mal reçu par la critique qui le trouva trop complexe, trop long.

De nos jours, nous sommes habitués à des récits non chronologiques, la lecture n’en est donc pas si déroutante que cela. Je ne suis pourtant pas fan de ce genre de procédé, mais là, je dois dire que cela ne m’a absolument pas gêné, car c’est complètement maîtrisé. Quant à la longueur, soit environ 500 pages, pour un bon roman, c’est toujours un plaisir.

L’histoire, c’est celle d’une république imaginaire en Amérique latine, avec ses coups d’États, ses luttes pour la démocratie… à moins que ce ne soit pour la mine d’argent, exploitée par un anglais allié à des capitaux américains. Au milieu de ce petit monde créé de main de maître, se croisent aventuriers, noblesse locale, intellectuels, bandits, généraux… Et bien sûr Nostromo, le personnage qui donne son titre au roman.

Joseph Conrad va nous raconter cette histoire, avec comme toujours cette richesse dans la description des lieux, du caractère de chaque personnage, des événements qui s’enchaînent. Il y a aura travaillé pendant plus de deux années, et lui aura donné beaucoup de mal… Mais le résultat est là, c’est un roman dans lequel on se plonge avec délice.

Nostromo, qui prend son temps pour apparaître dans  l’histoire, est un personnage au caractère complexe, avec de forts idéaux mais sans réelle ambition. Un héros auquel on va demander beaucoup… Voilà comment Conrad le décrit dans la préface :

Par atavisme accroché fermement à la terre, imprévoyant et généreux, prodigue de ses dons, d’une vanité virile, avec le sentiment confus de sa grandeur, son dévouement fidèle et quelque chose de désespéré aussi bien que d’éperdu dans ses élans, il est un homme du peuple, il est sa force désintéressée, qui ne daigne pas prendre la tête mais gouverne de l’intérieur. Des années plus tard, ayant avancé en âge sous le nom du célèbre capitaine Fidanza, avec des intérêts dans le pays, s’occupant de ses nombreuses affaires, suivi de regards respectueux dans les rues modernisées de Sulaco, rendant visite à la veuve du cargador, assistant aux séances de la Loge, écoutant dans un silence impassible des discours anarchistes pendant la réunion, protecteur énigmatique de la nouvelle agitation révolutionnaire, le riche camarade Fidanza, objet de la confiance générale mais portant enfermée dans son cœur la conscience de sa dégradation morale, il reste essentiellement un homme du peuple. Dans son mélange d’amour et de mépris pour la vie et dans sa conviction égarée d’avoir été trahi, de mourir trahi il ne sait trop par qui ni comment, il reste encore du peuple, le grand homme incontesté de celui-ci… avec son histoire personnelle bien à lui.

Car les circonstances (et quelques lingots d’argent) peuvent changer le caractère d’un homme…

Autres articles sur Joseph Conrad sur ce blog :

Joseph Conrad (1857-1924), d’origine polonaise, est considéré comme l’un des plus importants écrivains anglais du XXe siècle. Il sera marin pendant vingt ans, puis se consacrera totalement à son œuvre littéraire.

N°44, le mystérieux étranger – Mark Twain

N°44, le mystérieux étranger - Mark Twain C’est sur les recommandations d’un ami que j’ai lu ce livre. Il s’agit du dernier roman de Mark Twain, qui ne sera publié qu’après sa mort (1910). Et encore : Mark Twain travailla sur trois versions de ce texte, des versions censurées seront d’abord publiées, et c’est finalement en 1969 que cette version complète et finale est enfin publiée aux U.S.A. En France, ce sont les éditions Tristram qui le publieront en 2011.

Autant le dire tout de suite, je n’ai pas du tout accroché. Mais alors pas du tout, et je me demande bien ce que mon ami a bien pu y trouver… Pour moi, c’est un conte assez enfantin, et où l’on s’ennuie ferme en y cherchant désespérément un intérêt quelconque.

L’histoire se passe au Moyen-Âge, et le narrateur est un jeune apprenti travaillant dans une imprimerie. Son récit est empreint d’une foi religieuse frisant la bêtise pure, plus proche de la superstition que d’autre chose (ce qui était sans doute le cas à l’époque). Arrive un étranger qui dit s’appeler « N°44 série 864962″… Ce dernier a des pouvoirs illimités et va mettre une belle pagaille dans le château, créant des avatars, faisant parler les animaux, j’en passe et des meilleures…. Puis à la fin du récit, il annonce au jeune apprenti :

Tout ce que je t’ai révélé est vrai : il n’y a pas de Dieu, pas d’univers, pas de race humaine, pas de vie terrestre, pas de paradis, pas d’enfer. Tout cela n’est qu’un Rêve, un rêve grotesque et imbécile. Rien n’existe à par Toi. Et Tu n’es qu’une Pensée – une Pensée vagabonde, une Pensée inutile,une Pensée sans attache, errant tristement dans les éternités vides !
Il disparut et me laissa consterné ; car je savais et j’avais compris que tout ce qu’il avait dit était vrai.

