L’aveuglement – José Saramago

L'aveuglement - José Saramago C’est un collègue qui m’a offert ce bouquin, en m’en disant le plus grand bien. Si l’idée de partager nos meilleures lectures est excellente (surtout au boulot), et même  si l’on pouvait lire sur la couverture de celui-ci « prix nobel de littérature », je dois dire que j’ai été un peu déçu…

L’histoire est en réalité une fable : un homme devient aveugle, puis deux, puis trois… c’est en fait une épidémie de cécité qui semble n’épargner personne. Les premiers atteints sont placés en quarantaine dans un asile désaffecté, et laissés sans autre assistance que la fourniture de vivres quotidienne. Un groupe se forme, d’autres arrivent, encore et encore, et l’on va assister à la lente dégradation de tout ce qui fait de nous des citoyens civilisés… La vie en société va vite se transformer en une jungle cruelle, et le vernis qui fait de nous des êtres civilisés s’effacer tout aussi rapidement.

La première chose qui m’a déplu, c’est l’absence de ponctuation pour les dialogues : ils s’intègrent au texte du paragraphe, sans retour ligne ou quoique ce soit, tout juste amorcés par une majuscule. Exemple :

Il agitait nerveusement les mains devant son visage, comme s’il nageait dans ce qu’il avait appelé une mer de lait, mais déjà sa bouche s’ouvrait pour lancer un appel au secours et au dernier moment la main de l’autre lui toucha légèrement le bras, Calmez-vous je vais vous conduire.  Ils se mirent en route très lentement, l’aveugle avait peur de tomber et traînait les pieds mais cela le faisait trébucher sur les irrégularités de la chaussée, Patience, nous sommes presque arrivés, murmurait l’homme, et un peu plus loin il demanda, Y-a-t-il chez vous quelqu’un qui puisse s’occuper de vous, et l’aveugle répondit, Je ne sais pas, ma femme n’est sans doute pas encore rentrée de son travail, il a fallu que ceci m’arrive aujourd’hui que je suis sorti plus tôt, Vous verrez que ça ne sera rien ,je n’ai jamais entendu dire que quiconque soit devenu aveugle comme ça, subitement, Et moi qui me vantais de ne pas porter de lunettes, je n’en ai jamais eu besoin.

Un petit tour sur la page wikipedia de l’auteur nous apprend que c’est bien de son style qu’il s’agit :

L’écriture de José Saramago est faite de longues phrases, rythmées par de nombreuses virgules. Ces phrases peuvent être vues comme une succession de phrases courtes où la virgule aurait remplacé le point. Elles comprennent aussi de nombreuses incises, qui sont autant de digressions à l’adresse du lecteur. Les dialogues eux-mêmes ne sont pas introduits classiquement par des guillemets ou des tirets, mais sont traités sous forme d’incises au cœur des phrases
On sent chez l’auteur une jubilation à balader le lecteur au gré de digressions, de métaphores et d’anachronismes qui mettent en relief des jeux de miroir où mensonge et vérité se confondent et s’échangent.

Moi je veux bien… Toujours est-il que j’ai trouvé ça assez gênant pendant la lecture, on est obligé de faire la ponctuation soi-même, de casser le rythme de lecture d’un (toujours long) paragraphe car on vient de passer de la narration au dialogue (et vice-versa). Je n’y vois aucun intérêt particulier, à part le fait de se faire balader !

Et pour ma part, les digressions de l’auteur, utilisant le « nous » dans la narration, se résument à asséner une bonne vieille vérité sur la vie, éculée la plupart du temps. Quant à la fable… bon si on devient tous aveugles, plus rien ne marche, et personne ne voit ce que vous faîtes ! Les brigands restent des brigands, les aveugles de naissance sont avantagés… des trucs comme ça. Mais rassurez-vous, l’auteur a pensé à tout, il fallait bien un témoin.

José Saramago (1922-2010), est un écrivain et journaliste portugais. En 1998, il obtient le prix Nobel de littérature. Il s’est fortement engagé dans le mouvement altermondialiste, et est l’un des signataires du Manifeste de Porto Alegre. Il s’est également engagé dans la contestation de la version officielle des attentats du 11 septembre 2001. Il a de plus souvent dénoncé la politique du gouvernement israélien vis-à-vis de la Palestine.

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