Au revoir là-haut – Pierre Lemaitre

Au revoir là-haut - Pierre Lemaitre C’est à la radio que j’ai d’abord entendu parler de ce roman, roulant tranquillement vers la Bretagne. On y évoquait l’immense marché que fût la construction de tous ces monuments aux morts érigés après le première guerre mondiale, et pain béni pour les sculpteurs…

En cette année 2014, où l’on commémore le centenaire de cette guerre 14-18, le sujet était bien choisi, et a peut-être joué pour obtenir le prix Goncourt ? Le style de l’auteur, qui vient du roman policier, ne m’a pas impressionné en tout cas, même si la lecture reste très agréable et l’histoire passionnante. Je m’attendais à quelque chose de beaucoup plus littéraire pour un Goncourt ; après discussion avec le libraire, il n’y a pas à attendre un style particulièrement soigné pour obtenir le prix Goncourt… Dans le temps peut-être ?

Reste l’histoire, passionnante de bout en bout, et qui retrace bien l’époque : les derniers jours de la guerre d’abord (et son horreur), puis l’après-guerre, avec tous ces soldats démobilisés dont la société ne sait que faire : estropiés, amochés, quand ce n’est pas leur regard égaré par les horreurs qu’ils ont vécu qui fait peur aux braves gens. Ils emmerdent tout le monde, d’autant que le pays est à reconstruire économiquement.

L’idéal aurait été de gagner la guerre, mais sans aucun survivant ! Je dis ça en référence à Boris Vian, qui écrivait dans « Automne à Pékin » (je crois) à propos de la guerre : il faudrait tuer les survivants, il seraient sans doute moins nombreux à partir au front sans aucun espoir d’en revenir… 😉

La société d’après-guerre est encore très semblable au XIXème siécle : nobles (riches ou ruinés), famille d’industriels richissimes impliqués dans la politique, tous détenant le pouvoir et la richesse… en face, des pauvres (ouvriers, paysans, serviteurs), peu éduqués, avec seulement leurs bras à vendre pour une misère.

Deux soldats rescapés (dont l’un a littéralement la gueule cassée) vont monter une belle arnaque, et un militaire (noble ruiné) va en monter une autre, moins grandiose mais destinée à l’enrichir, enfin un industriel-politique va tenter de préserver l’honneur de son nom.

Côté style, le narrateur est l’auteur, contemporain, et qui nous raconte l’histoire, ce qui surprend un peu (personnellement, je ne suis pas fan). Par exemple :

Pour le moment, les gars sont dans l’attente de l’ordre d’attaquer. L’occasion n’est donc pas mauvaise pour observer Albert

Et l’auteur de nous décrire Albert. Un peu plus loin :

Pour nous, aujourd’hui, Albert Maillard ne semble pas très grand, un mètre soixante-treize, mais pour son époque, c’était bien.

Il anticipe aussi parfois sur le récit :

Et finir enterré vivant à quelques encablures de la fin de la guerre, franchement, ce serait vraiment la cerise. Pourtant, c’est exactement ce qui va arriver. Enterré vivant, le petit Albert. La faute à « pas de chance », dirait sa mère.

Hormis ceci, la lecture est très plaisante, et on est vite accroché par l’histoire et les personnages.

Pierre Lemaitre, né en 1951 à Paris, est romancier et scénariste. Il avait jusqu’ici écrit des romans policiers, et reçoit le prix Goncourt pour ce premier roman picaresque (et non historique comme on pourrait le croire).

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