Un nihilisme total donc, qui peut expliquer les versions censurées, et le temps qu’il a fallu pour publier la version complète et originale (si tant est que Mark Twain ai considéré le roman comme terminé). Mais bon, franchement, de nos jours, le message paraît largement dépassé, surtout sous cette forme, celle d’un conte pour enfants.

Mark Twain (1835-1910) est un écrivain, essayiste et humoriste américain. Après avoir fait une carrière de militaire, été imprimeur puis journaliste, il se fait connaître par son roman Les Aventures de Tom Sawyer (1876) et sa suite, Les Aventures de Huckleberry Finn (1885). La page wikipedia précise aussi que « Mark Twain est un pamphlétaire virulent et irrévérencieux, notamment lorsqu’il s’en prend à Dieu, à la religion et aux fondements du christianisme ».

Vernon Subutex Tome 1 & 2 – Virginie Despentes

Vernon Subutex - Virginie Despentes Premier roman de Virginie Despentes que je lis : cet été, je vois un ami terminer le tome 1 de Vernon Subutex en étant semble-t-il très accroché aux dernières pages… Étant à court de lecture, il me le recommande, et je le lui emprunte. Ce fut une bonne surprise.

Le style est assez alerte, fait de courtes phrases qui s’enchaînent à grande vitesse. On est pris par le rythme, on a envie de tourner les pages, même s’il faut ralentir pour tout capter car il en est dit beaucoup, dans ces phrases toutes simples. La description des (nombreux) personnages de l’intrigue, comme celle de la société, est presque brutale, sans concession. La triste condition humaine, revue et corrigée par le regard acerbe de Virginie Despentes.

Le tome 1 est assez sombre dans l’ensemble, où l’on voit Vernon Subutex, ancien disquaire, sombrer peu à peu jusqu’à devenir S.D.F. Vernon Subutex - Virginie Despentes Le tome 2 (intelligemment précédé d’un index des personnages apparus dans le tome précédent) sera beaucoup plus lumineux, avec ce groupe d’amis qui se retrouvent autour de Vernon Subutex, au parc des Buttes Chaumont, pour discuter, écouter de la musique, fumer des joints et se la couler douce. Ça fait un peu penser aux années 70…

Reste le tome 3 ? il semblerait qu’il soit prévu, mais peu d’infos pour l’instant… Sans doute encore en cours d’écriture. En tout cas, j’ai beaucoup aimé ces deux romans, et je vais devoir revoir mon à-priori sur l’auteur.

Comme la musique est très présente dans cette histoire, il y a un site (sans publicité, créé par… un ancien disquaire !) qui a repris toutes les références musicales citées dans les deux tomes ; avec même une playlist à écouter en ligne !

Virginie Despentes, née en 1969 à Nancy, est est une écrivaine et réalisatrice française. Elle a connu le succès avec ses deux premiers romans, Baise-moi 1993) et Les chiennes savantes (1995).

Soleil Hopi – Don C. Talayesva

Soleil Hopi - Don C. Talayesva En rangeant mes vieux bouquins, je suis tombé sur celui-ci, et j’ai eu envie de le relire. Je croyais en avoir de bons souvenirs, et avec une préface de Claude Lévi-Strauss, je me suis laissé tenter. En fait, mes souvenirs n’étaient pas très précis : je me souvenais de bonnes lectures avec des textes de chefs indiens, comme « Pieds nus sur la terre sacrée »…

Mais ce n’est pas le cas ici, il s’agit plutôt d’un ouvrage d’anthropologie, sous la forme de l’autobiographie d’un vieux chef indien Hopi ; il était d’ailleurs payé pour cela, sans doute à la page, ce qui laisse imaginer qu’il ait pu « broder » un peu…

Alors si vous voulez savoir à quelle occasion on jette de la farine de maïs au sol et dans quelle direction, cet ouvrage est parfait ! Les cérémonies sont racontées avec force détail, et à moins de vouloir étudier à fond la culture Hopi, la lecture de ces moments n’est pas vraiment passionnante, et représente une grande partie de l’ouvrage. J’ai failli abandonner…

Le début est cependant très intéressant, quand, tout jeune encore, Don Carlos Talayesva est envoyé à l’école des blancs, car c’est comme ça que cela se passe (colonisation) : il y apprend la langue, à lire et écrire, et bien sûr la religion chrétienne… Il y restera quelques années, puis choisira de revenir vivre selon sa culture propre (et à suivre la Voie du Soleil).

L’homme est apparemment d’une grande sincérité (et ne manque pas d’humour), il nous raconte beaucoup de choses sur la vie traditionnelle des indiens Hopi, l’éducation des enfants, etc… Leur monde est rempli de croyances, de rites à respecter, et est en fait très religieux. Il faut dire que la vie dans ces régions arides n’a rien d’évident, on invoque souvent la pluie et s’il y a sécheresse, c’est que l’on a fait quelque chose de mal. La description des rites d’initiation est donc assez ennuyeuse pour un simple lecteur, à l’exception de son voyage au pays des morts lors de son passage à l’âge adulte ! À vous faire dresser les cheveux sur la tête…

Si les rites ou cérémonies pour un oui pour un non réglementent beaucoup d’aspects de la vie, côté sexe, c’est par contre assez libre. Les jeunes hommes draguent et couchent à tout va, assez facilement… jusqu’au jour du mariage, où finalement ils ne seront qu’à peine plus fidèles ! Don C. Talayesva semble considérer qu’un homme a besoin de plusieurs femmes, mais il souhaite conserver la sienne…  Et quand sa femme lui demande des explications sur une rumeur d’infidélité, il inverse le problème en disant: « Dans ce cas, ça ne paye pas d’être honnête, car même si une femme trompe son mari, elle ne peut supporter que son mari en fasse autant« . CQFD, rien de nouveau sous le soleil (Hopi) ! 😉

Les faux-monnayeurs – André Gide

Les faux-monnayeurs - André Gide Encore un livre d’André Gide, mais un roman cette fois-ci. Je voulais voir ce que pouvait donner un roman de cet auteur, n’ayant lu que des récits de voyage : Voyage au Congo et Retour d’U.R.S.S.

D’abord, quel plaisir de lire un grand auteur ! On a beau dire, le style de grands écrivains (et sans doute plus de cette époque), c’est quelque chose ! Et assurément, André Gide en fait partie.

L’histoire est assez difficile à raconter, avec quatre personnages principaux : Olivier et Bernard, tous deux lycéens mais qui s’apprêtent à entrer dans la vie active, et deux écrivains homosexuels, l’oncle Édouard et Robert de Passavant… Ces derniers vont chercher à s’attirer les bonnes grâces deux autres…

Rien de graveleux pour autant, tout est exprimé sur le ton des sentiments ressentis, comme une amitié profonde entre deux êtres : on y parle de sentiments nobles en fait. Pas plus qu’une histoire de fausse monnaie ! Le titre fait référence à un élément mineur de l’histoire, où le petit frère d’Olivier, qui n’a pas froid aux yeux, trafique un peu.

Et bien d’autres intrigues viennent s’y mêler : les membres des familles d’Olivier et Bernard ont aussi leurs histoires et leurs problèmes, et il y a finalement pas mal de personnages qui participent à l’histoire. Cerise sur le gâteau, l’oncle Édouard écrit un roman s’intitulant « Les faux-monnayeurs » dans lequel il note les événement de sa vie, créant ainsi une mise en abîme dans la construction de l’histoire, parfaitement maîtrisée par André Gide.

On se laisse facilement porter par le style, la richesse de l’histoire, les sentiments des personnages. Ce que l’on peut appeler un bon roman.

André Gide (1869-1951) est un écrivain français, récipiendaire du prix Nobel de littérature en 1947. Issu d’une famille de la haute bourgeoisie protestante, il assume son homosexualité dès 1893, ce qui ne devait pas être évident. Plusieurs de ses œuvres sont sur ce thème ou au moins l’abordent ; avec Corydon qu’il choisit de publier sans crainte du scandale que cela allait inévitablement provoquer (on est en 1924, et l’homosexualité est encore considérée comme une perversion), il exprimera sa vision (le  sous-titre est « Quatre dialogues socratiques »). Les faux-monnayeurs, publié en 1925, a été reconnu comme précurseur de nouveaux styles littéraires, comme le nouveau roman.

Retour de l’U.R.S.S. – André Gide

Retour de l'U.R.S.S. - André Gide

Voilà un petit moment que j’avais dans l’idée de lire ce livre. D’abord parce que, publié en 1936, il alerte déjà sur les dérives du système communiste. Violemment critiqué lors de sa publication par toute une partie des intellectuels toujours séduits par le communisme, André Gide publiera un an plus tard « Les retouches… » afin de leur répondre. Ce sont ces deux textes (relativement brefs) qui sont réunis dans ce livre.

La deuxième raison, c’est la qualité des écrits d’André Gide. Je l’ai découvert en lisant Voyage au Congo : récit de voyage magnifiquement écrit, et brûlot politique dans sa dénonciation du colonialisme. D’ailleurs, là aussi, il se fera tailler des croupières par la droite française, qui voit là une attaque contre les intérêts de la nation.

Un personnage très cultivé, voyageur, qui écrit bien, et qui n’hésite pas à dénoncer les abus du pouvoir quand il s’y trouve confronté… je me dis qu’un tel auteur mérite forcément d’être lu, et que l’on a peu de risque d’être déçu.

Dans le premier texte, on sent chez André Gide une certaine admiration pour ce qu’il découvre, et notamment les parcs de la culture, endroits où la jeunesse se retrouve après la journée pour y exercer toutes sortes d’activités (sportives, culturelles)  dans une sorte de ferveur joyeuse. Mais très vite, il se rend compte de l’impossibilité de critiquer le régime ; en particulier de l’effet désastreux sur les artistes, qui doivent se conformer à la rhétorique, leur art devant coller aux préceptes du gouvernement.

Les remarques concernent essentiellement les conséquences sur les artistes, mais André Gide étant passionné par l’art, c’est logique qu’il s’intéresse de près à ce sujet, dans ce nouveau contexte.

Dans la deuxième partie, Gide développe les effets du régime : pauvreté, sous-alimentation, analphabétisme, désindividualisation, dénonciations (par les enfants), déportations… S’il y a bien une dictature, ce n’est déjà plus celle du prolétariat, mais bien celle d’un despote et de son parti communiste tout puissant. Malheur à celui qui ose s’en écarter.

En URSS, il est admis d’avance et une fois pour toutes que, sur tout et n’importe quoi, il ne faut et ne saurait y avoir plus d’une opinion.

C’est très bien écrit, ses remarques sont pleines de bon sens, et le tout empreint d’une grande franchise. Difficile, par la suite, de dire « on ne savait pas ! ». Ils seront pourtant nombreux à le vilipender, et parmi eux, Simone de Beauvoir, qui nous dit dans La force de l’âge (que j’ai lu peu de temps avant) :

Le seul pays capable et sincèrement désireux de barrer la route au fascisme, c’était l’U.R.S.S. Et voilà que nous ne comprenions plus rien à ce qui se passait là-bas. Gide avait été trop prompt à s’engouer, trop prompt à se dédire, pour que nous prenions au sérieux le Retour d’U.R.S.S. qu’il s’était hâté de publier en revenant de Russie et qui avait fait grand bruit.

C’est un peu facile d’écrire ça, cela ressemble plus à de l’auto-justification pour éviter de dire qu’ils s’étaient tout simplement trompés (elle et Sartre).

André Gide (1869-1951) est un écrivain français, récipiendaire du prix Nobel de littérature en 1947. Issu d’une famille de la haute bourgeoisie protestante, il assume son homosexualité dès 1893, ce qui ne devait pas être évident.

Le dernier qui s’en va éteint la lumière – Paul Jorion

Le dernier qui s'en va éteint la lumière - Paul Jorion

C’est le premier livre de Paul Jorion que je lis, même si cela fait longtemps que je suis son blog. J’avais un peu peur que cela ne soit trop compliqué à lire, mais finalement c’est accessible, même s’il faut parfois relire le paragraphe pour bien comprendre de quoi il s’agit.

Comme indiqué sur la couverture, il s’agit d’un essai sur l’extinction de l’humanité. Le livre se compose de deux parties : la première sur l’économie, la seconde sur l’humain.

Première remarque : Paul Jorion pose d’entrée le postulat que la fin de l’humanité est proche, alors que je m’attendais plutôt à une démonstration amenant une conclusion. Certes, il argumente tout au long de l’ouvrage pour démontrer son postulat, mais cette façon de présenter les choses m’a un peu surpris en démarrant la lecture.

Ainsi, dès la préface, on est fixé :

Il y a cinquante ans à peine, l’espère humaine s’imaginait triomphante ; elle se découvre aujourd’hui au bord de l’extinction. À cette menace, elle ne répond que mollement, à la limite de l’indifférence ou — ce qui revient au même d’un point de vue pratique — en tentant d’en dégager un bénéfice commercial de toute tentative de réponse. C’est-à-dire en ignorant de facto l’urgence et l’ampleur du péril.

Voilà ce que j’ai pu en retenir, ou plutôt ce qui a retenu mon attention : il y a bien sûr plein d’autres aspects abordés par Paul Jorion, notamment dans la seconde partie, avec beaucoup de références aux penseurs, auteurs, philosophes, de différentes époques. La ligne de raisonnement est parfois difficile à suivre, et la vision complète (l’inéluctabilité de la fin de notre espèce) peu évidente à saisir (mais c’est normal, puisque nous ne somme pas outillés pour cela !). Cet article n’est donc en aucun cas exhaustif de tous les sujets abordés par Paul Jorion.

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